Depuis son plus jeune âge, Renaud baigne dans la chanson française et notamment l’œuvre de Georges Brassens, que son père écoute régulièrement. Féru de musique classique et de jazz, il ne tardera pas à manifester un grand intérêt pour le poète sétois qu’il rencontre pour la première fois alors qu’il n’a que dix ans.
A l’occasion d’une visite que Brassens rendait à Marie Dormoy, l'ancienne maîtresse de Paul Léautaud, le jeune Renaud qui habitait le même immeuble du 14e arrondissement de Paris (sis avenue Paul-Appell) tomba nez à nez avec lui. Tout d’abord impressionné, il ne put dire mot. Puis il courut jusque chez lui pour emprunter le 25 cm Georges Brassens chante les chansons poétiques (...et souvent gaillardes) de... Georges Brassens de son père et ainsi le faire dédicacer. Renaud ne savait alors pas encore que ce disque, orné de la précieuse griffe de son idole, sera le point de départ d’une belle et passionnante collection.
Il faudra attendre la fin des années 1970 pour voir se retrouver Georges et Renaud sur un plateau de télévision, probablement lors de l'émission Aujourd'hui Magazine (Antenne 2, 12/06/1978), de Gilbert Kahn. C’est lors de cette seconde et ultime entrevue que Brassens, guitare en main, s’approchant timidement de son confrère, le complimentera au sujet de ses chansons qu’il apprécie particulièrement (le "chanteur énervant" venait alors de publier Amoureux de Paname et Laisse Béton, respectivement en 1975 et 1977). Renaud, qui accorde avant tout une grande importance au texte, est très touché par ces paroles venant de celui qu’il a toujours admiré. [Vassal J. - Le grand Brassens par le petit Renaud - Politis N°366, le 23 novembre 1995]
Très tôt influencé par les œuvres de divers grands auteurs-compositeurs tels que Léo Ferré, Jacques Brel, Boby Lapointe, Boris Vian, Aristide Bruant, Fréhel, François Béranger ainsi que Charles Trenet et Georges Brassens qui sont ses deux grandes idoles, Renaud puise également son inspiration dans la musique folk d'Hugues Aufray et d'Antoine, ainsi que dans la chanson contestataire de Bob Dylan. Écrivant volontiers sur certains thèmes chers à Brassens comme par exemple l’anarchie, Renaud avait même signé deux séries de chroniques dans l’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo : Bille en tête (septembre 1992 à décembre 1993) puis Envoyé spécial chez moi (janvier 1995 à juillet 1996). En parallèle, on se souvient que Brassens avait écrit plusieurs articles dans Le Libertaire durant l’année 1946. Rien d’étonnant dès lors, que le poète sétois ait pu se retrouver en partie dans l’œuvre de Renaud. D’autant plus que tous les deux ont débuté leur carrière discographique chez Polydor et ont un certain engouement pour la guitare.
Plusieurs années après la disparition de Georges, Renaud manifestait l’envie de lui rendre hommage, mais sans mettre son projet à exécution, s'interrogeait sur l'utilité d'un tel projet.
Renaud: "Au départ, je ne croyais pas utile d'enregistrer du Brassens. Mieux vaut l'écouter lui-même." [Vassal J., 2011. - Brassens, homme libre - p. 455]
Par crainte aussi de ne pas être à la hauteur et de ce fait, des critiques auxquelles il risquait de s’exposer, en particulier de la part des admirateurs du "Bon Maître". Mais il est néanmoins important de noter qu’il faisait partie des interprètes espérés par les proches de Brassens pour l’enregistrement des chansons posthumes. [Vassal J., 2006 - Brassens, le regard de "Gibraltar" - p. 225] Finalement, ce sont les maquettes enregistrées par Jean Bertola qui ont constitué les disques publiés chez Philips en 1982 et 1985.
L’auteur d’Hexagone fera la connaissance d'André Tillieu lors de la première de Germinal en septembre 1993. Tous deux noueront une conversation dans laquelle Georges sera bien entendu présent. A l'initiative de la maison d'édition Présence et Action Culturelles, Tillieu offre au chanteur et acteur un exemplaire de son ouvrage Brassens vivant, publié à l'occasion du dixième anniversaire de la disparition du poète sétois. S'en suivra une correspondance qui se révèlera par la suite très importante pour Renaud. [Tillieu A., 2000. Brassens - D'affectueuses révérences - p. 107] Ce dernier rejoindra avec grand plaisir le collectif Chantons Brassens, avec Francis Cabrel, Alain Souchon, Françoise Hardy, Maxime Le Forestier, Joel Favreau, Michel Fugain, Philippe Léotard, Manu Dibango et bien d’autres encore. Un double CD (Flarenasch 182042 MU 768) sortira en 1993, pour lequel Renaud a enregistré Celui qui a mal tourné, titre qui a également fait l’objet d’un single (Flarenasch FL93/11-01), avec Saturne, interprété par Philippe Léotard.
Peu avant une nouvelle rencontre avec André Tillieu puis Gibraltar, il sculpte le bas-relief en bronze qui ornera la plaque commémorative apposée Impasse Florimont le 22 septembre 1994 à l’initiative des Amis de Georges. C’est à cette occasion que le "chanteur énervant" finira par se laisser convaincre de chanter à nouveau Brassens, mais cette fois en vue d'élaborer un album, ce qui permettrait de faire découvrir ce dernier à celles et ceux qui le connaissent mal, voire même pas du tout. D’autant plus qu'il jouit d’une grande popularité auprès des jeunes. Le lendemain, il téléphone à Tillieu:
Renaud: "J'ai une nouvelle catastrophique à t'annoncer: je vais enregistrer un disque de chansons de Brassens. (...)" [Tillieu A., 2000. Brassens - D'affectueuses révérences - p. 110]
Avant de se lancer dans le travail d'enregistrement et de production, il fait savoir à Gibraltar son souhait d’utiliser la dernière guitare que Georges avait commandée à Favino en vue de la rentrée à Bobino qu’il espérait effectuer à l’automne 1981. L'idée de Renaud était de rendre un hommage aussi humble que respectueux, avec une complicité posthume qui s’ajoute à l'émotion de ses interprétations. Le choix des chansons a été totalement subjectif : Renaud a en effet décidé d'en écarter certaines qui étaient très largement connues et avaient déjà fait l’objet de nombreuses reprises pour en sélectionner d'autres moins célèbres mais qu'il aime particulièrement (ces dernières datent surtout des premières années de la carrière de Brassens). Ceci explique que Les Copains d'abord ou encore Chanson pour l'Auvergnat n’aient pas été retenues.
L’enregistrement a lieu du 06 au 15 juin 1995, au domicile parisien de Renaud, comme c’était déjà le cas pour son album précédent, À la Belle de Mai (1994). A ce sujet, l’artiste expliquera préférer une ambiance de travail plus intimiste qu’en studio. Manu Galvin et François Ovide l’accompagnent sur la guitare Favino de Brassens, tandis qu’Yves Torchinsky assure la rythmique à la contrebasse. A noter également la participation de Jean-Louis Roques à l'accordéon. Thomas Davidson Noton participe à la direction artistique du projet qui enthousiasmera Gibraltar dès la première écoute.
Renaud n’a volontairement pas essayé d’innover, mais a juste chanté Brassens, pour nous offrir un résultat rafraîchissant avec des arrangements délicats et proches des originaux.. Il expliquera avoir eu quelques difficultés d'interprétation pour certains titres. De ce fait, six sur les trente qu'il a enregistrés n'ont pas été intégrés à l'album. Ainsi en est-il par exemple de J'ai rendez-vous avec vous et P... de toi, qui seront finalement incluses au track-listing du triple CD Le Plein de super, sorti en novembre 2010.
Renaud chante les chansons poétiques (...et souvent gaillardes) de... Georges Brassens voit le jour le 20 novembre 1995 en tant qu'album inédit au sein de la première intégrale 18 CD de Renaud. Le titre de l’album ainsi que l’illustration de la pochette sont bien sûr un clin d'œil à l’histoire de la première rencontre entre Renaud et Georges. En mars 1996, le disque arrive dans les bacs sous une toute nouvelle pochette et avec un nouveau titre : Renaud chante Brassens.
A l’occasion d’une visite que Brassens rendait à Marie Dormoy, l'ancienne maîtresse de Paul Léautaud, le jeune Renaud qui habitait le même immeuble du 14e arrondissement de Paris (sis avenue Paul-Appell) tomba nez à nez avec lui. Tout d’abord impressionné, il ne put dire mot. Puis il courut jusque chez lui pour emprunter le 25 cm Georges Brassens chante les chansons poétiques (...et souvent gaillardes) de... Georges Brassens de son père et ainsi le faire dédicacer. Renaud ne savait alors pas encore que ce disque, orné de la précieuse griffe de son idole, sera le point de départ d’une belle et passionnante collection.
Il faudra attendre la fin des années 1970 pour voir se retrouver Georges et Renaud sur un plateau de télévision, probablement lors de l'émission Aujourd'hui Magazine (Antenne 2, 12/06/1978), de Gilbert Kahn. C’est lors de cette seconde et ultime entrevue que Brassens, guitare en main, s’approchant timidement de son confrère, le complimentera au sujet de ses chansons qu’il apprécie particulièrement (le "chanteur énervant" venait alors de publier Amoureux de Paname et Laisse Béton, respectivement en 1975 et 1977). Renaud, qui accorde avant tout une grande importance au texte, est très touché par ces paroles venant de celui qu’il a toujours admiré. [Vassal J. - Le grand Brassens par le petit Renaud - Politis N°366, le 23 novembre 1995]
Très tôt influencé par les œuvres de divers grands auteurs-compositeurs tels que Léo Ferré, Jacques Brel, Boby Lapointe, Boris Vian, Aristide Bruant, Fréhel, François Béranger ainsi que Charles Trenet et Georges Brassens qui sont ses deux grandes idoles, Renaud puise également son inspiration dans la musique folk d'Hugues Aufray et d'Antoine, ainsi que dans la chanson contestataire de Bob Dylan. Écrivant volontiers sur certains thèmes chers à Brassens comme par exemple l’anarchie, Renaud avait même signé deux séries de chroniques dans l’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo : Bille en tête (septembre 1992 à décembre 1993) puis Envoyé spécial chez moi (janvier 1995 à juillet 1996). En parallèle, on se souvient que Brassens avait écrit plusieurs articles dans Le Libertaire durant l’année 1946. Rien d’étonnant dès lors, que le poète sétois ait pu se retrouver en partie dans l’œuvre de Renaud. D’autant plus que tous les deux ont débuté leur carrière discographique chez Polydor et ont un certain engouement pour la guitare.
Plusieurs années après la disparition de Georges, Renaud manifestait l’envie de lui rendre hommage, mais sans mettre son projet à exécution, s'interrogeait sur l'utilité d'un tel projet.
Renaud: "Au départ, je ne croyais pas utile d'enregistrer du Brassens. Mieux vaut l'écouter lui-même." [Vassal J., 2011. - Brassens, homme libre - p. 455]
Par crainte aussi de ne pas être à la hauteur et de ce fait, des critiques auxquelles il risquait de s’exposer, en particulier de la part des admirateurs du "Bon Maître". Mais il est néanmoins important de noter qu’il faisait partie des interprètes espérés par les proches de Brassens pour l’enregistrement des chansons posthumes. [Vassal J., 2006 - Brassens, le regard de "Gibraltar" - p. 225] Finalement, ce sont les maquettes enregistrées par Jean Bertola qui ont constitué les disques publiés chez Philips en 1982 et 1985.
L’auteur d’Hexagone fera la connaissance d'André Tillieu lors de la première de Germinal en septembre 1993. Tous deux noueront une conversation dans laquelle Georges sera bien entendu présent. A l'initiative de la maison d'édition Présence et Action Culturelles, Tillieu offre au chanteur et acteur un exemplaire de son ouvrage Brassens vivant, publié à l'occasion du dixième anniversaire de la disparition du poète sétois. S'en suivra une correspondance qui se révèlera par la suite très importante pour Renaud. [Tillieu A., 2000. Brassens - D'affectueuses révérences - p. 107] Ce dernier rejoindra avec grand plaisir le collectif Chantons Brassens, avec Francis Cabrel, Alain Souchon, Françoise Hardy, Maxime Le Forestier, Joel Favreau, Michel Fugain, Philippe Léotard, Manu Dibango et bien d’autres encore. Un double CD (Flarenasch 182042 MU 768) sortira en 1993, pour lequel Renaud a enregistré Celui qui a mal tourné, titre qui a également fait l’objet d’un single (Flarenasch FL93/11-01), avec Saturne, interprété par Philippe Léotard.
Pierre Onténiente et Renaud D.R.
Renaud: "J'ai une nouvelle catastrophique à t'annoncer: je vais enregistrer un disque de chansons de Brassens. (...)" [Tillieu A., 2000. Brassens - D'affectueuses révérences - p. 110]
Avant de se lancer dans le travail d'enregistrement et de production, il fait savoir à Gibraltar son souhait d’utiliser la dernière guitare que Georges avait commandée à Favino en vue de la rentrée à Bobino qu’il espérait effectuer à l’automne 1981. L'idée de Renaud était de rendre un hommage aussi humble que respectueux, avec une complicité posthume qui s’ajoute à l'émotion de ses interprétations. Le choix des chansons a été totalement subjectif : Renaud a en effet décidé d'en écarter certaines qui étaient très largement connues et avaient déjà fait l’objet de nombreuses reprises pour en sélectionner d'autres moins célèbres mais qu'il aime particulièrement (ces dernières datent surtout des premières années de la carrière de Brassens). Ceci explique que Les Copains d'abord ou encore Chanson pour l'Auvergnat n’aient pas été retenues.
L’enregistrement a lieu du 06 au 15 juin 1995, au domicile parisien de Renaud, comme c’était déjà le cas pour son album précédent, À la Belle de Mai (1994). A ce sujet, l’artiste expliquera préférer une ambiance de travail plus intimiste qu’en studio. Manu Galvin et François Ovide l’accompagnent sur la guitare Favino de Brassens, tandis qu’Yves Torchinsky assure la rythmique à la contrebasse. A noter également la participation de Jean-Louis Roques à l'accordéon. Thomas Davidson Noton participe à la direction artistique du projet qui enthousiasmera Gibraltar dès la première écoute.
Renaud n’a volontairement pas essayé d’innover, mais a juste chanté Brassens, pour nous offrir un résultat rafraîchissant avec des arrangements délicats et proches des originaux.. Il expliquera avoir eu quelques difficultés d'interprétation pour certains titres. De ce fait, six sur les trente qu'il a enregistrés n'ont pas été intégrés à l'album. Ainsi en est-il par exemple de J'ai rendez-vous avec vous et P... de toi, qui seront finalement incluses au track-listing du triple CD Le Plein de super, sorti en novembre 2010.
Renaud chante les chansons poétiques (...et souvent gaillardes) de... Georges Brassens voit le jour le 20 novembre 1995 en tant qu'album inédit au sein de la première intégrale 18 CD de Renaud. Le titre de l’album ainsi que l’illustration de la pochette sont bien sûr un clin d'œil à l’histoire de la première rencontre entre Renaud et Georges. En mars 1996, le disque arrive dans les bacs sous une toute nouvelle pochette et avec un nouveau titre : Renaud chante Brassens.
Face 1: Je suis un voyou / La Marine / Hécatombe / Les amoureux des bancs publics / Le mauvais sujet repenti
Face 2: La légende de la nonne / Les croquants / Gastibelza (L'Homme à la carabine) / Philistins / L'orage
Un 33T 25 cm (Virgin Records 724384077006) est également édité à 1500 exemplaires numérotés. Il est aujourd’hui très recherché des collectionneurs.
Pour la promotion de l’album, soutenue par Gibraltar et André Tillieu, un clip a été réalisé autour de Je suis un voyou. Le court-métrage utilise des séquences de Porte des Lilas (1957) et permet à Renaud de côtoyer virtuellement Brassens grâce aux techniques audiovisuelles modernes.
Il nous faut également évoquer cinq autres hommages importants que Renaud à rendu à Brassens : l’interprétation de La légende de la nonne et Je suis un voyou lors du concert du 01 mai 1995 à la Maison de la Mutualité (Paris 5e) auquel Püpchen a assisté [Sermonte J.-P. - Brassens au bois de son cœur - p. 186], J'ai rendez-vous avec vous (avec Pascal Sevran) et Il n'y a pas d'amour heureux (avec Hugues Aufray) lors de l'émission La chance aux chansons du 15 avril 1996, ainsi que trois de ses propres créations dans lesquelles l'auteur des Copains d'abord est cité: Mon amoureux (A la belle de mai, 18 novembre 1994), Les cinq sens (Rouge Sang, 02 octobre 2006) et surtout Mon bistro préféré (Boucan d’enfer, 28 mai 2002) dans laquelle le "chanteur énervant" évoque quelques grandes personnalités disparues (dont Brassens) qui ont compté pour lui ou qui l'ont inspiré.
- Un grand merci à Christian Mela pour sa collaboration à la rédaction de cet article ! -
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