A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

J'ai rendez-vous avec vous

"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

dimanche 15 juin 2014

"Nous les Bretons !..."

C'est au milieu des années 1950 et plus précisément à l'été 1956 que Georges Brassens a connu la famille de Jeanne Le Bonniec-Planche, originaire de la région de Lanvollon, petit village situé à vingt kilomètres de Paimpol, dans les Côtes-du-Nord. La Jeanne aimait passer quelques vacances, en été, auprès de ses proches. Lorsque Georges la conduisait, il passait du bon temps à Ploubazlanec chez Michel Le Bonniec, le neveu de sa bienfaitrice, qu'il connaissait depuis 1942. Ensemble, ils parcouraient le pays: l'anse de Paimpol, Tréguier, L'Arcouest et son superbe panorama sur l'île de Bréhat, Loguivy-de-la-Mer... où le poète sétois a prit peu à peu ses habitudes sitôt qu'il a loué une maison pour Jeanne. Comme le relate Marcel Amont en préface du livre de Pierre Berruer Brassens et la Bretagne (1991), un certain attachement pour la Bretagne va alors naître chez Georges qui la fera découvrir à Püpchen.
 
Marcel Amont: "Il aimait la Bretagne et les Bretons. La Bretagne pour son air marin sans la chaleur suffocante de son Sète natal. Les Bretons pour leur pudeur bourrue, leur gentillesse, leur simplicité, leur discrétion. Des Bretons qui l'aimaient pour les mêmes raisons. D'autant que lui, en plus, c'était "quand même" Brassens..."

La mer lui rappelle de nombreux souvenirs de son adolescence, tandis qu'il se sent au calme et retrouve une certaine solitude qui lui est chère. En effet, a contario de l'ambiance survoltée à laquelle il est exposé dans son pays natal du fait des attaches qu'il y a gardées, personne en terre paimpolaise ne le connaît, excepté les Le Bonniec et particulièrement Michel, qui le considérait comme son "presque frère" et avec lequel de très solides liens vont se tisser. C'est ainsi qu'en 1958, Brassens deviendra le parrain d'Erwan, le second fils de Michel et de son épouse. Sa reconnaissance envers Jeanne s'étendant à sa famille, Georges aidera financièrement Michel à acquérir un magasin de sport à Paimpol. Situé au 5, rue de l’Église, la petite entreprise familiale deviendra très vite prospère. Aujourd'hui, c'est Erwan qui a succédé à son père.
 
 

L'année 1970 est celle de la communion d'Erwan, mais aussi de l'installation de Georges à Lézardrieux. Il y a trouvé une maison, avec le concours de Michel Le Bonniec qui avait auparavant cherché en vain à Loguivy-de-la-Mer, tout en sollicitant ses connaissances, parmi lesquelles le maire de Lézardrieux, Marcel Le Corre. C'est ce dernier qui a indiqué Kerflandry, alors inoccupée et qui va remplacer le "Moulin de La Bonde", à Crespières, mis en vente pour cause de promiscuité. Située en contrebas d'une falaise boisée, la demeure offre une grande cour sur le devant, un jardin mis en valeur par de grands massifs d'hortensias à l'arrière, une vue magnifique sur la plage du Craclais et le Trieux dont l'embouchure est toute proche: tout est réuni pour garantir une ambiance calme et paisible, telle que le sétois moustachu la recherche. "Je serai peinard avec ce jardin, la flotte à côté, cette vue superbe !" dira-t-il avant de rapidement conclure l'affaire. Après avoir agrandi sa nouvelle résidence secondaire pour y installer un bureau ainsi qu'un petit studio avec un orgue électrique et du matériel d’enregistrement, il viendra près de deux mois par an y passer des vacances avec Püpchen. En été bien sûr, mais aussi certains hivers. Approfondissant le sujet dans son article intitulé Georges Brassens: son coup de foudre pour la Bretagne et les Bretons, publié dans Ouest-France le 10/11/2021, Régis Delanoë cite l’écrivaine et conférencière Michelle Brieuc, qui s'est intéressée à la vie de Georges Brassens.
 
Michelle Brieuc: "(...) Il appréciait le temps gris, propice à la solitude intérieure. Il promenait son caniche [Kafka] sur la plage chaque jour. C’était un peu comme le vieux cousin de Paris, les riverains le laissaient tranquille." [Georges Brassens: son coup de foudre pour la Bretagne et les Bretons - www.ouest-france.fr]

 
Lorsque son "presque frère" s’annonce, Michel Le Bonniec prépare son arrivée en allant ouvrir les volets de Kerflandry. Brassens débarque dans sa Citroën DS, pour un séjour qui va lui permettre de se ressourcer, avant de repartir pour une nouvelle tournée. Même durant sa vie bretonne, Georges se lève tôt. Tant à l'époque où il découvrait le pays - en compagnie de Michel Le Bonniec qui lui servait de guide - qu'après son installation à Kerflandry. Tous les matins à 7H, il est le premier client du Bar de l'Univers, un petit bar-tabac tenu par Bébert Le Guen et situé au 27, Place du Martray, près du port de plaisance de Paimpol. Quelques habitués viennent le rejoindre et boivent plusieurs cafés avec lui. Parmi eux, Pierre Mulot, professeur de dessin industriel; Dédé Gégou, principal de collège dans le Centre-Bretagne et Mimile, dit "la Seringue", ancien infirmier parisien. Il y a aussi le bretonnant M. Melou, professeur de lettres à la retraite. Ce dernier l'initiera à la langue de Glenmor. [Calvet L.-J., 1991. Georges Brassens - p. 219] Après ces bons moments, il n'oublie pas d'aller régulièrement faire un tour au magasin de sports que tiennent les Le Bonniec, puis va faire les courses selon la liste préparée par Püpchen. Durant ses journées, Brassens est parfois dans son bureau pour travailler quelques chansons, mais le plus souvent, il flâne, la pipe au bec, en compagnie de son chien Kafka qui s’égaie autour de lui. La ville de Paimpol se souviendra du poète sétois en organisant un hommage festif du 24 septembre au 9 octobre 2011, pour les 30 ans de sa disparition. Georges Brassens à Paimpol a ainsi réuni plus d'un millier de personnes.


Les photos ci-dessus montrent l'enseigne et la devanture du Bar de l'Univers où Brassens avait ses habitudes et qui a été rebaptisé Les copains d'abord juste après sa mort. La rue faisant l'angle (qui s'appelait à l'époque rue Thiers) lui est également dédiée.


Mais revenons à Kerflandry où il arrive que certains lézardriviens ayant tissé des liens avec Georges y soient reçus. Ainsi en est-il de Nanou Le Quellec et ses beaux-parents. Celle-ci se souvient et s'en entretient avec Régis Delanoë.
 
Nanou Le Quellec: "(...) Ils s’invitaient souvent chez les uns et chez les autres. C’était une grande vedette, mais avec nous il était d’une grande simplicité, toujours très gentil, ne sachant que faire pour faire plaisir." [Georges Brassens: son coup de foudre pour la Bretagne et les Bretons - www.ouest-france.fr]
 
Fréquemment, Brassens organise chez lui de grands repas festifs, gourmand qu'il est des bonnes choses, sauf du poisson qu’il déteste ! Nanou Le Quellec évoque notamment le fameux cassoulet préparé par son beau-père, avec la saucisse que le charcutier du village, Michel Le Grand, vient livrer à Kerflandry. N'oublions pas non plus quelques amis de tous bords qui viennent en visite de temps en temps. Parmi eux, Marcel Amont, François Chatel, Fred Mella, André Larue, Joel Favreau, Jean-Pierre Chabrol, René Fallet (assez rarement car il ne fréquente pas beaucoup la région), Les Frères Jacques, Pierre Tchernia, André Tillieu, Pierre Doris ou encore Eric Battista. Ce dernier, ancien champion de triple saut, s'est également adonné à la peinture. Les paysages bretons l'inspirant beaucoup, c'est tout naturellement qu'il emmène avec lui son matériel, lorsqu'il vient retrouver Georges lors de réguliers séjours avec sa famille. C'est également l'occasion pour les deux amis de prendre le plaisir de quelques promenades sur le Trieux à bord d'un "Bombard" fourni pour l'occasion par Michel Le Bonniec. Mais n'étant pas un grand amateur de navigation, Brassens sortait peu lorsqu'il n'avait personne pour l'accompagner. Battista se souvient de cette "véritable pantoufle qui gisait devant la maison". Certains après-midis étaient l'occasion de rencontrer le père Jézéchel, vieux gardien de phare dont les histoires légendaires étaient fréquemment sujets de rigolades lors de joyeuses soirées. [Calvet L.-J., 1991. Georges Brassens - pp. 219-220] Outre ces activités, les deux amis s'organisaient aussi des virées dans la région, Brassens proposant avec enthousiasme de servir de guide. A ce sujet, André Tillieu évoquera, dans son livre Brassens auprès de son Arbre (Julliard, 1983), son tout premier séjour à Kerflandry en 1971, au cours duquel il a croisé les Battista l'avant-veille de son départ.


Moustache ne manquera pas non plus, lors de ses déplacements, de faire un détour par la résidence secondaire bretonne de Georges. Ce sera d'ailleurs le cas en 1980, lorsqu'il effectue une tournée avec son orchestre pour le Podium Europe N°1. Profitant d'un dimanche (jour de relâche), il annoncera son arrivée par téléphone via Michel Le Bonniec, et Brassens s'occupera des courses: des pâtés, des rillettes, des côtes d'agneau, trois mètres de saucisses en chapelets, des salades... et c'est Moustache qui va insister pour faire lui-même la cuisine ! Une soirée mémorable va alors être organisée à Kerflandry le 27/07/1980, avec une séance musicale improvisée. Parmi les morceaux joués, des chansons de Brassens récemment enregistrées en jazz: Élégie à un rat de cave, P... de toi, Le temps ne fait rien à l'affaire. Ce qui va amener le poète sétois à prendre sa guitare pour accompagner Moustache et ses Petits Français. Entre autre, il interprètera (en étant accompagné au piano) Les passantes, d'une voix légèrement voilée, qui renforce la mélancolie du texte d'Antoine Pol. Dans sa biographie Georges Brassens - La marguerite et le chrysanthème, Pierre Berruer relate cette épisode mythique, durant lequel Moustache, grimé pour l'occasion, interprète Kenavo, célèbre chanson bluesy de Théodore Botrel.


Le journaliste et écrivain nous raconte également une autre anecdote concernant Brassens et la Bretagne: lors d'une rencontre organisée par ses soins au Relais Brenner de Lézardrieux entre deux lecteurs du quotidien Ouest-France et l'auteur des Copains d'abord, ce dernier improvisera sur Venise et Bretagne, qu'il interprètera en duo avec Tino Rossi pour l’émission Joyeux Noël... Tino Rossi du 24/12/1979.


À noter également l'autre livre très intéressant que nous devons à Pierre Berruer: Brassens et la Bretagne. Publié en 1991 aux Éditions Ouest-France, il s'agit d'un album de récits biographiques illustrés de nombreuses photographies personnelles de Brassens et de ses visiteurs à Kerflandry. L'ouvrage, cité à plusieurs reprises au fil du présent article, exprime l'attachement de Georges à la Bretagne et à Kerflandry dont il voulait faire sa résidence principale. La photo de la première de couverture est signée Jacques Aubert.

Dans le 19/20 Bretagne, France 3 propose une rubrique déclinant plusieurs lieux emblématiques de Bretagne au fil d'une "balade" agrémentée de divers reportages. Diffusée du lundi au jeudi, Itinéraires Bretagne a fait un détour par Lézardrieux et a rencontré Pierre Mulot et Michou Jannin qui évoquent Georges Brassens. Le reportage, diffusé en 2013, a été baptisé À Lézardrieux, les copains d'alors de Georges Brassens. Nous pouvons également retrouver Pierre Mulot dans un autre reportage, réalisé par l'AFP: Brassens, ses voisins bretons se souviennent. Philippe Péron évoque l'histoire liant le poète sétois et les Côtes-d'Armor dans Ouest-France du 28/10/2017, au fil d'un article titré De Lézardrieux à Paimpol sur les pas de Georges Brassens. Par ailleurs, d'autres autochtones témoigneront également: Marcel Le Corre, pharmacien et maire de Lézardrieux, son préparateur Paul Droumagué, sans oublier M. Jelgon, patron du Restaurant du Trieux où Georges allait parfois dîner.

Les mélomanes passionnés échangent de nombreuses informations très intéressantes sur Brassens et la Bretagne, qu'il est possible de retrouver sur le forum des Amis de Georges. Tout comme à la ville natale de l'écrivain de langue bretonne Charles Gwennou, pour laquelle le poète sétois s'était investi personnellement (à chaque retour de vacances, il signait systématiquement deux chèques de 200 000 anciens francs: l’un pour le club de foot, l’autre pour l’association des aînés de Lézardrieux), on cultive discrètement son souvenir (pas de manifestation mais en revanche, quelques sites commémoratifs, comme la Salle polyvalente Georges Brassens ou encore, la rue dans laquelle se situe Kerflandry), en clin d’œil à cette tranquillité qui lui permettait de recharger ses batteries, après avoir honoré de multiples contrats liés à sa carrière artistique. L'appel de la région qu'il avait adoptée se faisait alors sentir et, après avoir chargé sa voiture pour à prendre la route, il disait, avec un clin d’œil: "Nous les Bretons !..." [Berruer P. - La marguerite et le chrysanthème - p. 132]

3 commentaires:

  1. Bonjour
    Journaliste à Ouest-France à Paimpol, je prends connaissance de ce blog et de la qualité de vos recherches. A quelques jours de l'anniversaire de la mort de Georges Brassens, j'envisage de "rafraîchir" les mémoires sur la vie et les séjours bretons de cet immense artiste. J'aimerais prendre contact avec vous. Pouvez vous me contacter au 06 12 99 66 62 ? Bien cordialement. Philippe Peron.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour,
      Merci de votre message. Je vous contacte dans les plus brefs délais !

      Cordialement,

      Supprimer
  2. C'est effectivement le personnage que son filleul, avec qui j'ai partagé quelques années de complicité au Lycée Rabelais de St-Brieuc, m'a décrit avec tant de discrétion, simplicité et d'admiration.
    Bise à Erwan et Viviane !

    RépondreSupprimer