"Je ne pense pas être un poète… Un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi… Je ne suis pas poète. J’aurais aimé l’être comme Verlaine ou Tristan Corbière." [Georges Brassens in Liégeois J.-P., 2007. Georges Brassens - Œuvres complètes, Le Cherche-Midi, coll. Voix publiques, p. 633]
Ainsi s’exprimait Georges Brassens après que lui eut été décerné le Grand Prix de Poésie de l’Académie française le 08/06/1967 (ce même jour, le journaliste et historien Emmanuel Berl, époux de la chanteuse Mireille, reçut le Grand Prix de Littérature), pour l’ensemble de son œuvre. S'il ne pensait pas mériter un tel honneur, sans doute en a t-il été flatté et ne voulait-il pas peiner ses amis en refusant cette récompense qu’ils s’étaient évertués à lui faire obtenir. C’est l’écrivain et journaliste Louis Nucera qui avait pour cela intercédé auprès de quelques académiciens qu’il avait fait rencontrer à Georges, grâce à sa grande connaissance du milieu des écrivains (il sera directeur littéraire et critique aux éditions Jean-Claude Lattès de 1973 à 1986). Parmi eux, Joseph Kessel mais aussi Marcel Pagnol. Entre eux et l’auteur des Copains d’abord, l’estime était réciproque.
L'auteur de la célèbre Trilogie marseillaise avait même proposé un rôle de berger à Brassens dans Les Étoiles (adaptation de la nouvelle d’Alphonse Daudet). Si sur le coup, ils en avaient discuté tous les deux devant un pastis, au détour d’une conversation sur la poésie, le projet avait fini par avorter, Pagnol ayant décidé d’abandonner le cinéma, déçu par l’échec de son adaptation des Lettres de mon moulin (1954). De son côté, Brassens avait de toute façon poliment décliné l’offre, ne se sentant pas fait pour le cinéma. Malgré tout, il se lancera dans cette expérience en décembre 1956 sur l'insistance de René Fallet, pour le tournage de Porte des Lilas (1957).
Parmi ses soutiens au sein de l’Institut de France, on comptait également Marcel Achard (un mot de celui-ci à Marcel Pagnol l'incite à donner sa voix à Georges. Le site de l'association L’Amandier nous permet de voir ledit billet que le sétois avait conservé et daté de juin 1967), Louis Armand, André Chamson, René Clair, Louis Leprince-Ringuet et Jean Rostand. Le jour J, lorsque le vote de l’Académie française a été rendu public, Georges, convalescent depuis son opération des reins le 12/05, était chez lui, au Méridien, avec René Fallet. Très concentré, il parcourait le Catalogue de la Manufacture d'armes et cycles de Saint-Etienne tout en tirant sur sa pipe. "S’ils me le donnent, leur prix, c’est qu’ils ont peur de m’enterrer bientôt", avait-il dit. Fallet se souvient : "Ils le lui donnèrent sans, je l’espère, avoir cette pensée désastreuse, et l’Académie française choisit, pour apprendre la nouvelle à l’intéressé, la plus gracieuse de ses branches." En effet, Jacqueline Pagnol était venue annoncer la grande nouvelle, avant de participer au pot cérémonial qui s’en était suivi.
"Trenet, Brassens, Brel, Béart... ont composé de véritables chefs-d’œuvre, et je crois que l'Académie française ne s'est pas trompée en donnant cette année le Grand Prix de poésie à Georges Brassens." (Marcel Pagnol, 1967)
L'allocution destinée au lauréat a été prononcée par René Clair. L’événement a bien sûr eu un écho important dans la presse et Jean-Pierre Chabrol témoigne, tout en analysant de manière élogieuse l’œuvre du sétois moustachu:
Jean-Pierre Chabrol: "Le public, les journalistes n'osent plus limiter Brassens au petit royaume truculent et versatile de la chansonnette (l'Académie n'a fait que suivre). Son influence est vaste et profonde: d'une manière de parler, de penser, de se conduire, on dit déjà: c'est du Brassens et le qualificatif implique une morale." [Tillieu A. - Brassens auprès de son Arbre - p. 198]
Parmi les journaux qui plébiscitent le nouveau lauréat du Grand Prix de Poésie (un prix de 10000 francs doté par la fondation Roucoules), on peut citer : Le Figaro du 09/06/1967, dans lequel Jacques Jaubert annonce la distinction de Georges en titrant : "Georges Brassens et Emmanuel Berl : un troubadour et un essayiste grands prix de l’Académie française" [Sermonte J.-P. - Brassens au bois de son cœur - pp. 125-127] ; La Gazette de Lausanne du 09/06/1967 dans laquelle Jean Michel titre Brassens, lauréat de l'Académie ! ; La Nouvelle République du 09/06/1967 avec un titre imagé très à propos : Un vent fripon a soufflé sur le Quai Conti ; Paris-Jour du 09/06/1967, où Arlette Chabrol fait paraître les mots de Jean Rostand saluant le verdict des académiciens ; Le Monde du 10/06/1967 avec un article de Claude Sarraute titré "Les Grands prix de l’Académie française. Poésie : Georges Brassens" ; Les Nouvelles Littéraires du 15/06/1967, qui annoncent les récompenses décernées respectivement à Georges Brassens et à Emmanuel Berl via la plume de Jean Montalbetti (Le Hit-Parade de l'Académie), puis voient René Fallet faire écho, dans un article intitulé La bonne réputation, aux propos de Claude Sarraute avant de raconter comment lui son ami ont vécu le moment où le verdict est tombé. N'oublions pas non plus Les sites respectifs des associations L’Amandier et Auprès de son Arbre ont réuni toutes ces intéressantes coupures de presses, ainsi que l’article d’Alain Bosquet ("Brassens ? Pourquoi pas Fernandel ?" - Combat, 10/06/1967) qui ne partage pas et même fustige le choix des académiciens. Dans Le Monde Libertaire de juillet-août 1967, J.-L. Gérard a rebondi sur les propos de l'auteur de La Confession mexicaine (1965) avec un article titré "Bosquet contre Brassens". A noter que Bosquet a succédé à Brassens en obtenant le Grand Prix de Poésie en 1968 avec Jean Lebrau.
Au cours de la séance publique annuelle de l'Académie qui s'est tenue le 21/12/1967, le poète et romancier Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel de l'époque et faisant partie des appuis du sétois (au contraire de Jean Mistler, qui lui succèdera en janvier 1974), a prononcé un discours dont l'incipit au sujet du Grand Prix de Poésie est un à-propos intéressant: "S'il n'est pas certain que, dans l'histoire politique, tout finisse par des chansons, c'est par des chansons que commence l'histoire de la poésie. Ainsi, en récompensant un de ceux que jadis on appelait ménestrels, n'avons-nous pas eu le sentiment de céder au caprice d'une mode, mais au contraire de renouer avec une tradition qui remonte aux premiers âges de notre langue." [Lamy J.-C. - Brassens, le mécréant de Dieu - p. 233]
Pour Georges, l’histoire ne s’est pas arrêtée là : avec la complicité de Louis Nucera et du journaliste et producteur André Asséo, ses admirateurs parmi les hommes en habit vert avaient également émis le souhait de le voir poser sa candidature pour siéger avec eux sous la coupole du Collège des Quatre Nations. Déjà, Joseph Kessel - qui avait progressivement estimé les chances de succès d'une telle entreprise - lui avait fait cette suggestion après être allé lui rendre visite dans sa loge à Bobino, lors d’un concert de la tournée du 21/10 au 10/11/1964. L’anecdote en question a été relatée dans Cinémonde du 29/12/1964 - Brassens à l'académie ?, par Louis Nucera dans son article "Brassens comme vous ne l'avez jamais encore vu" (Constellation, août 1966), ainsi que dans Les Lettres Françaises du 15/06/1967 où René Bourdier souligne l’honneur qui a été fait à la chanson, après avoir eu connaissance de la récompense qui a été remise à Brassens. On n'oubliera pas le court article ajouté par René Lacôte dans ce même numéro des Lettres Françaises - Georges Brassens Grand Prix de Poésie - dans lequel le journaliste donne son point de vue au sujet de la polémique déclenchée par l'évènement. Dans une chronique de l'émission Bibliothèque de poche (ORTF, 19/07/1967), Le Figaro Littéraire (31/07/1967) a également suggéré l'éventualité que Brassens puisse rejoindre les "immortels" du quai de Conti. Le titre est d'ailleurs évocateur: "Un Brassens très académique." En outre, Jean-Patrick Maury pose ouvertement la question dans le chapeau de son dossier "Brassens est-il un poète ?" publié dans Le Magazine Littéraire de juillet-août 1967.
Si est vrai que le cinéma est déjà représenté à l’Académie française en la personne de René Clair, la chanson ne verra en revanche pas Georges l’élever ainsi. Tandis que Nucera et Asséo le mettaient au courant du complot qui était en train de se tramer, il écoutait, dubitatif mais attentif, avant d'expliquer que s'il n'avait rien contre l'Académie française, il ne se sentait pas fait pour ça. Dans son ouvrage Mes ports d'attache (1994), Louis Nucera évoque cette fameuse discussion au cours de laquelle Brassens, afin d'étayer ses propos, avait cité une locution d'Alphonse Daudet - probablement tirée de L'immortel (1888) - qui tournait le dos à la Vieille Dame du quai de Conti mais pestait lorsque des hommes de lettres critiquaient ceux qu'elle faisait rêver.
Georges Brassens: "Je partage cet avis. Je n'ai pas d'inclination pour l'habit vert. Ce n'est pas une raison pour brocarder les gens qui veulent le revêtir et pour donner des coups de patte à la compagnie."
Au cours de plusieurs interviews, le sétois prenait le sujet avec ironie, tout en affirmant sa position : "Tu me vois avec une épée et un bicorne ?" avait-il dit à René Fallet. Et pour cause, l’anarchiste ne portait pas l’uniforme dans son cœur. A Jacques Chancel, il avait commenté : "C'est ridicule ! Je hais les uniformes - sauf celui du facteur, bien entendu." [Radioscopie, 30/11/1971, Radio France/France Inter]
Il en est de même pour toutes les institutions. René Clair avait d’ailleurs souligné ce point. L’approbation de son public suffisait à Brassens qui estimait la chanson plus libre sans reconnaissance officielle. Sans compter les multiples obligations et séances de travail qui incombent aux académiciens et qui lui eussent volé une partie du temps et de la tranquillité si importantes pour écrire des chansons. A François-René Cristiani, lors de la célèbre interview du 06/01/1969 avec Jacques Brel et Léo Ferré, il faisait de nouveau part de son rapport personnel à l’écriture poétique :
Georges Brassens: "Je ne sais pas si je suis poète, il est possible que je le sois un petit peu, mais peu m’importe. Je mélange des paroles et de la musique, et puis je les chante."
Dans son journal, en juin 1969, Georges fait allusion à une conversation qu'il avait eue avec Joseph Kessel sur la coupole du Collège des Quatre Nations, par une note inachevée qui garde sa part de mystère. [Brassens G. - Journal et autres carnets inédits - p. 154] Il est intéressant de noter que la proposition qui lui avait été faite de candidater auprès de l’Académie française avait couru telle une rumeur qui, arrivée aux oreilles de Raymond Sarge, lui avait inspirée le texte d’une chanson : Supplique à Georges Brassens (pour qu’il n’entre pas à l’Académie française). A ce jour, il ne m'a pas été possible de savoir si l'intéressé a pu en avoir connaissance.
Ainsi s’exprimait Georges Brassens après que lui eut été décerné le Grand Prix de Poésie de l’Académie française le 08/06/1967 (ce même jour, le journaliste et historien Emmanuel Berl, époux de la chanteuse Mireille, reçut le Grand Prix de Littérature), pour l’ensemble de son œuvre. S'il ne pensait pas mériter un tel honneur, sans doute en a t-il été flatté et ne voulait-il pas peiner ses amis en refusant cette récompense qu’ils s’étaient évertués à lui faire obtenir. C’est l’écrivain et journaliste Louis Nucera qui avait pour cela intercédé auprès de quelques académiciens qu’il avait fait rencontrer à Georges, grâce à sa grande connaissance du milieu des écrivains (il sera directeur littéraire et critique aux éditions Jean-Claude Lattès de 1973 à 1986). Parmi eux, Joseph Kessel mais aussi Marcel Pagnol. Entre eux et l’auteur des Copains d’abord, l’estime était réciproque.
L'auteur de la célèbre Trilogie marseillaise avait même proposé un rôle de berger à Brassens dans Les Étoiles (adaptation de la nouvelle d’Alphonse Daudet). Si sur le coup, ils en avaient discuté tous les deux devant un pastis, au détour d’une conversation sur la poésie, le projet avait fini par avorter, Pagnol ayant décidé d’abandonner le cinéma, déçu par l’échec de son adaptation des Lettres de mon moulin (1954). De son côté, Brassens avait de toute façon poliment décliné l’offre, ne se sentant pas fait pour le cinéma. Malgré tout, il se lancera dans cette expérience en décembre 1956 sur l'insistance de René Fallet, pour le tournage de Porte des Lilas (1957).
Parmi ses soutiens au sein de l’Institut de France, on comptait également Marcel Achard (un mot de celui-ci à Marcel Pagnol l'incite à donner sa voix à Georges. Le site de l'association L’Amandier nous permet de voir ledit billet que le sétois avait conservé et daté de juin 1967), Louis Armand, André Chamson, René Clair, Louis Leprince-Ringuet et Jean Rostand. Le jour J, lorsque le vote de l’Académie française a été rendu public, Georges, convalescent depuis son opération des reins le 12/05, était chez lui, au Méridien, avec René Fallet. Très concentré, il parcourait le Catalogue de la Manufacture d'armes et cycles de Saint-Etienne tout en tirant sur sa pipe. "S’ils me le donnent, leur prix, c’est qu’ils ont peur de m’enterrer bientôt", avait-il dit. Fallet se souvient : "Ils le lui donnèrent sans, je l’espère, avoir cette pensée désastreuse, et l’Académie française choisit, pour apprendre la nouvelle à l’intéressé, la plus gracieuse de ses branches." En effet, Jacqueline Pagnol était venue annoncer la grande nouvelle, avant de participer au pot cérémonial qui s’en était suivi.
"Trenet, Brassens, Brel, Béart... ont composé de véritables chefs-d’œuvre, et je crois que l'Académie française ne s'est pas trompée en donnant cette année le Grand Prix de poésie à Georges Brassens." (Marcel Pagnol, 1967)
L'allocution destinée au lauréat a été prononcée par René Clair. L’événement a bien sûr eu un écho important dans la presse et Jean-Pierre Chabrol témoigne, tout en analysant de manière élogieuse l’œuvre du sétois moustachu:
Jean-Pierre Chabrol: "Le public, les journalistes n'osent plus limiter Brassens au petit royaume truculent et versatile de la chansonnette (l'Académie n'a fait que suivre). Son influence est vaste et profonde: d'une manière de parler, de penser, de se conduire, on dit déjà: c'est du Brassens et le qualificatif implique une morale." [Tillieu A. - Brassens auprès de son Arbre - p. 198]
Parmi les journaux qui plébiscitent le nouveau lauréat du Grand Prix de Poésie (un prix de 10000 francs doté par la fondation Roucoules), on peut citer : Le Figaro du 09/06/1967, dans lequel Jacques Jaubert annonce la distinction de Georges en titrant : "Georges Brassens et Emmanuel Berl : un troubadour et un essayiste grands prix de l’Académie française" [Sermonte J.-P. - Brassens au bois de son cœur - pp. 125-127] ; La Gazette de Lausanne du 09/06/1967 dans laquelle Jean Michel titre Brassens, lauréat de l'Académie ! ; La Nouvelle République du 09/06/1967 avec un titre imagé très à propos : Un vent fripon a soufflé sur le Quai Conti ; Paris-Jour du 09/06/1967, où Arlette Chabrol fait paraître les mots de Jean Rostand saluant le verdict des académiciens ; Le Monde du 10/06/1967 avec un article de Claude Sarraute titré "Les Grands prix de l’Académie française. Poésie : Georges Brassens" ; Les Nouvelles Littéraires du 15/06/1967, qui annoncent les récompenses décernées respectivement à Georges Brassens et à Emmanuel Berl via la plume de Jean Montalbetti (Le Hit-Parade de l'Académie), puis voient René Fallet faire écho, dans un article intitulé La bonne réputation, aux propos de Claude Sarraute avant de raconter comment lui son ami ont vécu le moment où le verdict est tombé. N'oublions pas non plus Les sites respectifs des associations L’Amandier et Auprès de son Arbre ont réuni toutes ces intéressantes coupures de presses, ainsi que l’article d’Alain Bosquet ("Brassens ? Pourquoi pas Fernandel ?" - Combat, 10/06/1967) qui ne partage pas et même fustige le choix des académiciens. Dans Le Monde Libertaire de juillet-août 1967, J.-L. Gérard a rebondi sur les propos de l'auteur de La Confession mexicaine (1965) avec un article titré "Bosquet contre Brassens". A noter que Bosquet a succédé à Brassens en obtenant le Grand Prix de Poésie en 1968 avec Jean Lebrau.
Au cours de la séance publique annuelle de l'Académie qui s'est tenue le 21/12/1967, le poète et romancier Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel de l'époque et faisant partie des appuis du sétois (au contraire de Jean Mistler, qui lui succèdera en janvier 1974), a prononcé un discours dont l'incipit au sujet du Grand Prix de Poésie est un à-propos intéressant: "S'il n'est pas certain que, dans l'histoire politique, tout finisse par des chansons, c'est par des chansons que commence l'histoire de la poésie. Ainsi, en récompensant un de ceux que jadis on appelait ménestrels, n'avons-nous pas eu le sentiment de céder au caprice d'une mode, mais au contraire de renouer avec une tradition qui remonte aux premiers âges de notre langue." [Lamy J.-C. - Brassens, le mécréant de Dieu - p. 233]
Pour Georges, l’histoire ne s’est pas arrêtée là : avec la complicité de Louis Nucera et du journaliste et producteur André Asséo, ses admirateurs parmi les hommes en habit vert avaient également émis le souhait de le voir poser sa candidature pour siéger avec eux sous la coupole du Collège des Quatre Nations. Déjà, Joseph Kessel - qui avait progressivement estimé les chances de succès d'une telle entreprise - lui avait fait cette suggestion après être allé lui rendre visite dans sa loge à Bobino, lors d’un concert de la tournée du 21/10 au 10/11/1964. L’anecdote en question a été relatée dans Cinémonde du 29/12/1964 - Brassens à l'académie ?, par Louis Nucera dans son article "Brassens comme vous ne l'avez jamais encore vu" (Constellation, août 1966), ainsi que dans Les Lettres Françaises du 15/06/1967 où René Bourdier souligne l’honneur qui a été fait à la chanson, après avoir eu connaissance de la récompense qui a été remise à Brassens. On n'oubliera pas le court article ajouté par René Lacôte dans ce même numéro des Lettres Françaises - Georges Brassens Grand Prix de Poésie - dans lequel le journaliste donne son point de vue au sujet de la polémique déclenchée par l'évènement. Dans une chronique de l'émission Bibliothèque de poche (ORTF, 19/07/1967), Le Figaro Littéraire (31/07/1967) a également suggéré l'éventualité que Brassens puisse rejoindre les "immortels" du quai de Conti. Le titre est d'ailleurs évocateur: "Un Brassens très académique." En outre, Jean-Patrick Maury pose ouvertement la question dans le chapeau de son dossier "Brassens est-il un poète ?" publié dans Le Magazine Littéraire de juillet-août 1967.
Si est vrai que le cinéma est déjà représenté à l’Académie française en la personne de René Clair, la chanson ne verra en revanche pas Georges l’élever ainsi. Tandis que Nucera et Asséo le mettaient au courant du complot qui était en train de se tramer, il écoutait, dubitatif mais attentif, avant d'expliquer que s'il n'avait rien contre l'Académie française, il ne se sentait pas fait pour ça. Dans son ouvrage Mes ports d'attache (1994), Louis Nucera évoque cette fameuse discussion au cours de laquelle Brassens, afin d'étayer ses propos, avait cité une locution d'Alphonse Daudet - probablement tirée de L'immortel (1888) - qui tournait le dos à la Vieille Dame du quai de Conti mais pestait lorsque des hommes de lettres critiquaient ceux qu'elle faisait rêver.
Georges Brassens: "Je partage cet avis. Je n'ai pas d'inclination pour l'habit vert. Ce n'est pas une raison pour brocarder les gens qui veulent le revêtir et pour donner des coups de patte à la compagnie."
Au cours de plusieurs interviews, le sétois prenait le sujet avec ironie, tout en affirmant sa position : "Tu me vois avec une épée et un bicorne ?" avait-il dit à René Fallet. Et pour cause, l’anarchiste ne portait pas l’uniforme dans son cœur. A Jacques Chancel, il avait commenté : "C'est ridicule ! Je hais les uniformes - sauf celui du facteur, bien entendu." [Radioscopie, 30/11/1971, Radio France/France Inter]
Il en est de même pour toutes les institutions. René Clair avait d’ailleurs souligné ce point. L’approbation de son public suffisait à Brassens qui estimait la chanson plus libre sans reconnaissance officielle. Sans compter les multiples obligations et séances de travail qui incombent aux académiciens et qui lui eussent volé une partie du temps et de la tranquillité si importantes pour écrire des chansons. A François-René Cristiani, lors de la célèbre interview du 06/01/1969 avec Jacques Brel et Léo Ferré, il faisait de nouveau part de son rapport personnel à l’écriture poétique :
Georges Brassens: "Je ne sais pas si je suis poète, il est possible que je le sois un petit peu, mais peu m’importe. Je mélange des paroles et de la musique, et puis je les chante."
Dans son journal, en juin 1969, Georges fait allusion à une conversation qu'il avait eue avec Joseph Kessel sur la coupole du Collège des Quatre Nations, par une note inachevée qui garde sa part de mystère. [Brassens G. - Journal et autres carnets inédits - p. 154] Il est intéressant de noter que la proposition qui lui avait été faite de candidater auprès de l’Académie française avait couru telle une rumeur qui, arrivée aux oreilles de Raymond Sarge, lui avait inspirée le texte d’une chanson : Supplique à Georges Brassens (pour qu’il n’entre pas à l’Académie française). A ce jour, il ne m'a pas été possible de savoir si l'intéressé a pu en avoir connaissance.
Interprétée par Interprétée par Jean-Marie Vivier, elle est parue en 1972 sur son 33T référencé SFP 14 003. Enseignant originaire de Normandie, Vivier s’était lancé en parallèle dans la chanson. Sous les encouragements de Félix Leclerc qu’il avait rencontré le 24/04/1970 à Nantes, il avait fini par abandonner son métier premier pour se consacrer entièrement au cinquième art.
On n’oubliera pas l’article humoristique d’Yvan Audouar dans Le Canard Enchaîné du 14/06/1967, lequel imagine Brassens s’adresser aux "immortels" dans discours d’intronisation à l’issue duquel il cède finalement sa place à… Alain Bosquet !
Mais laissons notre sétois moustachu conclure cette histoire par une pirouette dont il a le secret : "Trenet d’abord, on verra ensuite."
On n’oubliera pas l’article humoristique d’Yvan Audouar dans Le Canard Enchaîné du 14/06/1967, lequel imagine Brassens s’adresser aux "immortels" dans discours d’intronisation à l’issue duquel il cède finalement sa place à… Alain Bosquet !
Mais laissons notre sétois moustachu conclure cette histoire par une pirouette dont il a le secret : "Trenet d’abord, on verra ensuite."
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