Si Paul Verlaine est un des premiers poètes dont Georges Brassens découvrit l’œuvre, ce fut non seulement grâce à Alphonse Bonnafé, son professeur de français au collège de Sète, mais aussi par le biais de Chanson d'automne, tiré du recueil Poèmes saturniens (1866). Trois sizains musicaux sur lesquels Charles Trenet composa une mélodie pour en tirer une chanson. Verlaine - c'est son titre - vit le jour en 1941 avec quelques altérations par rapport au poème original.
Ainsi, dans la première strophe, le Fou chantant choisit de dire "bercent mon cœur"*, probablement pour rendre le texte plus consensuel. Ce choix fut aussi celui de Léo Ferré qui adapta le même poème pour son double album de 1964: Verlaine et Rimbaud chantés par Léo Ferré (Barclay 80 236/37). Cependant sur l'enregistrement public du DVD Léo Ferré chante les poètes, si Ferré reprend la même nuance dans le premier couplet, il dit "blessent" dans sa reprise en fin de chanson. Georges Brassens, dans sa propre reprise parue sur le double 33T Chante les chansons de sa jeunesse (Philips 6622 032 - 1982), chante la véritable strophe.
Boulimique de lecture, Brassens fit plusieurs fois référence à Verlaine dans ses œuvres, à commencer par Par-dessus mon toit, une chanson écrite et déposée à la Sacem en 1944, qui n'est pas sans évoquer Le ciel est, par-dessus le toit, issu du recueil Sagesse, publié par le poète messin en 1880. D'un autre côté, ce dernier est l'objet d'une citation au début du second chapitre de La lune écoute aux portes (1947), dans une description de reliques décorant un appartement montmartrois: "Crâne de Racine, dernière diarrhée de Hugo, linge périodique de George Sand, morceau de chair pourrie de la cuisse de Rimbaud, patte du homard familier de Gérard de Nerval, cure-dent d'Alfred Jarry, plaque muqueuse de Beaudelaire, pirouette de Charles Cros, crachat de Valéry, testicules d'Eluard, vomissement de Musset, vinaigrette de Pascal, urine de Hérédia, sperme de Verlaine (...)"
Au fil d'une lettre à Roger Toussenot datée du 04/08/1948, Georges évoque l'auteur des Poèmes saturniens tout en révélant certains de ses projets amenés à se concrétiser: "J'ai repensé aux chansons. Ce genre n'est pas plus mineur qu'un autre. Tout dépend de la personnalité de l'auteur. Verlaine écrivait des poésies qui ressemblaient à des chansons. Autrement, jamais notre plume ne nous fera vivre." [Marc-Pezet J., 2001. Georges Brassens - Lettres à Toussenot 1946-1950 - p. 60]
Ainsi, dans la première strophe, le Fou chantant choisit de dire "bercent mon cœur"*, probablement pour rendre le texte plus consensuel. Ce choix fut aussi celui de Léo Ferré qui adapta le même poème pour son double album de 1964: Verlaine et Rimbaud chantés par Léo Ferré (Barclay 80 236/37). Cependant sur l'enregistrement public du DVD Léo Ferré chante les poètes, si Ferré reprend la même nuance dans le premier couplet, il dit "blessent" dans sa reprise en fin de chanson. Georges Brassens, dans sa propre reprise parue sur le double 33T Chante les chansons de sa jeunesse (Philips 6622 032 - 1982), chante la véritable strophe.
Boulimique de lecture, Brassens fit plusieurs fois référence à Verlaine dans ses œuvres, à commencer par Par-dessus mon toit, une chanson écrite et déposée à la Sacem en 1944, qui n'est pas sans évoquer Le ciel est, par-dessus le toit, issu du recueil Sagesse, publié par le poète messin en 1880. D'un autre côté, ce dernier est l'objet d'une citation au début du second chapitre de La lune écoute aux portes (1947), dans une description de reliques décorant un appartement montmartrois: "Crâne de Racine, dernière diarrhée de Hugo, linge périodique de George Sand, morceau de chair pourrie de la cuisse de Rimbaud, patte du homard familier de Gérard de Nerval, cure-dent d'Alfred Jarry, plaque muqueuse de Beaudelaire, pirouette de Charles Cros, crachat de Valéry, testicules d'Eluard, vomissement de Musset, vinaigrette de Pascal, urine de Hérédia, sperme de Verlaine (...)"
Au fil d'une lettre à Roger Toussenot datée du 04/08/1948, Georges évoque l'auteur des Poèmes saturniens tout en révélant certains de ses projets amenés à se concrétiser: "J'ai repensé aux chansons. Ce genre n'est pas plus mineur qu'un autre. Tout dépend de la personnalité de l'auteur. Verlaine écrivait des poésies qui ressemblaient à des chansons. Autrement, jamais notre plume ne nous fera vivre." [Marc-Pezet J., 2001. Georges Brassens - Lettres à Toussenot 1946-1950 - p. 60]
Paul Verlaine par Otto Wegener (1893)
De Verlaine, le sétois ne mit en musique qu'un seul poème: Colombine, tiré du court recueil Fêtes galantes (1869). Celui-ci est composé de vingt-deux pièces aux strophes peu nombreuses, courtes et aux formes métriques très variées, décrivant en scène des scènes de séduction et de badinage amoureux entre des personnages issus du monde de la commedia dell'arte italienne et d'une campagne idéalisée. Par son choix, l'auteur des Copains d'abord rend en quelque sorte hommage au célèbre genre théâtral transalpin, lui dont l'univers est peuplé de nombreux personnages étonnants. Il est vrai que, par exemple, la Jolie fleur ou encore Marinette pourraient être des cousines de Colombine. Dégageant un mélange de gaieté et de tristesse, le poème de Verlaine est composé de six sizains aux vers brefs et au rythme saccadé (deux fois deux pentasyllabes ponctués d'un vers de deux pieds), ce qui n'est pas sans rappeler Les Philistins, de Jean Richepin. Dans son ouvrage Brassens et les poètes (2011), Jean-Paul Sermonte cite l'analyse du spécialiste de la littérature française Jacques Robichez, qui met en évidence les coupes et les enjambements audacieux auxquels s'est livré Verlaine, exercice de forme qui eut peut-être donné des idées à Brassens pour Le vin.
Il est intéressant de noter que la troisième strophe de Colombine est porteuse de mélodie potentielle avec laquelle Georges s'est amusé, ainsi que le note Louis-Jean Calvet dans son Brassens (1991):
La musique de Georges (que René Fallet commente et rapproche de manière imagée au recueil Charmes, publié par Paul Valéry en 1922) commence presque de la même façon:
Sur le fameux premier vers du troisième couplet, Brassens suit les indications de Verlaine mais avec une légère nuance qui, outre sa finesse, s'explique par deux détails techniques que Philippe Borie nous explique sur le site de l'association L'Amandier. Via une transposition de deux tons, la mélodie devient alors:
Au niveau du texte, quelques nuances interviennent dans les deuxième et troisième strophes: Ses yeux luisant sous son masque devient Les yeux luisant sous le masque, l'allitération étant alors allégée. Quant à la belle enfant, elle devient frêle dans l’interprétation de Brassens. Par ailleurs, le poète sétois choisit de supprimer la cinquième strophe:
Un pont musical vient en effet en lieu et place de celle-ci. Robert Le Gresley y fait référence dans Une belle enfant méchante, un des textes de son livre Pour vous Monsieur Brassens, d’affectueuses irrévérences. Se glissant dans la peau de Paul Verlaine, il encense le travail de composition de Georges tout en analysant avec humour la modification sémantique induite par l'élision de cette fameuse cinquième strophe (dont cinq vers forment une seule et même phrase avec la strophe suivante): l'interrogation finale du poème devient une affirmation et la protagoniste ne relève plus ses jupes pour plus d'aisance mais pour provoquer son troupeau de dupes.
Colombine fut enregistrée le 17/01/1956 au Studio Apollo (avec Pierre Fatosme aux manettes et sous la direction d'André Tavernier et Jacques Canetti) pour le 33T 25 cm Georges Brassens sa guitare - n°4 (Philips N 76 064 R), sorti en mars 1956.
Le 09 janvier de la même année, Brassens officia au micro d'Europe 1 pour la huitième des émissions Georges Brassens raconte Jean Le Loup, avec René Fallet. A cette occasion, il chanta L'enterrement de Verlaine, poème de Paul Fort, sur une mélodie composée vers 1952-1953 et reprise quelques années plus tard pour La marche nuptiale. Après une nouvelle interprétation l'antenne d'Europe 1 dans l'émission Campus - Spécial Les Copains d'Abord du 12/10/1970 – incluse au 33T de 1976 20 ans d'émissions avec Georges Brassens à Europe 1 (Philips 9101 087), le sétois nous révèla même avoir fait écouter le résultat à Paul Fort. Une troisième interprétation chantée de L'enterrement de Verlaine est également connue: celle du 26/05/1961, durant l'émission de Denise Glaser Discorama (RTF Télévision), où Georges fut interviewé par Jean-Pierre Darras.
Il effectua un nouvel enregistrement du poème le 14/03/1961 au Studio Blanqui, cette fois en choisissant délibérément de dire les vers plutôt que de les chanter (une musique ne pouvant normalement être utilisée deux fois, ceci lui ayant été reproché auparavant pour La prière). La piste intégra la première face du super 45T Hommage à Paul Fort (Philips 432.556 BE) publié en mai 1961, un peu plus d'un an après la disparition du "prince des poètes". On la retrouve également sur le 33T Georges Brassens N°6 (Philips 77.852 L) de la collection Les Grands Auteurs et Compositeurs, Interprètes (avec pochettes illustrées par les chimigrammes de Pierre Cordier), parue en septembre 1965. Les auditeurs d'Europe 1 eurent l'occasion d'entendre cette version lors d'une des émissions La Vitrine Aux Chansons d’Angèle Guller, diffusées entre décembre 1963 et le 01/07/1964.
L’œuvre de Paul Verlaine tient sans doute une place particulière dans la construction de celle de Brassens. Si, comme nous l'avons vu précédemment, elle fut une source d'inspiration non négligeable pour le sétois, elle déclencha aussi, indirectement, son envie d'aller chercher quelques pièces de notre patrimoine littéraire qu'il appréciait particulièrement au point de les faire connaître. Ainsi que le souligne Jacques Charpentreau dans son Georges Brassens et la poésie quotidienne de la chanson (1960), l'auteur des Copains d'abord n'a-t-il pas suivi l'exemple de son idole Charles Trenet, qui ouvrit la route avec la mise en musique de la Chanson d'automne ?
*La même altération fut utilisée dans les célèbres messages cryptés (le premier vers a été prononcé "Les sanglots longs des violons d’automne… " là où Verlaine a écrit : "…de l'automne") de Radio Londres les 01 et 05/06/1944 à 21H15, juste avant l'opération Overlord en Normandie, pour activer le réseau de résistance Ventriloquist de Philippe de Vomécourt en Sologne.
Il est intéressant de noter que la troisième strophe de Colombine est porteuse de mélodie potentielle avec laquelle Georges s'est amusé, ainsi que le note Louis-Jean Calvet dans son Brassens (1991):
- Do, mi, sol, mi, fa -
Tout ce monde va,
Rit, chante...
La musique de Georges (que René Fallet commente et rapproche de manière imagée au recueil Charmes, publié par Paul Valéry en 1922) commence presque de la même façon:
do mi sol do fa
Sur le fameux premier vers du troisième couplet, Brassens suit les indications de Verlaine mais avec une légère nuance qui, outre sa finesse, s'explique par deux détails techniques que Philippe Borie nous explique sur le site de l'association L'Amandier. Via une transposition de deux tons, la mélodie devient alors:
mi sol si sol la
Au niveau du texte, quelques nuances interviennent dans les deuxième et troisième strophes: Ses yeux luisant sous son masque devient Les yeux luisant sous le masque, l'allitération étant alors allégée. Quant à la belle enfant, elle devient frêle dans l’interprétation de Brassens. Par ailleurs, le poète sétois choisit de supprimer la cinquième strophe:
- Eux ils vont toujours ! -
Fatidique cours
Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres
Fatidique cours
Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres
Un pont musical vient en effet en lieu et place de celle-ci. Robert Le Gresley y fait référence dans Une belle enfant méchante, un des textes de son livre Pour vous Monsieur Brassens, d’affectueuses irrévérences. Se glissant dans la peau de Paul Verlaine, il encense le travail de composition de Georges tout en analysant avec humour la modification sémantique induite par l'élision de cette fameuse cinquième strophe (dont cinq vers forment une seule et même phrase avec la strophe suivante): l'interrogation finale du poème devient une affirmation et la protagoniste ne relève plus ses jupes pour plus d'aisance mais pour provoquer son troupeau de dupes.
Colombine fut enregistrée le 17/01/1956 au Studio Apollo (avec Pierre Fatosme aux manettes et sous la direction d'André Tavernier et Jacques Canetti) pour le 33T 25 cm Georges Brassens sa guitare - n°4 (Philips N 76 064 R), sorti en mars 1956.
Le 09 janvier de la même année, Brassens officia au micro d'Europe 1 pour la huitième des émissions Georges Brassens raconte Jean Le Loup, avec René Fallet. A cette occasion, il chanta L'enterrement de Verlaine, poème de Paul Fort, sur une mélodie composée vers 1952-1953 et reprise quelques années plus tard pour La marche nuptiale. Après une nouvelle interprétation l'antenne d'Europe 1 dans l'émission Campus - Spécial Les Copains d'Abord du 12/10/1970 – incluse au 33T de 1976 20 ans d'émissions avec Georges Brassens à Europe 1 (Philips 9101 087), le sétois nous révèla même avoir fait écouter le résultat à Paul Fort. Une troisième interprétation chantée de L'enterrement de Verlaine est également connue: celle du 26/05/1961, durant l'émission de Denise Glaser Discorama (RTF Télévision), où Georges fut interviewé par Jean-Pierre Darras.
Il effectua un nouvel enregistrement du poème le 14/03/1961 au Studio Blanqui, cette fois en choisissant délibérément de dire les vers plutôt que de les chanter (une musique ne pouvant normalement être utilisée deux fois, ceci lui ayant été reproché auparavant pour La prière). La piste intégra la première face du super 45T Hommage à Paul Fort (Philips 432.556 BE) publié en mai 1961, un peu plus d'un an après la disparition du "prince des poètes". On la retrouve également sur le 33T Georges Brassens N°6 (Philips 77.852 L) de la collection Les Grands Auteurs et Compositeurs, Interprètes (avec pochettes illustrées par les chimigrammes de Pierre Cordier), parue en septembre 1965. Les auditeurs d'Europe 1 eurent l'occasion d'entendre cette version lors d'une des émissions La Vitrine Aux Chansons d’Angèle Guller, diffusées entre décembre 1963 et le 01/07/1964.
L’œuvre de Paul Verlaine tient sans doute une place particulière dans la construction de celle de Brassens. Si, comme nous l'avons vu précédemment, elle fut une source d'inspiration non négligeable pour le sétois, elle déclencha aussi, indirectement, son envie d'aller chercher quelques pièces de notre patrimoine littéraire qu'il appréciait particulièrement au point de les faire connaître. Ainsi que le souligne Jacques Charpentreau dans son Georges Brassens et la poésie quotidienne de la chanson (1960), l'auteur des Copains d'abord n'a-t-il pas suivi l'exemple de son idole Charles Trenet, qui ouvrit la route avec la mise en musique de la Chanson d'automne ?
*La même altération fut utilisée dans les célèbres messages cryptés (le premier vers a été prononcé "Les sanglots longs des violons d’automne… " là où Verlaine a écrit : "…de l'automne") de Radio Londres les 01 et 05/06/1944 à 21H15, juste avant l'opération Overlord en Normandie, pour activer le réseau de résistance Ventriloquist de Philippe de Vomécourt en Sologne.
Comme d'habitude, bel article Sébastien! J'y ajouterai que Jacques Muñoz que tu as vu sur scène à St Cyr sur Morin chantait l'intégralité du poème (voir notre DVD "Hommage à Georges Brassens, poète français du XX° siècle") et qu'il l'avait aussi enregistré in extenso sur l'album "Les bacchantes"
RépondreSupprimerMerci Pierre ! Du coup, je suis en train de revisionner le DVD. Toujours un plaisir !
Supprimer