A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

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"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

dimanche 1 novembre 2015

Les croquants vont en ville...

Pour être libre, l'amour ne peut être que gratuit et doit faire fi des obstacles de classe sociale ou de croyance. C'est ce thème que Georges Brassens développe dans Les croquants, chanson qui est restée relativement à l'écart de la grande popularité (éclipsée par les titres forts de l'époque: Je me suis fait tout petit, Auprès de mon arbre et Marinette), comme le note Didier Agid dans son Brassens (2009).

Dans cette fable en alexandrins, partagée entre ravissement et cruauté, est mise en scène Lisa, jeune femme issue de La chasse aux papillons et dont l'amour ne s'achète pas. Ainsi que l'écrit René Fallet, sa chair de liberté

C'est pour la bouch' du premier venu
Qui a les yeux tendre' et les mains nues...

Dans la fraîcheur de son étreinte, on retrouve, à chaque rencontre:

La première fill'
Qu'on a pris' dans ses bras

Et Brassens y attache du prix, contrairement à la doña Sabine de Guitare, poème de Victor Hugo dont il a tiré Gastibelza (l'homme à la carabine). Celle que le protagoniste compare en beauté à la reine d'Égypte antique Cléopâtre VII Théa Philopator, n'a en effet pas suivi le même chemin:

Sabine un jour
A tout vendu, sa beauté de colombe
Tout son amour
Pour l'anneau d'or du Comte de Saldagne
Pour un bijou;

A travers l'histoire de Lisa, l'on perçoit une contribution artistique du poète sétois au mouvement de libération de la femme. Il prône le droit pour celle-ci de pleinement maîtriser son destin, et d’être maîtresse de son corps. Ce concept d'une sexualité libérée, sans tabous, uniquement positive se retrouve également dans Embrasse-les tous, Le Mouton de Panurge, Le Nombril des femmes d’agent, Mélanie, La Première Fille et La Religieuse. Georges nous fait également réfléchir sur les clivages sociaux, point sur lequel des parallèles peuvent être faits avec Le Bistro, Le Boulevard du temps qui passe, L’Épave, La Mauvaise Herbe, La Mauvaise Réputation, Le Petit Joueur de flûteau, mais aussi deux poèmes de Jean Richepin qu'il a mis en musique: Les Oiseaux de passage et Philistins.


Quant aux Croquants que dédaigne Lisa, ce sont des petits-bourgeois (les culs cousus d'or) bien installés dans leurs certitudes et idées préconçues. Décrivant leur attitude pathétique, Brassens utilise volontairement un vocabulaire précis et démonstratif. Mais intéressons-nous à l'histoire du mot "croquant", utilisé auparavant dans Brave Margot et Chanson pour l'Auvergnat. Dans Les mots de Brassens, Loïc Rochard nous apprend qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce nom péjoratif désignait les paysans insurgés de Guyenne, du Limousin, de Normandie, du Périgord et du Quercy. Les principales causes des jacqueries des croquants ayant été d'ordre fiscal. Si l'on situe parfois l'origine de ces soulèvements dans la commune de Crocq (23) [D'Aubigné, Hist. III, 382], le peuple désignait la noblesse par le terme de "croquants", disant qu'ils ne demandaient qu'à croquer le peuple. Ce sobriquet a été ensuite retourné sur les mutins, à qui il fut finalement assimilé. Mais "croquant" ayant une connotation injurieuse, ils préférèrent s’appeler entre eux les "tard-avisés" ou les "chasse-voleurs" selon les régions. [Dictionnaire de l'Académie française - huitième édition, 1932-1935] Via les évolutions linguistiques, ce mot désigne aujourd'hui les personnes de rien, sans consistance, sans valeur.

Dans le poème de Brassens, les fill's de bonnes vie s'attirent elles aussi des commentaires très durs [Sallée A., 1991. Brassens - p. 69]:

(...) la fleur qu'on y trouve est garanti' longtemps,
Comm' les fleurs en papier des chapeaux
Les fleurs en pierre des tombeaux...

Perle cachée de la discographie brassénienne, Les croquants sont habillés d'une mélodie sur un rythme proche de la valse. Cette musique date en réalité de 1943. Elle fut créée pour Les chansons sont des souvenirs (texte qui a été recopié par Maurice Remiot - ami de René Iskin - sur le petit cahier de Basdorf et a fait l'objet d'un dépôt à la Sacem le 31/05/1944 [Liégeois J.-P., 2007. Georges Brassens - Œuvres complètes - p. 497]). L'enregistrement des croquants (déposée en 1955) a lieu le 18/01/1956 au Studio Apollo avec Pierre Fatosme dans le fauteuil d'ingénieur du son et sous la supervision de Jacques Canetti et André Tavernier. La parution intervient en mars de la même année sur le 33T 25 cm Georges Brassens sa guitare - n°4 (Philips N 76 064 R).

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