Peu importe le temps mis à réaliser une œuvre, c’est la qualité du résultat qui est importante.
C’est le concept qui ressort des mots du poète latin Horace (Quintus Horatius Flaccus) lors de l’écriture de ses Satires (recueil en deux tomes : le premier, de dix poèmes, fut publié vers 35, le second, de huit pièces, vers 29 av. J.-C.). Il évoque alors son prédécesseur Caius Lucilius, fondateur du genre. Plus de 1600 ans plus tard, Jacques Du Lorens (1580-1655) s’exprime de la même manière dans sa Satire XVIII :
On ne demande point lorsqu'un voit un tableau
Qui donne dans la vue et que l'on trouve beau,
Quel temps l'excellent peintre aura mis à le faire,
Étant vrai que cela ne fait rien à l'affaire.
Qui donne dans la vue et que l'on trouve beau,
Quel temps l'excellent peintre aura mis à le faire,
Étant vrai que cela ne fait rien à l'affaire.
Ce qu’il ne saura jamais, c’est que l’histoire de la littérature conjuguée à celle de la musique contribueront à rendre célèbre l’expression proverbiale du dernier vers, habilement utilisée par Molière dans Le Misanthrope (1665) où, dans l’acte I, scène 2, Oronte se vante d’avoir écrit en peu de temps, un sonnet qu’il tente de soumettre à Alceste. Ce dernier considère l’œuvre avec circonspection :
ORONTE.
– L’espoir…. Je ne sais si le style
Pourra vous en paraître assez net et facile,
Et si du choix des mots vous vous contenterez.
ALCESTE.
– Nous allons voir, monsieur.
ORONTE.
– Au reste, vous savez
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
ALCESTE.
– Voyons, monsieur ; le temps ne fait rien à l’affaire.
– L’espoir…. Je ne sais si le style
Pourra vous en paraître assez net et facile,
Et si du choix des mots vous vous contenterez.
ALCESTE.
– Nous allons voir, monsieur.
ORONTE.
– Au reste, vous savez
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
ALCESTE.
– Voyons, monsieur ; le temps ne fait rien à l’affaire.
Comme le note René Fallet, toute la chanson abolit implacablement la moindre querelle entre les générations. Dans le refrain, Brassens fait référence à François Villon - l’un de ses auteurs favoris - et sa Ballade des dames du temps jadis, qu’il mit en musique au début des années 1950 (Georges Brassens - Récital N°2 – Polydor 530024, paru début 1954).
Petits cons d’la dernière averse,
Vieux cons des neiges d’antan.
Vieux cons des neiges d’antan.
Georges Brassens à l'Olympia (04/11/1961)
Georges Brassens / Moustache et les Petits Français - volume 1 "Élégie à un rat de cave"
(Philips 9101 260) (1979)
(Philips 9101 260) (1979)
Enregistrée les 23 et 24 octobre 1961 au Studio Blanqui, avec Pierre Nicolas à la contrebasse, Le temps ne fait rien à l’affaire sort en novembre de la même année (Brassens, poèmes et chansons ainsi que Jean-Paul Sermonte, dans Brassens au bois de son cœur, indiquent un copyright de 1962) sur le 33T 25 cm Georges Brassens N°8 (Philips Standard B 76.512 R). Il est important d’évoquer l’utilisation de la chanson 37 ans plus tard pour la bande originale du film Le Dîner de cons (1998), tiré de la pièce éponyme de Francis Veber. Notons que le personnage récurrent de François Pignon (à l'origine co-créé avec la collaboration de Pierre Mondy dans le fauteuil de metteur en scène), est ici incarné par Jacques Villeret et fut popularisé par Jacques Brel dans L’Emmerdeur (1973), d’Edouard Molinaro. Ses grandes caractéristiques sont : la candeur (voire parfois la bêtise), la naïveté, la gentillesse, ainsi que le fait de se trouver souvent face à une situation qui le dépasse, voire dont il n'a pas conscience.
En 1974, dans un entretien pour RTL avec Louis Nucera, Georges Brassens évoque Le Temps ne fait rien à l'affaire et son regard sur la stupidité humaine:
Georges Brassens : "Je ne sais pas s’il y a plus de cons qu’avant. Je crois qu’ils se manifestent plus qu’autrefois, qu’on leur demande plus leur avis, qu’on les sollicite perpétuellement, parce qu’ils sont plus faciles à manier. Alors, évidemment, on leur donne une importance qu’on ne leur donnait pas avant. Ils sont peut-être plus redoutables aujourd’hui parce qu’ils disposent de moyens d’expression. Ça aussi, c’est une mode : s’exprimer. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il y a des gens qui s’exprime mieux en se taisant qu’en parlant, même moi : je ferais mieux de me taire ! On est toujours le con d’un autre. Et puis il y a cette inflation du langage… Il ne faudrait pas les appeler "cons", il faudrait dire "des imbéciles". Con, ça n’est pas assez méchant.
"Il faudrait vivre comme s’ils n’existaient pas. C’est difficile parce qu’on en trouve toujours."
On est toujours le con d'un autre, mais afin d'entretenir nos zygomatiques, laissons à Coluche le mot de la fin:
"Bah alors si on veut trouver plus con, hein, on peut toujours trouver plus con que soi, hein, regardez-moi ?!!!" [J'ai pas dit ça... sur les sportifs]
Georges Brassens : "Je ne sais pas s’il y a plus de cons qu’avant. Je crois qu’ils se manifestent plus qu’autrefois, qu’on leur demande plus leur avis, qu’on les sollicite perpétuellement, parce qu’ils sont plus faciles à manier. Alors, évidemment, on leur donne une importance qu’on ne leur donnait pas avant. Ils sont peut-être plus redoutables aujourd’hui parce qu’ils disposent de moyens d’expression. Ça aussi, c’est une mode : s’exprimer. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il y a des gens qui s’exprime mieux en se taisant qu’en parlant, même moi : je ferais mieux de me taire ! On est toujours le con d’un autre. Et puis il y a cette inflation du langage… Il ne faudrait pas les appeler "cons", il faudrait dire "des imbéciles". Con, ça n’est pas assez méchant.
"Il faudrait vivre comme s’ils n’existaient pas. C’est difficile parce qu’on en trouve toujours."
On est toujours le con d'un autre, mais afin d'entretenir nos zygomatiques, laissons à Coluche le mot de la fin:
"Bah alors si on veut trouver plus con, hein, on peut toujours trouver plus con que soi, hein, regardez-moi ?!!!" [J'ai pas dit ça... sur les sportifs]
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