Georges Brassens et Jean Ferrat se sont connus entre autres via des tournées diverses. Ce d’autant plus que Christine Sèvres, épouse de l’auteur de La Montagne, chantait souvent en première partie de Brassens.
Témoignage artistique d’estime réciproque entre les deux artistes, la chanson A Brassens, que Jean Ferrat composa en 1963 et qui vit le jour en décembre de la même année sur le 33T Nuit et Brouillard (Barclay 80213 S).
Face A: C'est beau la vie / A BrassensTémoignage artistique d’estime réciproque entre les deux artistes, la chanson A Brassens, que Jean Ferrat composa en 1963 et qui vit le jour en décembre de la même année sur le 33T Nuit et Brouillard (Barclay 80213 S).
Face B: Nuit et brouillard / Nous dormirons ensemble
On la retrouvera également sur le super 45T C’est Beau La Vie (Barclay 70613 M), sorti un mois plus tard. A Brassens serait, à notre connaissance, la première chanson rendant hommage au poète sétois de son vivant.
Outre les interviews radiophoniques conjointes qu'ils ont accordées, Brassens et Ferrat ont partagé le plateau de plusieurs émissions télévisées, dont L'Invité du dimanche, sur la deuxième chaîne de l'ORTF le 16/03/1969. Ils y retrouvent Jacques Brel (arrivé sur le plateau juste après une représentation de L'Homme de la Mancha), que Jean-Pierre Chabrol avait également invité. D'autres personnalités sont à leurs côtés, comme l'historien Maurice Choury, Francis Lemarque, Artur London, Monique Morelli et le guitariste Sebastian Maroto. Georges interprète trois chansons : La mauvaise réputation, Les copains d'abord et Auprès de mon arbre. Au cours d’un débat évoqué plus bas, des propos de Ferrat sont jugés subversifs en haut lieu. Sur demande d'André François, directeur intérimaire de la télévision depuis environ un an, des consignes sont données au chef de plateau qui s'avance, muni d’une ardoise sur laquelle est écrit à la craie le message suivant à l'attention de Jean-Pierre Chabrol : "Ordre de la direction, que Jean Ferrat chante, soit, mais qu'il ne parle plus". Un tollé général s'ensuit après l'émission et toute l'équipe est renvoyée. Par la suite, Ferrat s’est longtemps tenu éloigné de la télévision. Daniel Pantchenko revient sur ces évènements dans son ouvrage Jean Ferrat (2010).
Il est important de noter qu’au printemps 1969 est paru le 33T Ma France (Barclay 80384), dont la chanson-titre ainsi que Au printemps de quoi rêvais-tu ? avaient été interdites d’antenne. Un extrait sera diffusé en 1971 par Yves Mourousi qui rompra alors la censure. D’autres chansons de Jean Ferrat avaient déjà été interdites de diffusion auparavant. C’est notamment le cas de Nuit et Brouillard (1963) ou encore Potemkine
(1965). Brassens avait manifesté sa solidarité envers son confrère en
signant une pétition contre l’interdiction de Ferrat sur les antennes de
l’ORTF le 26/04/1965.
Brassens et Ferrat s’opposaient sur certains sujets et l’assumaient très bien. Ainsi, lors de la fameuse émission du 16/03/1969, ils avaient évoqué leur divergence d'opinion sur thème de l'engagement. Dans un certain sens, le poète sétois a toujours eu une certaine aversion pour les processions, les groupes, les ligues, les rassemblements et autres manifestations (il fit cependant une exception en participant à celle qui fut organisée à Paris en 1960 pour protester contre l’exécution de Caryl Chessmann aux USA). Cette opinion, qu’il exprime dans Le pluriel, a cependant été mal comprise. Ainsi, la fameuse locution
Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre on est une bande de cons
a suscité une vive polémique. Marquant son désaccord, Jean Ferrat a répondu avec En groupe en ligue en procession, parue sur le 33T Maria (Barclay 90115) en janvier 1967.
On peut me dire sans rémission
Qu'en groupe en ligue en procession
On a l'intelligence bête
Je n'ai qu'une consolation
C'est qu'on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste
Qu'en groupe en ligue en procession
On a l'intelligence bête
Je n'ai qu'une consolation
C'est qu'on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste
Chez Ferrat, la démarche individualiste reste très importante, mais le recours au "pluriel" sert la bonne cause et la lutte en s'opposant à un ordre ou à des obligations. Brassens, lui, voit les choses différemment en affirmant que le fait de rester libre permet d’analyser objectivement, de se faire sa propre opinion sur tel ou tel évènement. Ainsi l’explique Lionel Champroux :
"Si vous voulez voir les choses clairement, il faut être libre - c’est la condition sine qua non ; à partir du moment où vous êtes attaché à un parti, à un groupe où à quelque chose, vous êtes forcément dépendant du groupe. Vous ne pensez plus par vous-même, vous pensez par le groupe. C’est Le pluriel." [Vassal J., 2011. - Brassens, homme libre - pp. 336-337]
En 1972, Guy Béart défendra ce concept dans En marge et Le groupe. Citons également Pierre Desproges, grand admirateur de Brassens, qui fera allusion au Pluriel dans son spectacle au Théâtre Grévin :
"Je manifeste toujours tout seul.
Quand on est plus de quatre on est une bande de cons. A fortiori, moins de deux, c’est l’idéal. (…)"
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