Cette célèbre réplique, qui naquit de la plume de Jean Racine, est tirée des Plaideurs
(acte I, scène 1), une comédie en trois actes et en vers (884
alexandrins) représentée à l’Hôtel de Bourgogne en novembre 1668 et publiée l'année suivante. C’est
la seule du genre que l’auteur d’Andromaque (1667) et de Phèdre
(1677) eut écrite. Elle met en scène un couple de jeunes amoureux
contrariés par le goût exagéré du recours à la justice qui caractérise
leurs parents.
Ces détournements polissons du célèbre vers de la tirade de Petit Jean sont une trouvaille que Georges Brassens incorpora au texte d’une chanson qui ne figure pas parmi les plus connues de son œuvre : Grand-père. Celui dont il est question eut une grande joie de vivre et la partagea avec ses enfants dont il fit intensément le bonheur. Lorsqu'il partit pour d'autres horizons à l'approche de son centenaire, ces derniers, en signe d'affection, souhaitèrent lui offrir de majestueuses funérailles. Mais ce fut sans compter leur basse condition... Brassens déplore, à travers cette histoire, l’impossibilité, dans notre civilisation obsédée par la célérité et la rentabilité, d’accompagner dignement nos morts et nos mourants. Un thème que l’on retrouve dans Les funérailles d’antan et L’ancêtre, ainsi que le souligne l'analyse comparative de Jean-Paul Sermonte dans l'éditorial du N°153 de la revue Les Amis de Georges (septembre-octobre 2016).
Le poète sétois exprime cette critique des rapports marchands de de la déshumanisation de la mort au fil de trois strophes de douze vers, alternées avec une série quatre quatrains qui constituent le refrain. Mais, au sein de chaque strophe, les enjambements se multiplient et la longueur des vers est sans cesse renouvelée : trois octosyllabes alternés avec un vers de cinq pieds, le tout répété deux fois. La troisième série d’octosyllabes est suivie, elle, d’un décasyllabe. De même, on trouve de grandes variations dans les quatrains du refrain. Notons cependant le vers Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisses, un alexandrin qui revient à trois reprises comme pour marquer une sentence.
A tout cela se rajoute une mélodie et une harmonisation complexes : plusieurs rythmes différents se succèdent, s’entremêlent, donnant une impression de collage pour lequel Brassens se serait inspiré de plusieurs genres musicaux correspondant à ses goûts. Ainsi que l’indique André Sallée dans son Brassens (1991), l’interprétation de Grand-père - qui se chante sur le rythme de la bourrée [Jacobs R., Lanfranchi J., 2011. Brassens, les trompettes de la renommée - 204 pp.] - s’avère alors d’une grande difficulté pour tout autre que son auteur-compositeur.
Cette chanson visant "l’Église des riches", celle-là même qui, en refusant sa bénédiction aux plus démunis, se montre en contradiction flagrante avec l’Évangile qu’elle est censée enseigner, est à rapprocher d’un poème de Gaston Couté: Le Christ en bois. [Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 353] Ce texte écrit en patois beauceron et que l’on peut retrouver dans l’ouvrage Les Mangeux d’terre (1990), reprend la même thématique à travers l’histoire d’un pauvre mendiant affamé et grelottant, qui s’est vu refuser un peu de pain et un abri chez les curés et chez les bonnes âmes. Les deux œuvres expriment un sentiment de révolte plus présent encore chez Couté : le mendiant s’en prend violemment à l’image du Christ sur la croix.
En revanche, des sentiments respectueux lui viennent lorsqu’il évoque Jésus de Nazareth :
Chez l’épicier, pas d’argent, pas d’épices ;
Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisses…
Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisses…
Ces détournements polissons du célèbre vers de la tirade de Petit Jean sont une trouvaille que Georges Brassens incorpora au texte d’une chanson qui ne figure pas parmi les plus connues de son œuvre : Grand-père. Celui dont il est question eut une grande joie de vivre et la partagea avec ses enfants dont il fit intensément le bonheur. Lorsqu'il partit pour d'autres horizons à l'approche de son centenaire, ces derniers, en signe d'affection, souhaitèrent lui offrir de majestueuses funérailles. Mais ce fut sans compter leur basse condition... Brassens déplore, à travers cette histoire, l’impossibilité, dans notre civilisation obsédée par la célérité et la rentabilité, d’accompagner dignement nos morts et nos mourants. Un thème que l’on retrouve dans Les funérailles d’antan et L’ancêtre, ainsi que le souligne l'analyse comparative de Jean-Paul Sermonte dans l'éditorial du N°153 de la revue Les Amis de Georges (septembre-octobre 2016).
Le poète sétois exprime cette critique des rapports marchands de de la déshumanisation de la mort au fil de trois strophes de douze vers, alternées avec une série quatre quatrains qui constituent le refrain. Mais, au sein de chaque strophe, les enjambements se multiplient et la longueur des vers est sans cesse renouvelée : trois octosyllabes alternés avec un vers de cinq pieds, le tout répété deux fois. La troisième série d’octosyllabes est suivie, elle, d’un décasyllabe. De même, on trouve de grandes variations dans les quatrains du refrain. Notons cependant le vers Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisses, un alexandrin qui revient à trois reprises comme pour marquer une sentence.
A tout cela se rajoute une mélodie et une harmonisation complexes : plusieurs rythmes différents se succèdent, s’entremêlent, donnant une impression de collage pour lequel Brassens se serait inspiré de plusieurs genres musicaux correspondant à ses goûts. Ainsi que l’indique André Sallée dans son Brassens (1991), l’interprétation de Grand-père - qui se chante sur le rythme de la bourrée [Jacobs R., Lanfranchi J., 2011. Brassens, les trompettes de la renommée - 204 pp.] - s’avère alors d’une grande difficulté pour tout autre que son auteur-compositeur.
Cette chanson visant "l’Église des riches", celle-là même qui, en refusant sa bénédiction aux plus démunis, se montre en contradiction flagrante avec l’Évangile qu’elle est censée enseigner, est à rapprocher d’un poème de Gaston Couté: Le Christ en bois. [Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 353] Ce texte écrit en patois beauceron et que l’on peut retrouver dans l’ouvrage Les Mangeux d’terre (1990), reprend la même thématique à travers l’histoire d’un pauvre mendiant affamé et grelottant, qui s’est vu refuser un peu de pain et un abri chez les curés et chez les bonnes âmes. Les deux œuvres expriment un sentiment de révolte plus présent encore chez Couté : le mendiant s’en prend violemment à l’image du Christ sur la croix.
T'as l'cul, t'as l'cœur, t'as tout en boués !
L'aut'e, el'vrai Christ ! el'bon j'teux d'sôrts
Qu'était si bon qu'il en est mort,
M'trouvant guerdillant à c'tte place,
M'aurait dit : "Couch' su'ma paillasse ! ..."
Ait pu lâcher un cri,
Qu'était si bon qu'il en est mort,
M'trouvant guerdillant à c'tte place,
M'aurait dit : "Couch' su'ma paillasse ! ..."
Le Christ en bois, dit par le comédien et chansonnier Yves Deniaud
(tiré du super 45T Yves Deniaud dit Gaston Couté (Le Chant Du Monde LD-45 3006) paru en 1957)
(tiré du super 45T Yves Deniaud dit Gaston Couté (Le Chant Du Monde LD-45 3006) paru en 1957)
Georges, de son côté, laisse monter une certaine colère qu’il exprime surtout par le biais de l’humour satyrique:
Avant même que le vicaire
J’lui bottai l’cul au nom du Père,
Du Fils, du Saint-Esprit.
Ce quatrain impertinent constitue l’ultime palier d’une gradation qui contribue à structurer le texte. Tout d’abord, c’est un cercueil qui est refusé au défunt. Le marchand, qui reçoit la famille à bras fermés (ici, c’est bien sûr l’expression "recevoir à bras ouverts" qui est détournée), affirme sa position par une locution à consonance volontairement tranchante qui se trouvait dans un premier temps [Georges Brassens in Liégeois J.-P., 2007. Georges Brassens - Œuvres complètes, Le Cherche-Midi, coll. Voix publiques, p. 94] être la suivante:
Et pas de bière sans argent",
Nous dit cet homme intransigeant.
Nous dit cet homme intransigeant.
Il est intéressant de remarquer que, par la suite, Georges remplaça ces deux vers pour placer une métaphore à consonance juridique tout aussi puissante:
Les morts de basse condition,
C'est pas de ma juridiction."
C'est pas de ma juridiction."
Puis vient la réaction du narrateur au refus qui lui est opposé, vive mais suggestive:
S'il y a des coups d' pied que'que part qui s' perdent,
C’lui-là toucha son but.
C’lui-là toucha son but.
Dès lors qu'arrive le tour du responsable d’entreprise de pompes funèbres, la suggestion monte en puissance et prend une forme qui renvoie indéniablement vers la chute du premier couplet du Gorille:
Ma bott' partit, mais je m' refuse
De dir' vers quel endroit,
Ça rendrait les dames confuses
Et je n'en ai pas le droit.
De dir' vers quel endroit,
Ça rendrait les dames confuses
Et je n'en ai pas le droit.
Et c’est finalement au vicaire que Brassens réserve le mot 'cul', ce qui permet d’accentuer le comique de situation. Quant au quatrième quatrain du refrain, il se termine par un détournement d’expression idiomatique (construction ou locution particulière à une langue, qui porte un sens par son tout et non par chacun des mots qui la composent):
Nous en viendrons
A bout de tous ces empêcheurs d'enterrer en rond.
A bout de tous ces empêcheurs d'enterrer en rond.
Une allusion phonétique est faite à la célèbre métaphore : "ces empêcheurs de tourner en rond", dont la forme originale, datant du XIXe siècle, est "ces empêcheurs de danser en rond", laquelle qui évoque l’interruption par un individu importun du déroulement d'une fête ou d’une danse. Aujourd’hui, le sens de cette expression est étendu à des évènements de divers types.
Dans ses notes de pochette, René Fallet revient sur le ton général du texte ainsi que sur certains effets de style utilisés par son ami sétois:
Heureux "Grand-père" ! Aïeul d’enfants charmants et truculents qui tous ressemblent à Brassens, on le porte vraiment en terre au son de la musique. Ces enfants "légers d’argent" ne sont pas des larmoyants. Ils n’ont pas la modestie du "Pauvre Martin". Quand on les reçoit "à bras fermés", ils répondent à coups de pied quelque part. Grand-père, entre ses quatre planches, a le sourire et pousse ses enfants à la rébellion, c’est certain. Dans le cimetière Brassens, "Grand-père" occupe une place de choix. C’est que rien n’est facile, pas même de mourir et qu’il faut pour cela venir "A bout de tous ces empêcheurs - D’enterrer en rond".
L'enregistrement de Grand-père eut lieu le 27/05/1957 au studio Apollo, avec Pierre Nicolas à la contrebasse et Antoine Schessa à la seconde guitare. La chanson intégra le 33T 25 cm Georges Brassens et sa guitare, accompagné par Pierre Nicolas - N°5 (Philips N 76.074 R), qui parut en septembre 1957.
Heureux "Grand-père" ! Aïeul d’enfants charmants et truculents qui tous ressemblent à Brassens, on le porte vraiment en terre au son de la musique. Ces enfants "légers d’argent" ne sont pas des larmoyants. Ils n’ont pas la modestie du "Pauvre Martin". Quand on les reçoit "à bras fermés", ils répondent à coups de pied quelque part. Grand-père, entre ses quatre planches, a le sourire et pousse ses enfants à la rébellion, c’est certain. Dans le cimetière Brassens, "Grand-père" occupe une place de choix. C’est que rien n’est facile, pas même de mourir et qu’il faut pour cela venir "A bout de tous ces empêcheurs - D’enterrer en rond".
L'enregistrement de Grand-père eut lieu le 27/05/1957 au studio Apollo, avec Pierre Nicolas à la contrebasse et Antoine Schessa à la seconde guitare. La chanson intégra le 33T 25 cm Georges Brassens et sa guitare, accompagné par Pierre Nicolas - N°5 (Philips N 76.074 R), qui parut en septembre 1957.
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