Fin ciseleur ayant toujours recherché la perfection du style, le poète pré-Parnassien Théodore de Banville résume les règles du métier qui est le sien dans son Petit Traité de Versification française, paru en 1872. Il va même jusqu’à ne voir dans la poésie qu’un jeu de rimes riches. Car, comme il l’écrit lui-même : la rime est tout le vers.
Georges Brassens, très exigeant avec ses propres écrits, n’est sans doute pas resté insensible aux idées exprimées ici. Tout en s’intéressant de plus près à Banville, il mettra en musique un de ses poèmes, Ballade des pendus. L’œuvre en question est extraite de la comédie historique Gringoire (1866). Écrite en un acte et en prose, elle met en scène* le personnage Pierre Gringoire (à qui la pièce attribue le poème et que l’on fait amener devant le roi Louis XI, voyageant incognito, afin qu'il lui récite sa ballade), figure éponyme du poète issue de la synthèse de Villon et du dramaturge historique qu’a été Pierre Gringore, animateur de la troupe des Enfants-sans-Souci et auteur de poèmes moraux, satiriques, de pamphlets politiques ainsi que de soties, farces et moralités pour le théâtre. Gringoire est aussi une dédicace à Victor Hugo qui avait mis en scène un jeune poète du même nom dans Notre-Dame de Paris (1831). Ce dernier, tout comme l'auteur des Odes Funambulesques (1857), donnent une image plus douce, plus naïve, d'un Gringoire fictif et d’un personnage imaginaire.
Dans la Ballade des pendus se lit le rejet de l'engagement social et politique qui caractérise Banville et, plus largement, les Parnassiens. Ces octosyllabes (trois huitains puis un quatrain pour l’envoi) ne pouvaient que séduire Brassens, en évoquant également la peine de mort (par dénonciation des pendaisons ordonnées par le roi Louis XI, évoquant les "chapelets de pendus" du "verger du roi Louis" et les comparant à des "grappes de fruits inouïs"), contre laquelle il a toujours protesté. À ce sujet, René Fallet relève les vers concernés dans ses notes pour la pochette du 33T N°6 de la collection des Grands Auteurs et Compositeurs, Interprètes (Philips P 77852 L) publiée en septembre 1965:
Ces pendus du diable entendus
Appellent des pendus encore
À noter que le titre Ballade des pendus n’est pas sans évoquer François Villon, auteur d’un poème au titre similaire. Un hommage de Banville à celui qu’il a toujours admiré. C’est sans doute ce qui a inspiré à Georges une musique d’une lenteur grave et majestueuse, rendant une atmosphère médiévale sobre, empreinte de mystère. L’enregistrement a lieu en février 1960 et la chanson sort peu après sous le titre Le Verger du roi Louis. Elle est intégrée au track-listing du 25 cm N°7 (Philips B 76.488 R).
Dans son livre Pour vous Monsieur Brassens, d’affectueuses irrévérences, Robert Le Gresley écrit un texte (La forêt où s’éveille Flore) où, s’imaginant dans la peau de Théodore de Banville, il fait allusion à Villon tout en s’adressant à Brassens.
En écoutant Le Verger du roi Louis, on remarquera un parallèle entre cette composition et le Strange Fruit d’Abel Meeropol, que Billie Holiday créa sur la scène du Cafe Society à New York en 1939. Nul doute que Brassens, en grand amateur de jazz, devait connaître ce standard.
Le rapprochement va même jusque dans les paroles du dernier couplet de Strange Fruit, comme le souligne Jacques vassal dans son ouvrage Brassens, homme libre :
There is fruit for the crows to pluck (Il y a des fruits à cueillir pour les corbeaux)
Tandis que Banville écrit et Brassens chante :
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore
Strange Fruit a fait l’objet d’une très belle reprise par Colette Magny en 1962 :
Quant au Verger du roi Louis, c’est sa mélodie que Le chanteur folk italien Fabrizio De André a repris pour sa chanson La morte, que l’on retrouve sur son album Volume 1° (Bluebell Records BB LP 39) paru en 1967 [Sermonte J.-P. - Brassens et les poètes - p. 15].
Georges Brassens, très exigeant avec ses propres écrits, n’est sans doute pas resté insensible aux idées exprimées ici. Tout en s’intéressant de plus près à Banville, il mettra en musique un de ses poèmes, Ballade des pendus. L’œuvre en question est extraite de la comédie historique Gringoire (1866). Écrite en un acte et en prose, elle met en scène* le personnage Pierre Gringoire (à qui la pièce attribue le poème et que l’on fait amener devant le roi Louis XI, voyageant incognito, afin qu'il lui récite sa ballade), figure éponyme du poète issue de la synthèse de Villon et du dramaturge historique qu’a été Pierre Gringore, animateur de la troupe des Enfants-sans-Souci et auteur de poèmes moraux, satiriques, de pamphlets politiques ainsi que de soties, farces et moralités pour le théâtre. Gringoire est aussi une dédicace à Victor Hugo qui avait mis en scène un jeune poète du même nom dans Notre-Dame de Paris (1831). Ce dernier, tout comme l'auteur des Odes Funambulesques (1857), donnent une image plus douce, plus naïve, d'un Gringoire fictif et d’un personnage imaginaire.
Théodore de Banville par Félix Nadar
Dans la Ballade des pendus se lit le rejet de l'engagement social et politique qui caractérise Banville et, plus largement, les Parnassiens. Ces octosyllabes (trois huitains puis un quatrain pour l’envoi) ne pouvaient que séduire Brassens, en évoquant également la peine de mort (par dénonciation des pendaisons ordonnées par le roi Louis XI, évoquant les "chapelets de pendus" du "verger du roi Louis" et les comparant à des "grappes de fruits inouïs"), contre laquelle il a toujours protesté. À ce sujet, René Fallet relève les vers concernés dans ses notes pour la pochette du 33T N°6 de la collection des Grands Auteurs et Compositeurs, Interprètes (Philips P 77852 L) publiée en septembre 1965:
Ces pendus du diable entendus
Appellent des pendus encore
À noter que le titre Ballade des pendus n’est pas sans évoquer François Villon, auteur d’un poème au titre similaire. Un hommage de Banville à celui qu’il a toujours admiré. C’est sans doute ce qui a inspiré à Georges une musique d’une lenteur grave et majestueuse, rendant une atmosphère médiévale sobre, empreinte de mystère. L’enregistrement a lieu en février 1960 et la chanson sort peu après sous le titre Le Verger du roi Louis. Elle est intégrée au track-listing du 25 cm N°7 (Philips B 76.488 R).
Dans son livre Pour vous Monsieur Brassens, d’affectueuses irrévérences, Robert Le Gresley écrit un texte (La forêt où s’éveille Flore) où, s’imaginant dans la peau de Théodore de Banville, il fait allusion à Villon tout en s’adressant à Brassens.
En écoutant Le Verger du roi Louis, on remarquera un parallèle entre cette composition et le Strange Fruit d’Abel Meeropol, que Billie Holiday créa sur la scène du Cafe Society à New York en 1939. Nul doute que Brassens, en grand amateur de jazz, devait connaître ce standard.
Le rapprochement va même jusque dans les paroles du dernier couplet de Strange Fruit, comme le souligne Jacques vassal dans son ouvrage Brassens, homme libre :
There is fruit for the crows to pluck (Il y a des fruits à cueillir pour les corbeaux)
Tandis que Banville écrit et Brassens chante :
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore
Strange Fruit a fait l’objet d’une très belle reprise par Colette Magny en 1962 :
Quant au Verger du roi Louis, c’est sa mélodie que Le chanteur folk italien Fabrizio De André a repris pour sa chanson La morte, que l’on retrouve sur son album Volume 1° (Bluebell Records BB LP 39) paru en 1967 [Sermonte J.-P. - Brassens et les poètes - p. 15].
*Dans la scène IV.
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