A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

J'ai rendez-vous avec vous

"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

dimanche 27 juillet 2014

Démontrons la passion de Pierre Desproges pour l'œuvre de Georges Brassens

Les chansons de Brassens sont un vaccin contre la connerie, mais il faut pas mal de rappels...

Telle est la célèbre citation de Pierre Desproges au sujet du poète sétois dont il fit partie des inconditionnels et qui joua un rôle majeur dans sa vie. C’est au milieu des années 1950 que le futur créateur de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, alors scolarisé au Lycée Carnot à Paris, découvrit Georges Brassens en traînant dans les cabarets parisiens, particulièrement dans le quartier de Montmartre. Conquis il fut par l'auteur-compositeur de La mauvaise réputation, comme il le relata dans une interview de Frank Tenaille pour Paroles et Musique N°63 du 01/10/1986.

Pierre Desproges : "Brassens, pour moi, c’était plus qu’un chanteur. C’était une très belle langue - pour en revenir à mon obsession - même s’il a manqué de folie. Et puis, c’était ce qu’on a appelé il y a deux siècles un « honnête homme », un humaniste. (...) Oui, je crois que j'ai l'oreille disponible, mais que je n'ai pas grand-chose à me mettre dedans. C'est-à-dire que les rythmes et les cuivres ne me suffisent pas. Il faut qu'on me raconte des choses."

L'intérêt pour la langue de Molière et ses mots, dévoilé ici, fut présent chez les deux artistes ayant, à leur manière, des inclinaisons pour la libre pensée et les mouvances anarchistes. Lorsque le jeune Pierre fut envoyé par ses parents en pensionnat à Saint-Léonard-de-Noblat (87), il ne s'y sentit pas du tout à l'aise, perdant ses repères, ses amis. Surtout, il dut se soumettre à une discipline presque militaire qu'il exècre.

Pierre Desproges : "Mes parents m’avaient mis en pension, et je ne suis pas du tout fait pour ça, je ne suis pas sociable. Brassens disait : « Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons. » Moi je pense que c’est quand on est plus de deux, même plus d’un…" [Durant P., 2017. - Pierre Desproges - p. 22]

Il resta toujours distant avec les communautés, les groupes, rassemblements, expliquant avoir l'impression que, "quand les individus se multiplient, les intelligences se divisent. C'est pourquoi je ne participe pas à une manif, que je ne signe pas une pétition. Même si on manifestait pour la survie de mes enfants, je n'irais pas." Il argumenta même en citant Philippe Geluck: "Quand quelqu'un partage mon opinion, j'ai l’impression de ne plus avoir qu'une demi-opinion." S'agissant des anarchistes pour lesquels il eut, selon ses dires, beaucoup de tendresse, Desproges les décrivit comme rêveurs, utopistes: "Ils croient encore qu’on peut fonctionner sans les flics. Moi pas…" Ainsi que le note Philippe Durant, son anarchie à lui se rapproche de celle de Georges dont il considéra très certainement la célèbre citation: "Je suis anarchiste au point de toujours traverser dans les clous afin de n'avoir pas à discuter avec la maréchaussée."

Chez le sétois moustachu (dont il acheta l'intégrale des disques à deux reprises, ceux-ci ayant été significativement usés par leur fréquence d'écoute), Desproges apprécia nombre de qualités et traits de caractère: sa manière de faire passer ses idées à travers ses chansons, son intégrité, sa modestie, sa simplicité, son professionnalisme, ses relations avec son public.. au point de faire siens ces vers tirés des Trompettes de la renommée :

Si le public en veut, je les sors dare-dare;
S’il n’en veut pas, je les remets dans ma guitare.

Pierre Desproges : "C'est un modèle d'humanité, Brassens. Quelqu'un qui est arrivé au sommet dans ce métier ­ si tant est qu'il y ait un sommet. Pour moi, la réussite, c'est d'arriver où on veut. Ça ne se chiffre pas au nombre de fauteuils qu'on remplit au Palais des Congrès. Brassens est arrivé très haut sans jamais se compromettre, il ne s'est jamais abaissé vers le public, il n'a pas non plus attendu que le public se lève... Mais comme le dit un de ses textes à propos de ses chansons, "Si le public en veut, je les sors dare-dare;/S'il n'en veut pas, je les remets dans ma guitare." Il a toujours eu cette attitude devant le public et les professionnels du métier. Il n'a jamais payé à bouffer à un mec pour avoir du succès. Pour pouvoir faire un disque, il n'a jamais dit à quelqu'un "Vous êtes beau" s'il le trouvait moche."

Des chansons, il en écrivit lui-même (on les retrouve sur CD dans le coffret Intégrale - Pierre Desproges paru en 2001), les testant auprès d'amis ou même les interprétant parfois (ainsi que certaines de Brassens) devant des relations qu'il se fit en fréquentant la cantine du quotidien du quotidien L'Aurore. Grâce à l'entremise conjointe des journalistes Madeleine Loisel et Annette Kahn dont le frère, Paul-Émile, eut été son condisciple au lycée Carnot à Paris, Pierre officia durant six années au sein de la rédaction du journal, à compter du début de l'année 1970. Non sans avoir y passé une courte et infructueuse période à partir de juillet 1967. Dans son Desproges bande encore (2016), Francis Schull a recueilli un témoignage de Madeleine Loisel au sujet de la passion de son ancien collègue pour l’œuvre du sétois:

Madeleine Loisel: "Brassens, c'était son dieu. Il ne fallait pas y toucher. et surtout, il n'aimait pas le partager avec n'importe qui. Un jour que nous étions allés le voir à Bobino, nous nous sommes retrouvés à la sortie à côté d'une femme quelque peu vulgaire et qui portait un cabas. Pierre l'a regardée un instant et, se tournant vers moi, m'a dit: "Qu'est-ce qu'elle peut bien comprendre à Brassens, celle-là ?" Il y avait tout de même quelque chose qui le chiffonnait: la façon dont Brassens boutonnait le col de son polo jusqu'en haut. "Ça fait commun", disait-il."

Sa carrière d'humoriste lancée, Desproges glissa assez souvent des citations de Brassens dans ses écrits et émissions satiriques (en particulier Chroniques de la haine ordinaire et Le Tribunal des flagrants délires, devant lequel Georges ne put malheureusement comparaître). Pour exemples, la longue citation de La ballade des gens qui sont nés quelque part en conclusion du réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, ou encore la chronique Non compris, dans laquelle il déclare: "(...) et quand je dis "qu'eux", je pense à Fernande, bien sûr, mais pas seulement à elle." Dans son mémoire de master 1 titré "Quant à ce féroce Desproges...": Les Chroniques de la haine ordinaire, une émission radiophonique quotidiennement hargneuse ? et soutenu en 2014, Romane Coutanson met en exergue un rapprochement entre les deux artistes via leur style d'écriture ainsi que l'interprétation de leurs textes: cet art de subvertir de manière subtile et humoristique certaines locutions par l'emploi de diverses figures de style et jeux de mots. Ce qui leur permet de prendre le public à contre-pied et de rire avec lui. Ce rire s’exprime alors par des expressions du visage, des sourires qui introduisent une distanciation implicite avec les mots prononcés. Le chroniqueur, écrivain et humoriste Philippe Meyer, qui participa au documentaire Pierre Desproges - Je ne suis pas n'importe qui (France 5, 22/12/2008), revint longuement sur le sujet. Lorsque Pierre apprit la disparition du poète sétois, il eut, fidèle à lui-même, cette pensée:

Pierre Desproges: "Brassens est la plus grande perte de ce siècle à la con où tout va de mal en pis depuis que Léonid Brejnev et Grace Kelly ne sont plus là pour nous guider vers le bonheur terrestre." [Agid D., 2009. - Brassens - p. 117]
 
Il l'évoqua dans l'un de ses sketches, Dernières volontés, inclus dans son spectacle de 1984 au Théâtre Fontaine (Paris IXe). Dans le documentaire Pierre Desproges - Je ne suis pas n'importe qui, l'humoriste est interviewé par Yves Riou et Philippe Pouchain, et nous fait partager sa passion pour l’œuvre de Brassens. Pierre Desproges a interprété deux titres de Georges en s'accompagnant à la guitare: Sale petit bonhomme et Le père Noël et la petite fille.



Enfin, dans l'émission de David Jisse Le Son de chose, diffusée sur France Culture le 07/04/1985, il s'exprima en ces mots:

Pierre Desproges : "J'ai beaucoup de mal à parler de Brassens parce que je me sens aussi niais qu'un fan de Sheila parlant de Sheila... Je n'ai rien à dire, j'étais prêt à lui demander un bout de sa chemise, comme on demande un bout de la vraie Croix au Christ." [Pierre Desproges in Desproges P. et Thomas C., 2017. - Desproges par Desproges, Éditions du Courroux, p. 78]

Étonnant, non ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire