A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

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"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

lundi 3 novembre 2014

Heureux qui comme Ulysse

"Cela n'a rien à voir avec les aventures tragi-comiques du même Fernandel dans La Vache et le Prisonnier, d'Henri Verneuil. L'air de Provence ferait plutôt penser à un conte cinématographique de Marcel Pagnol ; et, dans l'odyssée de l'homme et du cheval à travers le Lubéron, les Alpilles, la Crau et la Camargue, ce sont la vie et la liberté du cheval qui doivent être préservées. Henri Colpi a réalisé cela avec délicatesse, tendresse et humour. On est touché par la vérité des personnages et des paysages, par l'amitié d'Antonin avec l'animal. Une oeuvre chaleureuse qui exalte l'humanisme et la nature."
 

Ainsi s'exprimait Jacques Siclier dans Télérama le 11/11/2003, au sujet du dernier film tourné par Fernandel: Heureux qui comme Ulysse (1970*). Réalisé par Henri Colpi d'après la nouvelle de Marlena Frick, The Homecoming (1964), il a été mis en musique par Georges Delerue. La chanson-titre, souvent attribuée à Georges Brassens par le grand public, est en réalité née de la plume de Colpi, qui se trouve être un ami d'enfance du poète sétois.


C'est en effet en 1931, alors qu'il n'avait que 10 ans, que ses parents l’avaient envoyé habiter chez son frère aîné à Sète. Ce dernier tenait le café Odéon, Place Delille. Dans l'île singulière, Colpi a eu une scolarité exemplaire, couronnée chaque année par l'obtention du prix d’excellence remis des mains de Paul Valéry, grand écrivain, poète et philosophe qu'il admirait beaucoup. Sur les bancs du collège de Sète, il a rencontré Georges Brassens avec qui il a tissé de solides liens d'amitiés.

Henri Colpi: "C’est là que j’ai connu Georges Brassens, qui avait mon âge au collège. Sa mère nous amenait à la plage en nous tenant chacun par la main et c’est lui qui m’a appris à nager." [Henri Colpi, une jeunesse sétoise - www.thau-info.fr]

Sous le soleil de la Méditerranée, le futur réalisateur d'Une aussi longue absence (1961) a trouvé sa vocation qui l'a amené à proposer à Brassens de collaborer musicalement avec lui.

Henri Colpi: "J'aime la chanson, j'ai écrit, paroles seulement, quelques chansons. Elles étaient destinées aux films que je mettais en scène. Je savais donc qu'il y aurait une musique pour Heureux qui comme Ulysse, film tourné en 1969 avec Fernandel dans le rôle principal. Cette chanson était conçue pour constituer non pas une ritournelle avec couplets et refrain, mais un commentaire de l'action. J'en avais confié le texte à Georges Delerue qui devait composer la partition du film (...)" [Sermonte J.-P. - Brassens au bois de son cœur - pp. 131-132]

Le texte, ainsi que la musique de Delerue, a donné l'idée à ce dernier de l'interprétation par l'auteur des Copains d'abord. L'amitié, chère à celui-ci, n'est-elle pas l'un des thèmes évoqués dans [la chanson] Heureux qui comme Ulysse ? Sans compter celui du sauvetage d'un vieux cheval, qui est le fil conducteur du film. Brassens, connu pour son amour des animaux, n'en sera sans doute pas indifférent.

Georges Delerue: "C'est une chanson qui parle d'Occitanie, de liberté et d'amitié. Sans le faire exprès, j'ai écrit la musique dans la tessiture de Georges Brassens. Tu le connais bien, tu devrais lui en parler." [Sermonte J.-P. - Brassens au bois de son cœur - pp. 131-132]

Sur le moment, Colpi hésite. Est-il possible que son compère accepte de chanter une chanson dont il n'est ni l'auteur ni le compositeur et, de plus, en étant accompagné par un orchestre ? Peut-être. Georges n'est-il pas capable de tout dès que l'on fait appel à son sens de l'amitié ?


14/10/1969: Brassens effectue se rentrée à Bobino. C'est durant les semaines qui vont suivre que Colpi lui rend visite à plusieurs reprises, dans sa loge. Pour cela, il privilégie les créneaux pouvant permettre plus d'intimité. Les deux amis ont de longues conversations mais, les premiers temps, Colpi n'ose pas évoqué son projet, préférant d'abord en parler à Gibraltar puis à Püpchen. Tous les deux le rassurent: oui, Georges chantera Heureux qui comme Ulysse.

Promesse tenue, l'enregistrement a lieu un après-midi de décembre 1969 au Studio Davout (Paris 20e). La séance est courte, se déroule sur un temps de pose pour Brassens qui rejoindra sa loge à Bobino tout de suite après. S'il connait déjà plus ou moins la musique, dont Colpi lui avait confié la partition trois jours auparavant au cours d'une de ses visites, ce n'est en revanche pas le cas pour les paroles qu'il ne découvre qu'à l'entrée en studio. Mais la confiance est de mise. L'anxiété de Colpi finit par se dissiper. Georges apprécie l'ensemble et Heureux qui comme Ulysse est enregistrée en une seule prise avec Pierre Nicolas (contrebasse) ainsi que Barthélémy Rosso (seconde guitare) qui se joignent à l'orchestre dirigé par Georges Delerue. [Le Gresley R. - Pour vous Monsieur Brassens, d’affectueuses irrévérences - pp. 116-117]



Un 45T simple sera édité début 1970 sous le label Philips (Série Parade 6009 007), avec en face B le morceau instrumental Lamento, également tiré de la bande-originale de Delerue. Quant à la photo qui orne le recto de la pochette, elle est bien extraite du film, mais ce n'est pas celle de l'affiche.


En écoutant Heureux qui comme Ulysse d'une oreille attentive, on remarquera que sur la version de ce 45T, Brassens chante deux couplets de moins que dans le film. De plus, le premier vers de la chanson constitue un clin d’œil au célèbre sonnet de Joachim Du Bellay (1522-1560), tiré du recueil Les Regrets (1558). Cet ouvrage de 191 poèmes, tous en alexandrins, a été écrit pendant le séjour de son auteur à Rome de 1553 à 1557 et publié à son retour par l'imprimeur Frédéric Morel, l'Ancien.

* 03/01/1970 à Marseille, 08/07/1970 à Paris.

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