samedi 21 février 2015

Voici la ronde des jurons...

Maniant les jurons revigorants d'autrefois, plus colorés que ceux d'aujourd'hui, Georges Brassens dédie une chanson intemporelle aux hussards (soldats de la cavalerie légère), aux cadets de Gascogne - immortalisés tour à tour par Alexandre Dumas père dans Les Trois Mousquetaires (1844) puis Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac (1897) - mais aussi aux harengères du Pont-Neuf, que célébra François Villon dans sa Ballade des femmes de Paris. Un célèbre poème que l'on retrouve dans Le Testament (1461), recueil d'une vingtaine de poèmes essentiellement octosyllabiques considéré comme l'une des plus belles œuvres littéraires du Moyen Âge tardif. [Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 172]

Prince, aux dames Parisiennes
De beau parler donne le pris;
Quoy qu'on die d'Italiennes,
Il n'est bon bec que de Paris.

Les harengères, ou haranchieres, ce sont les marchandes de poisson au détail qui avaient la réputation d'attirer le client par leur langage familier et imagé. Par extension, ce sont aussi des femmes aux manières et au langage grossiers.

Les harengères
Et les mégères
Ne parlent plus à la légère !

Les mégères, quant à elles, trouvent l'origine de leur qualificatif dans la mythologie gréco-romaine. Mégère (Μέγαιρα) est en effet l'une des trois Erinyes, divinités persécutrices dont les Furies sont la correspondance romaine. Elle est aujourd'hui devenue synonyme de femme acariâtre, emportée, hargneuse. [Rochard L. - Les mots de Brassens* - pp. 195-196]

Le vieux catéchisme poissard
N'a guèr' plus cours chez les hussards...

L'adjectif poissard est employé pour qualifier ce imite le langage et les mœurs du plus bas peuple. Une poissarde, comme l'explique le Littré, est une femme qui a des manières hardies, un langage grossier. Dans son ouvrage répertoriant et explicitant le riche vocabulaire que Brassens a mis en scène dans ses textes*, Loïc Rochard nous apprend que poissarde était une invective très usitée chez les harengères. Les hussards avaient-ils eux aussi un langage particulièrement familier ainsi que des us et coutumes grossières et sans-gêne au point que leur dénomination soit passée dans le langage courant pour désigner cette manière d'être ?

La ronde des jurons a moins choqué que Le pornographe, dont elle est le pendant. Ce qui s'explique aisément par le fait qu'à son époque les "joyeux jurons" défilant "comme des grains de chapelet" n'avaient plus cours. Fait que Jacques Charpentreau souligne dans son ouvrage Georges Brassens et la poésie quotidienne de la chanson (1960). Mieux encore, nombre d'entre nous en ont découvert certains grâce à Brassens qui, se référant au franc-parler des Gaulois dont il regrette la disparition, s'est livré à un exercice de style dont l'humour est le fil conducteur.


Dans l'éditorial du N°111 de la revue Les Amis de Georges (septembre-octobre 2009), Jean-Paul Sermonte évoque l'origine d'un panel de ces expressions, exutoires spontanées, servant d'injures et souvent issues d'une déformation destinée à cacher la référence à Dieu et ainsi, éviter le blasphème. ce dernier étant interdit à l'époque où l'Église exerçait son autorité au moins morale sur toute la société.

Pas de "gros mot" dans La ronde des jurons, juste des interjections imagées donnant une intensité particulière à un discours et que Brassens réunit pour le plaisir de les faire rimer... comme il l'a fait dans Le pornographe ! [Bonnafé A. -  ‎ ‎Georges Brassens‎  - p. 32] Ces deux chansons, il les a interprétées dans l'émission de Michèle Arnaud Chez vous ce soir (ORTF, 05/12/1958), seul à la guitare. La ronde des jurons est ici à redécouvrir, avec une très jolie coda instrumentale que l'on ne retrouve pas sur la version studio bien connue aujourd'hui !

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