A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

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"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

samedi 15 octobre 2016

Georges Brassens, Boris Vian: la rencontre possible et impossible

Photomaton - Archives Cohérie Boris Vian
 (CC BY-SA 3.0)
Quelques mois après le dernier passage de Georges Brassens aux Trois Baudets dans le spectacle Nouvelles têtes et Faux nez (du 21/10/1953 au 30/01/1954), une nouvelle adaptation de Cinémassacre, pièce composée d'un ensemble de sketches écrits par Boris Vian sur une idée de Pierre Kast en 1952 et qui fut jouée à 400 représentations au cabaret-théâtre La Rose rouge, est à l'affiche (de mai 1954 à février 1955). Sur scène, Yves Robert et ses comédiens de la Compagnie de la Rose rouge: Jean-Marie Amato, Guy Pierault, Edmond Tamiz et Rosy Varte. Bob du Pac et Jean Yanne sont également à leurs côtés. En première partie: Philippe Clay, Denise Benoît, Jacques Brel, Roger Comte, Colette Valéri et Fernand Raynaud.

Le 01/05/1954, Boris Vian se voit offrir par Jacques Canetti d'effectuer ses débuts avec quatre chan­sons : Cinématographe, Je bois, L’âme slave, Je suis snob. Malgré la bonne ambiance dans la salle, le succès n'est pas réellement au rendez-vous, Vian étant particulièrement mal à l'aise tant sur le plan vocal que sur celui de la présence scénique.  


Cependant, le directeur de la salle de la rue Coustou se veut encourageant, ce d'autant plus que Je suis snob retient plus ou moins l'attention du public. Françoise Canetti évoque ses souvenirs de cette époque:

Françoise Canetti : "Traditionnellement, nous allions au Théâtre des Trois Baudets le dimanche après-midi. Bernard, mon frère, et moi avions nos places réservées dans une loge où se lovaient de justesse quatre petits fauteuils de velours rouge (...) C'est sous l'impulsion de mon père Jacques Canetti que Boris Vian a débuté sa carrière de chanteur en 1954 en première partie de Cinémassacre (...) La scène des Baudets était petite et les "grands" artistes (entendez par cela "grands" par la taille) y passaient plus ou moins bien. Boris Vian [dont la tête touchait presque le plafond] ne se sentait pas à l’aise sur scène (...) Il devait s’intercaler entre deux humoristes. Pas drôle, pour lui. Son pote Fernand Raynaud lui remontait le moral. Brassens aussi (...)" [Françoise Canetti, texte du livret du coffret Boris Vian - 100 chansons. Productions Jacques Canetti; 2009]

Georges Brassens, en effet, fait partie des quelques admirateurs que compte tout de même l'auteur du Déserteur. Lui ainsi que Léo Ferré se trouvent dans la salle le 04/01/1955 (une lettre-accord datée de ce jour, retrouvée dans les archives de la Cohérie Vian par Nicole Bertolt et reproduite dans Boris Vian - Correspondances 1932-1959 (2020), indique que Boris est engagé aux Trois Baudets à 16000 francs par semaine et pour six soirées et deux matinées) et l'écoutent chanter Complainte du progrès, Je suis snob, Les lésions dangereuses, Les joyeux bouchers et Le déserteur (qui, dès sa sortie, provoque de nombreuses polémiques). Le sétois moustachu passe même à plusieurs reprises pour assister aux prestations de Vian. Sur invitation de Jacques Canetti, mais aussi suite aux retours élogieux que lui font Bernard Lavalette et Marcel Amont. Ce dernier figure d'ailleurs sur l'affiche des Carnets du Major Thompson, nouveau spectacle d’Yves Robert, d’après le roman de Pierre Daninos Les Carnets du major W. Marmaduke Thompson (1954). Gérard Séty, Hubert Deschamps, Colette Mille, Bernard Régnier, Robert Rollis, Michel Roux, Edmond Tamiz et Rosy Varte font partie de la distribution. En première partie, Boris Vian (qui présente un tour de chant composé pour l'occasion), Pierre Repp, Bernard Régnier, Bob du Pac, Marcel Amont et Jean Constantin. Chacun est présenté par Pascale Audret, alors jeune actrice qui s’apprête à faire ses débuts aux côtés de Jean Richard et Jean-Marc Thibault dans le film d'André Berthomieu Les deux font la paire, à l'affiche le 11/02/1955. La jeune sœur d'Hugues Aufray dit, depuis une fenêtre, de courts textes rédigés par Boris Vian et qui mettent l'accent sur la ou les spécificités de chaque artiste. Ainsi, pour lui-même, ces mots retranscrits par Françoise Canetti à partir d'un manuscrit issu des archives personnelles de son père et reproduit dans le livret du coffret Boris Vian - 100 Chansons (Productions Jacques Canetti) paru en 2018:
 
"Pour faire croire qu’il n’avait pas envie, comme tout le monde, de mettre les pieds sur la scène et de pousser la goualante, Boris Vian a suivi un circuit compliqué et qui l’a mené du métier d’ingénieur à celui d’aspirant-braillard en passant par la trompinette, la littérature (si l’on peut dire), le journalisme, et diverses autres mutations dont il s’est tiré assez défraîchi mais toujours plein de cet enthousiasme juvénile qui fait la force principale des armées en temps de paix.
Ayant confectionné force chanson en compagnie de son acolyte Jimmy Walter, il s’est vu proposer, par un dénommé Canetti, de les interpréter lui-même, ce qui lui a semblé un moyen commode de se faire quelques amis de plus parmi les militaires de carrière.
Certains spectateurs, le président Coty par exemple, diront peut-être en voyant Vian pour la première fois aux Trois Baudets: Comment ! Mais hier encore il ne chantait pas ! Qu’ils se rassurent : aujourd’hui non plus."
[Canetti F., Mortaigne V., 2022.  Brassens l'appelait Socrate – Jacques Canetti, révélateur de talents - pp. 204-205]

Françoise Canetti : "Installés sur nos deux fauteuils de velours rouge, nous recevions les quatre chansons de Boris Vian juste après le zozoteur de génie Pierre Repp. Habillé d'un costume style "mao", le visage de Boris était couleur cire et était totalement impassible. Il semblait jaillir de nulle part. Était-ce le trac ou juste une attitude, son regard était fixe. Il ne faisait aucun geste sauf lorsqu'il chantait Je suis snob. Il démarrait par Complainte du progrès puis terminait par Les joyeux bouchers." [Françoise Canetti, texte du livret du coffret Boris Vian - 100 chansons. Productions Jacques Canetti; 2009]

L'économie de gestes dont fait preuve Boris (il met toutefois aussi en scène les derniers vers du Déserteur en levant les bras, les mains ouvertes, mimant un personnage qui n’a pas d’armes, ne veut ni attaquer ni se défendre), est significative du dépouillement de son interprétation, souligné par Françoise Canetti. Tétanisé, il chante d'une voix mal assurée et provoque, par l'introversion qui émane de lui, un malaise dans le public. Il n'ose même pas regarder Canetti père, qui se tient dans les coulisses pour l'encourager. À la fin du tour de chant, des applaudissements incertains se font entendre tandis que le rideau se referme sur un Vian qui sort de scène et se remet de ses émotions. Jean Constantin arrive immédiatement après. Avec Les Carnets du Major Thompson, Les Trois Baudets font salle comble de février 1955 à mars 1956 et voient se produire d'autres artistes au cours de cette même période: Christian Méry, Roger Comte, Karen, Oil et Mil ainsi que Denise Benoît, pour ne citer qu'eux. Entre temps, Boris effectue une tournée d'été du 22/07 au 31/08/1955, mentionnée dans une lettre-accord de Jacques Canetti en date du 09/06/1955.


L'année 1956 est celle de la sortie du fameux 33T 25 cm Chansons "possibles" et "impossibles" (Philips N 76.042 R), dont l'enregistrement eut lieu à l'Apollo dès la fin du mois d'avril 1955*1. Le verso de la pochette porte une préface de Brassens que l'on retrouve sur le 33T 30 cm Chansons possibles, ou impossibles... (Philips P 77.922 L) de 1965:

Boris Vian est un de ces aventuriers solitaires qui s'élancent à corps perdu à la découverte d'un nouveau monde de la chanson.
Si les chansons de Boris Vian n'existaient pas, il nous manquerait quelque chose.
Elles contiennent ce je-ne-sais-quoi d'irremplaçable qui fait l'intérêt et l'opportunité d'une œuvre artistique quelconque.
J'ai entendu dire à d'aucuns qu'ils n'aimaient pas ça. Grand bien leur fasse !
Un temps viendra, comme dit l'autre, où les chiens auront besoin de leur queue et tous les publics des chansons de Boris Vian.
 

Une préface qui se démarque des autres, si l’on fait le rapprochement avec l’émission de Radio Montpellier Brassens par lui-même, enregistrée au cours de l’été 1956 (pour une diffusion en décembre de la même année) et dans le cadre de laquelle le sétois moustachu s’entretient avec Roger Delpont au sujet de ses chansons, de ses musiques, de son public, savourant le goût tout nouveau du succès. Au cours de cet échange essentiel, il chante Le déserteur dans son intégralité, en s’accompagnant à l’harmonium. [Canetti F., Mortaigne V., 2022.  Brassens l'appelait Socrate – Jacques Canetti, révélateur de talents - p. 210] Georges apprécie particulièrement les textes de Boris Vian ainsi que la couleur jazzy de ses musiques. Car il est vrai que le jazz est une passion pour l'un comme pour l'autre. Ainsi que pour Jacques Canetti, qui est l'un des spécialistes les plus reconnus. Précurseur, il a fait découvrir au public français les rythmes de Louis Armstrong, Cab Calloway, Benny Carter, Duke Ellington, Coleman Hawkins, Eart Hines, Bix Beiderbecke... notamment grâce à son émission hebdomadaire Les meilleurs enregistrements de jazz, sur le Poste Parisien dans la première moitié des années 1930. Françoise Canetti relate que Boris voua une reconnaissance éperdue à son père en apprenant que celui-ci a organisé les premiers concerts de Duke Ellington puis de Louis Armstrong en France. [Pfeiffer B. - Boris Vian, l'homme qui a fait parler le jazz (1/2) - jazz.blogs.liberation.fr, le 06 juillet 2009] Après avoir définitivement arrêté de chanter le 29/03/1956, Vian accepte la proposition de celui qu'il appelle "le patron" et qui est un lecteur régulier de ses chroniques musicales évoquées plus loin, d’entrer chez Philips pour prendre en main un catalogue de jazz. Il avait d'abord commencé par refuser, souhaitant rester indépendant. Finalement, il revient sur sa décision et devient colla­borateur à temps partiel, sans qu'aucun contrat ne le lie à la firme néerlandaise. Il travaille à domicile, la liaison s'effectuant par l'intermédiaire de Denis Bourgeois. C'est à partir du 01/01/1957 qu'il devient employé à temps plein en tant que directeur artistique adjoint pour le jazz et les variétés.

Dans l'ouvrage Mes 50 ans de chansons françaises (2008), Jacques Canetti relate également la composition collective de quatre rocks parodiques francisés, intervenue au retour d'un voyage outre-Atlantique effectué avec Michel Legrand en mai 1956. Inspirés, Boris Vian et lui (sous les pseudonymes respectifs de Vernon Sinclair et Mig Bike) créént, avec Henri Salvador alias Henry Cording, les désormais célèbres Rock and Roll Mops, Dis moi qu'tu m'aimes Rock, Rock-Hoquet et Va t'faire cuire un œuf, man. Le super 45T "Rock And Roll" voit le jour sous la référence Fontana 460.518 ME. Le verso de la pochette porte une préface au ton humoristique, écrite par un certain Jack K. Netty... qui n'est autre que Boris Vian se présentant comme traducteur du texte ! A n'en pas douter, hommage est ici rendu au "patron". A noter qu'en mai 1958, "Bison Ravi" (c'est sous ce pseudonyme que Vian signa le poème Référendum en forme de ballade publié en mars 1944 dans le magazine Jazz Hot) prend la direction artistique de Fontana Records, alors nouvelle filiale de Philips.


Malgré cette grande proximité artistique, Brassens et lui n'eurent pas l'occasion de se fréquenter réellement. Sur le site Dialogus - Georges Brassens, Robert Le Gresley imagine une correspondance entre les deux artistes au fil de laquelle le libertaire de la chanson évoque une unique photo - en réalité un montage - prise dans la salle des Trois Baudets et sur laquelle il apparaît aux côtés de l'auteur du Déserteur. On retrouve ce document dans le livre d'Alain Poulanges et Janine Marc-Pezet Le Théâtre des Trois Baudets (1994). Par ailleurs, les connivences entre le sétois et le dagovéranien sont évoquées et analysées par Didier Agid dans son article Boris Vian, lucide contemporain de Georges, publié dans le N°110 de la revue Les Amis de Georges: tous deux férus de littérature et de jazz, ils ont suivi la voie de leurs passions. Malgré leurs styles hétéroclites, des liens de parenté caractérisent leurs écrits. Ainsi en est-il de L’Écume des jours (1947) et de plusieurs autres œuvres littéraires de Vian, avec La Tour des Miracles (1953) et Les amoureux qui écrivent sur l'eau (1954), de Brassens. Les deux artistes sont devenus interprètes en comprenant qu'eux seuls pourraient porter leurs textes les plus personnels. Ce, malgré le malaise profond et flagrant qui les habitait sur scène. Rappelons à ce propos que dès la première fois que Georges avait assisté à un tour de chant de Boris aux Trois Baudets, il avait ressenti pour lui une grande empathie face au trac qui le paralysait. Une astuce qu'il lui avait confiée à ce sujet était de s'accrocher à quelques regards dans l'ombre, pour se donner l'illusion de ne chanter que pour un seul. [Boggio P., 1993. Boris Vian - p. 369] De surcroît, lui et son confrère ont vécu à plusieurs reprises des réactions hostiles de la part du public à certaines de leurs chansons. Citons quelques exemples marquant leur pacifisme absolu: La guerre de 14-18, Les deux oncles et Mourir pour des idées pour le sétois moustachu, Le déserteur pour Vian. Mais si l'un comme l'autre ont connu la censure à l'antenne, Boris n'a pas trouvé son public, tandis que Georges est rapidement devenu le chantre de la pensée non-conformiste.

Brassens a toujours énormément prisé le jazz, auquel il s'est initié grâce aux disques de Louis Armstrong, Count Basie, Duke Ellington, Gerry Mulligan, sans oublier Django Reinhardt dont il admire le jeu de guitare. De son côté, Vian s'est initié à la trompette dès le milieu des années 1930 et a adhéré au Hot Club de France dès 1937. Il a assisté à l'un des concerts donnés par l'orchestre de Duke Ellington au Théâtre national de Chaillot les 03 et 04/04/1939. Après avoir monté une petite formation avec ses deux frères Lelio (à l'accordéon et à la guitare) et Alain (à la batterie), Boris a intégré l'orchestre amateur de Claude Abadie durant l'été 1942. Puis, le 10/01/1944, il a rencontré Claude Luter et s'est joint à lui pour ouvrir un club de jazz dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, le New Orleans Club, dont l'activité ne s'est étalée que sur quelques jours. Ils ont néanmoins continuer à jouer ensemble, au Caveau des Lorientais ainsi qu'au Tabou et au Vieux Colombier. Après la libération de Paris, Vian a poursuivi sa collaboration avec Claude Abadie. Dès décembre 1947, il a démarré la publication de chroniques dans la revue Jazz Hot entre autres*2, où il a tenu une revue de la presse durant plus de dix ans. En juillet de l'année suivante, il a notamment accueilli son idole Duke Ellington à Paris puis assurait sa promotion, pour ses concerts à la Salle Pleyel et au Club Saint-Germain. C'est aussi dans le club de la rue Saint-Benoît qu'il a pu nouer des liens avec Charlie Parker et Miles Davis.

Boris Vian est sans doute le premier à exprimer des affinités entre le jazz et l’œuvre de Georges Brassens. Dans En avant la zizique... et par ici les gros sous !, son essai pamphlétaire sur le monde de la chanson publié en octobre 1958, il s'exprime ainsi:

"Si l'influence exercée par le jazz sur la chanson s'est traduite d'un côté par l'éclosion de talents originaux comme celui de Trenet, elle s'est exercée de façon beaucoup moins flagrante et plus subtile, en profondeur, sur des gens comme Georges Brassens. Et ceci se manifeste dans son interprétation: la manière de chanter de Georges Brassens est souvent comparable à celle des chanteurs de blues, notamment par sa mise en place et sa façon d'attaquer un peu en retard sur l'accompagnement, si caractéristique dans La chasse aux papillons. La netteté du style de Brassens et la fraîcheur de son expression l'apparentent d'ailleurs aux chanteurs folkloriques noirs en ce qui concerne la teneur même des chansons." [Vian B., 1958. En avant la zizique... et par ici les gros sous ! - pp. 171-172]

Les deux confrères se croisent le 23/10/1958, où le sétois débute une nouvelle tournée à l'Olympia (il y restera jusqu'au 17/11 inclus, laissant ensuite la place à Jacques Brel). Après le spectacle, la salle se vide pour laisser place à une cérémonie entre amis, laquelle voit Georges souffler ses 37 bougies sur un gâteau orné d'une guitare. À ses côtés se trouvent Dan Adams, Arletty, Marcel Carné, Dalida, Danielle Darrieux, Annie Girardot, André Luguet, Jean Marais (accompagné de Luchino Visconty, le metteur en scène du récent Nuits Blanches), Mick Micheyl, Monique Negler (Miss France 1958), Édith Piaf, Arlette Poirier, Jean Sablon, Théodore Valensi, Ray Ventura et Boris Vian. [Sermonte J.-P.. - Brassens au bois de son cœur - pp. 79-80]

Le 29 octobre, soit six jours plus tard, l'auteur du Déserteur se fend d'un article dans le Canard Enchaîné - A propos de Brassens : Public de la chanson, permets qu'on t'engueule !, au sujet du 25 cm 5 (Philips N 76.074 R), qui n'a pas rencontré le succès escompté. Prenant la défense de Brassens, il fait l'éloge des titres du 25 cm N°6 (Philips B 76.451 R), à paraître le mois suivant. Peu après, ils participent tous deux - avec Guy Béart et Henri Salvador - à une interview réalisée par André Halimi dans le cadre de son ouvrage On connait la chanson ! (1959). Avec le compositeur de la musique de Bal chez Temporel, Georges est le co-préfacier de cette étude de la chanson sous ses différents aspects : artistique, économique et social. Hommage est rendu à Boris Vian (mort le 23/06/1959) dans les lignes écrites par le sétois moustachu, publiées en 2007 par Jean-Paul Liégeois dans Georges Brassens - Œuvres complètes (Éditions Le Cherche-Midi).

De son vivant, le Satrape du Collège de 'Pataphysique n'a connu la reconnaissance du public ni pour ses chansons, ni pour ses romans (à l'exception de J'irai cracher sur vos tombes qui fit scandale lors de sa parution le 21/11/1946). Auteur mythique d'un avant-gardisme déroutant pour le public de l'époque, il fut salué par la jeunesse dès les années 1960-1970. Georges Brassens, dès le début fasciné par son œuvre, l'a toujours soutenu et cite Le déserteur dans Honte à qui peut chanter (enregistrée en 1985 par Jean Bertola puis reprise en 1996 par Maxime Le Forestier). À noter qu'il interpréta cette célèbre chanson au micro de Radio Montpellier en 1956:


De son côté, Boris Vian a écrit, entre 1954 et 1959, un pastiche de l’auteur des Copains d'abord. Sur un thème propre à ce dernier - la rencontre d’une prostituée, il brode de manière brassénienne en utilisant la mélodie de Corne d'Aurochs. À la manière de Brassens, c'est le titre de la chanson, est longtemps restée une perle cachée de l’œuvre de Vian. Sue et les Salamandres nous en font aujourd'hui profiter sur leur album Pur Vian De Boeuf (Gonzo CD 04), sorti en 1994.

- Un grand merci à Jean-Pierre Fassbender et Christian Mela pour leur collaboration à la rédaction de cet article ! -


*1Les 22, 27 et 29/04/1955, Boris Vian enregistre huit chansons sous la houlette de Pierre Fatosme et avec un orchestre dirigé par le pianiste Jimmy Walter. Léo Petit et Victor Apicella (qui officia avec Brassens dans le cadre de l'enregistrement de ses 33T 25 cm Georges Brassens sa guitare et les rythmes - N°3 - Polydor 530.033, puis Georges Brassens sa guitare - N°4 - Philips N 76.064 R, ainsi que lors de séances pour de nouveaux enregistrements de titres ponctuant l'interview de Luc Bérimont sur le 33T Philips-Réalités V. 23 - Georges Brassens, qui êtes-vous ? - AA 77.470 L) en sont les guitaristes. Deux super 45T sont édités quelques mois plus tard:
  •   Chansons possibles (Philips 432.033 NE), avec Complainte du progrès (Les Arts Ménagers), Cinématographe, Je suis snob et On n'est pas là pour se faire engueuler ;
  •     Chansons impossibles (Philips 432.032 NE), avec Les joyeux bouchers, Le Déserteur, La java des bombes atomiques et Le petit commerce.
Le 24 juin, Vian retourne en studio, accompagné cette fois-ci par Claude Bolling et ses musiciens. Il y enregistre deux titres issus des sessions d'avril (On n'est pas là pour se faire engueuler et Le petit commerce) ainsi que deux nouveaux: Bourrée de complexes et Je bois. La réunion des deux super 45T décrits précédemment forme le 33T 25 cm Chansons "possibles" et "impossibles" (Philips N 76.042 R) tours. Ces disques, dont le tirage fut modeste en raison de faibles ventes, sont aujourd'hui des pièces de collection recherchées.

*2L'intégrale de ses chroniques (parues dans des journaux comme Arts, Combat, Jazz-hot, Jazz Magazine, Jazz News ou encore inédites) ont été rassemblées en 1982 dans l'ouvrage Écrits sur le jazz. Un second opus, Autres écrits sur le jazz, est paru en 1994.

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