A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

J'ai rendez-vous avec vous

"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

jeudi 28 mars 2024

Pierre Cordier : la série Photo-chimigramme

Je dois à la maison Philips, qui me les commanda, ces textes, analyse personnelle de toutes les chansons, une par une, de Brassens. Une centaine environ à ce jour. Encore un travail que je n’aurais pas fait de mon propre chef. Je reconnais humblement qu’il me passionna et me fit ainsi joindre l’agréable à l’utile. (Brassens par René Fallet, 1967)

Les aujourd’hui célèbres notes de pochette de René Fallet apparurent pour la première fois sur une série originale de 33T de Georges Brassens, parue en septembre 1965 dans la collection Les grands auteurs & compositeurs interprètes. Il s’agit de la série dite Photo-chimigramme de Pierre Cordier.

Le photographe et artiste plasticien belge, qui fit la connaissance de Georges Brassens alors que ce dernier accompagna Patachou dans la tournée qui amena celle-ci à chanter pour la première fois J’ai rendez-vous avec vous devant le public de l’Ancienne Belgique le 11/02/1952, se consacra à une technique picturale permettant de produire des images avec les matériaux de la peinture et de la photographie, qu’il découvrit plus de quatre ans plus tard – le 10/11/1956 – en écrivant avec du vernis à ongles sur du papier photosensible une dédicace à une jeune femme allemande, Erika. En 1958, Pierre Cordier baptisa "chimigramme" ce procédé qui, selon la définition qu’il formule dans sa monographie Le chimigramme – The chemigram (2007), "combine la physique de la peinture (vernis, cire, huile) et la chimie de la photographie (émulsion photosensible, révélateur, fixateur); sans appareil photographique, sans agrandisseur et en pleine lumière".

Poursuivant ses expérimentations et faisant évoluer le chimigramme en élargissant ses possibilités techniques et esthétiques, Cordier mit au point le photo-chimigramme en 1963 et, avec la complicité de René Fallet, obtint l’accord de Georges Brassens pour que la firme Philips réalise une série de huit pochettes pour disques 33T 30 cm.

Pierre Cordier: "(…) En 1965, je montrais à Georges et René Fallet des projets de pochettes faites à partir d’anciennes photos. Georges en parla aux directeurs de Philips qui me passèrent commande de huit pochettes. Ce fut un travail long et difficile : je proposai même le graphisme du verso de la pochette. Les photographes et les graphistes de la maison n’étaient pas enchantés d’être remplacés par un étranger." [Cordier P. – Je me souviens de Georges… (1998)]

Pour ce faire, une série de clichés du sétois moustachu pris par Pierre lui-même en début d’année 1965 au "Moulin de La Bonde" à Crespières, fut utilisée.

Pierre Cordier: "(…) à Crespières, nous passions des heures à flâner, avec Püppchen [sic] et Fallet, avant de soumettre Georges à la torture des séances de photographie [pour les pochettes de disques]. Le pauvre, il avait horreur de ça et comme je n’étais qu’un « faux-tographe » [selon l’expression de Degas et de Nadar], je souffrais avec lui.
Heureusement, certaines photos sont réussies et le montrent tel qu’il était: tour à tour joyeux, malicieux, angoissé…"[Cordier P. – Je me souviens de Georges… (1998)]

Ainsi naquit une très belle série discographique qui propose l’intégralité des chansons enregistrées et publiée par Georges Brassens jusqu’en novembre 1964, période de sortie de l’album Brassens (Philips 77.894 L). Dans sa préface pour l’ouvrage Je me souviens de Georges… (1998), Julos Beaucarne exprime très joliment la rencontre entre deux artistes d’exception et qui enfantera entre autres les pièces de collection décrites plus bas: "(…) Georges était un inventeur des mots, au-delà des mots. Pierre est un inventeur de l’image, au-delà de l’image. Ce n’est pas étonnant que ces deux alchimistes se soient rencontrés.
(…) L’alchimiste des mots avait frappé le jeune photographe qu’était, à cette époque, Pierre Cordier.
Celui-ci, plus tard, a voulu aller plus loin, a voulu passer la limite et révéler l’ "aura" des photos. Il a voulu en savoir plus long sur l’image, pénétrer ses secrets: il a inventé le chimigramme, une façon de traverser le miroir de la photographie. Il est devenu alchimiste de la vision."
 

Chacun des 33T est caractérisé par une pochette dont l’illustration du recto est un photo-chimigramme montrant Brassens sous diverses expressions de son visage. Figurent également les titres, disposés sur plusieurs lignes en haut. De part et d’autre la numérotation de série de 1 à 8 (dans le coin en haut à gauche) ainsi que le logo Philips, surmonté de la référence du disque, imprimée en petits caractères (en haut à droite).
 

Au verso, les notes de pochette de René Fallet, disposées en deux colonnes sous le titre du disque – ici, Georges Brassens 1 – et la mention du nom des musiciens, imprimée en plus petits caractères : ‘accompagnement à la contrebasse : Pierre Nicolas – à la seconde guitare : Victor Apicella’. De part et d’autre, le logo quadrangulaire de la collection Les grands auteurs & compositeurs interprètes (dans le coin gauche) et le logo Philips. Dans le coin droit du rabat supérieur, sur un fond de couleur (ici, gris clair) spécifique de chaque opus et corrélé avec celui du logo de la collection, la lettre capitale ‘D’ ainsi que la référence du disque (ici P 77.847 L). En bas de la deuxième colonne de notes de pochette, en tous petits caractères, la liste des références des huit disques de la série ainsi que les titres des chansons correspondantes. Sur le rabat inférieur, la mention ‘Photo-chimigramme et maquette : Pierre Cordier’ (coin gauche) et la mention de l’imprimeur (coin droit) : 'JColombet Paris-XV'.

Sur les labels, de couleur bleu indigo avec un centreur cerclé de blanc, on observe deux particularités:

  • la lettre capitale ‘D’ imprimée juste derrière le sigle B.I.E.M. encadré, à gauche du centreur;
  • le numéro de référence, imprimé dans l’encadré situé juste au-dessus, commence par la lettre ‘B’ et non ‘P’, comme sur la pochette.

La liste des chansons est imprimée sur la moitié inférieure, en petits caractères de couleur gris clair, sur chacune des deux faces: La mauvaise réputation - Le fossoyeur - Le gorille - Le petit cheval - Ballade des dames du temps jadis - Hécatombe - La chasse aux papillons - Le parapluie - La marine - Corne d'aurochs - Il suffit de passer le pont - Comme hier

Voici le détail des autres disques:

- Georges Brassens 2 – Philips P 77.848 L
Les amoureux des bancs publics - Brave Margot - Pauvre Martin - La première fille - La cane de Jeanne - Je suis un voyou - J'ai rendez-vous avec vous - Le vent - Il n'y a pas d'amour heureux - La mauvaise herbe - Le mauvais sujet repenti - P... de toi

- Georges Brassens 3 – Philips P 77.849 L
Chanson pour l'auvergnat - Les sabots d'Hélène - Marinette - Une jolie fleur - La légende de la nonne - Colombine - Auprès de mon arbre - Gastibelza - Le testament - La prière - Le nombril des femmes d'agents - Les croquants


- Georges Brassens 4 – Philips P 77.850 L
Je me suis fait tout petit - L'amandier - Oncle Archibald - La marche nuptiale - Les lilas - Au bois de mon cœur - Grand-Père - Celui qui a mal tourné - Le vin - Les philistins

- Georges Brassens 5 – Philips P 77.851 L
Le vieux Léon - La ronde des jurons - À l'ombre du cœur de ma mie - Le pornographe - Le Père Noël et la petite fille - La femme d'Hector - Bonhomme - Les funérailles d'antan - Le cocu - Comme une sœur

- Georges Brassens 6 – Philips P 77.852 L
La traîtresse - Tonton Nestor - Le bistrot - Embrasse-les tous - La ballade des cimetières - L'enterrement de Verlaine - Germaine tourangelleÀ Mireille dite Petit Verglas - Pénélope - L'orage - Le mécréant - Le verger du roi Louis - Le temps passé - La fille à cent sous


- Georges Brassens 7 – Philips P 77.853 L
Les trompettes de la renommée - Jeanne - Dans l'eau de la claire fontaine - Je rejoindrai ma belle - La marguerite - Si le bon Dieu l'avait voulu - La guerre de 14/18 - Les amours d'antan - Le temps ne fait rien à l'affaire - Marquise - L'assassinat - La complainte des filles de joie


- Georges Brassens 8 – Philips P 77.894 L
Les copains d'abord - Les 4 z'arts [sic] - Le petit joueur de flûteau - La tondue - Le 22 Septembre - Les deux oncles - Vénus Callipyge - Le mouton de Panurge - La route aux quatre chansons - Saturne - Le grand Pan


À noter qu’une seconde série fut publiée en France, avec un numéro de référence commençant cette fois par la lettre ‘B’, sur la pochette. Ce qui donne, pour les huit disques : B 77.847 L, B 77.848 L, B 77.849 L, B 77.850 L, B 77.851 L, B 77.852 L, B 77.853 L et B 77.894 L.

De plus, au verso, dans le coin droit du rabat supérieur, la lettre capitale ‘D’ est remplacée par la mention ‘STANDARD’.

Quant aux labels des disques, ils sont noirs, cette fois. Et la lettre capitale ‘D’ imprimée juste derrière le sigle B.I.E.M. encadré, à gauche du centreur, est remplacée par la lettre capitale ‘S’.

La série dite Photo-chimigramme de Pierre Cordier fit également l’objet de pressages canadiens, italiens et japonais, entre autres. N’ayant pas été étendue ni rééditée, la série s’arrêta au volume 8, pour être remplacée par la célébrissime collection "faux bois", dont la parution débuta peu de temps après.

Près de quinze années plus tard, Georges Brassens rédigea une préface pour le catalogue de l’exposition de son ami à la Bibliothèque Nationale; Pierre Cordier, chimigrammes, qui se tint du 15/02 au 31/03/1979. [Source : Bibliothèque nationale] Aussi, c’est à lui que revient de conclure cet article discographique en hommage au créateur du chimigramme, qui vient d’aller le rejoindre tout récemment…

(…) Pierre Cordier quoique encore jeune, est un de mes vieux amis. En fait, ses culottes courtes étaient encore dans l’armoire quand j’ai connu ses parents. Des amis parfaits.
La famille Cordier tout entière me soutint de tout cœur à mes débuts, me donna son affection et me prêta sa maison lors de mes premiers séjours en Belgique (…) Je ne raconte pas ma vie, n’ayez pas peur. Je vous dis toutes ces choses pour que vous sachiez que le responsable du fait que Pierre Cordier ait lâché l’entreprise familiale et prospère ou sa voix était toute tracée, c’est moi. Il n’avait pas tellement envie, à cette époque de ses dix-huit – vingt ans, de rouler sur les rails où le sort l’avait placé… Il était habité par le démon de la recherche photographique, et m’a demandé des conseils. Moi qui n’en donne jamais, qui considère que l’on en n’a pas le droit, j’ai fait une entorse à mon principe, je lui ait dit de se lancer dans cette aventure et il l’a fait (il l’eût sans doute fait quand même).
(…) Pierre Cordier a pris une route non fréquentée encore et pleine d’escarpements. Je pense qu’il a eu raison et je souhaite que vous soyez du même sentiment; et que ses "Chimigrammes" vous apportent un plaisir jamais encore ressenti au-delà de la peinture et de la photographie.

Georges Brassens


Afin d’élargir le champs de cette étude, il est intéressant de retrouver le dossier de presse ainsi que les nombreuses ressources pour la Saison photographique à la BnF 2023-2024, qui replace l’œuvre de Pierre Cordier dans l’histoire de l’art que fit naître Nicéphore Niépce !

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