Pierre Pascal (1928-2016) est connu comme le premier traducteur de chansons de Georges Brassens en castillan. Professeur de Lettres modernes (espagnol, français, provençal), il enseigna en France à Paris puis à Saint-Raphaël (83), mais aussi au Maroc et en Uruguay. Sa première rencontre avec l’auteur-compositeur de La mauvaise réputation est présentée comme ayant eu lieu en 1953, lors de la première tournée estivale d’icelui sous l’égide de Jacques Canetti. Dans l’article intitulé Brassens en espagnol, qu’il écrivit pour le N°49 de la revue Les Amis de Georges (mai-juin 1999), Pierre Pascal situe l’évènement de manière plus précise à Grasse (06). Toutefois, pour ce qui concerne l’année 1953, aucune date pour la ville du poète provençal Louis Bellaud (1543-1588) ne semble figurer sur le document rétrospectif établi par Pierre Onténiente, pas plus que dans le journal, les agendas et carnets de Georges Brassens. D’après les informations fournies par l’ensemble de ces sources, Brassens fit étape dans quatre villes des Alpes-Maritimes, en août 1953: Cannes (06), Juan-les-Pins (06), Menton (06) et Nice (06). [Brassens G. - Journal et autres carnets inédits - p. 318-319] En revanche, la tournée de 1954 compte bien une date à Grasse: le 21/08/1954 très exactement. Des recherches restent donc à effectuer afin de pouvoir lever cette ambiguïté.
Georges Brassens: "Tu sais, si c’était de l’italien, ma mère est italienne, mais l’espagnol, j’y comprends pas grand-chose… viens me voir à Paris."
Sur ce, il confia à son interlocuteur son adresse du 9, impasse Florimont. Tous deux eurent par la suite l’occasion de se recroiser lors de certaines des prestations parisiennes de Georges. Dans son article pour la revue Les Amis de Georges, Pascal évoque la fin de soirée du 04/12/1954 où, avec l’autorisation de la direction de Bobino, Brassens chanta au Bal des Berceaux organisé par ses amis de la mairie du 14e. Mais également la Villa D’Este où, après une série de dates en mai-juin 1953, le sétois se produisit le 02/12/1953 puis du 15 au 25/04/1954. Plus d’une année s’écoula avant que Pascal n’ose se présenter devant la grille que Jeanne Planche lui ouvrit. À l’étage, il retrouva Brassens, un brin surpris par sa visite. Au cours de la conversation amicale qui s’ensuivit, les traductions (car d’autres eurent vu le jour depuis) en castillan resurgirent assez vite. Au point que Brassens devina la suite à éventuellement leur donner.
Georges Brassens: "Si je comprends bien, tu voudrais en plus que ce soit moi qui te les chante ? Alors ça c’est pas du tout cuit ! Allez, viens, en attendant on va manger un morceau."
Plusieurs entrevues en découlèrent alors, débouchant sur des séances de travail dont La mauvaise réputation, devenue La mala reputación, eut les honneurs. Georges demande toujours à Pierre le mot-à-mot de ses adaptations, avant de prendre sa guitare pour se mettre à jouer. Pascal chante, se faisant chapitrer lorsqu’il sort de la mesure. Puis vient le moment d’effectuer une transcription phonétique, que Brassens coucha sur le papier à sa manière. Outil de première importance pour lui permettre de travailler sa prononciation de manière très appliquée, en se basant sur celle de son professeur. Ce ne fut pas chose forcément aisée car, n’étant pas hispanophone, il rencontra tout de même quelques difficultés que Pascal s’évertua à l’aider à corriger. En trois jours de labeur, les progrès sont très nets.
Georges Brassens: "Ma mère est italienne, galopin, et j’ai beaucoup plus d’oreille que toi."
Et c’est le 25/01/1956 de 15H à 18H que fut planifiée une session d’enregistrement unique. [Lonjon B., 2011. Brassens l’enchanteur - p. 229] Sise au studio Apollo, avec – assurément – Pierre Nicolas à la contrebasse, elle fut dirigée par Pierre Fatosme. Afin de comprendre comment une telle décision a progressivement mûri, il convient de rappeler que si Brassens ne fut jamais véritablement enclin à voyager hors des frontières de l’hexagone, son œuvre, elle, ne manqua pas d’intéresser rapidement les artistes, mélomanes et musicologues de différents pays. Ainsi en est-il tout particulièrement de l’Espagne, de par sa proximité linguistique et géographique. Mais à cette époque, la dictature franquiste renforçait le sentiment de Georges de ne point vouloir franchir les Pyrénées. Le monde du spectacle du pays de Miguel de Cervantes était étroitement surveillé par la Guardia civil. Dans Brassens, homme libre (2011), Jacques Vassal décrit la situation en citant l’auteur-compositeur Lluís Llach, une des figures de proue du combat pour la culture catalane contre le franquisme. Sa chanson L’estaca (trad. litt.: Le pieu), parue en 1968 sur le super 45T Concentric 6075 UC avec Cop de destral, Cançó sense fi et Per un tros del teu cos, est un cri à l'unité d'action pour se libérer de l'oppression, pour atteindre la liberté. D'abord symbole de la lutte contre le franquisme en Catalogne, elle devint celui de la lutte pour la liberté. Les paroles de ce véritable hymne libertaire catalan acquirent rapidement une très grande notoriété. Dès lors, il est aisé d’imaginer l’aura dont put bénéficier l’œuvre de Georges Brassens auprès d’un public anarchisant et francophile. Les disques du sétois moustachu furent très tôt recherchés, au-delà des Pyrénées. C’est ainsi qu’un 45T fut prévu pour la branche espagnole de Philips. [Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 409]
Au programme de la séance d’enregistrement, cinq titres adaptés en espagnol furent prévus, selon Pierre Pascal. Cependant, seuls trois ont survécu dans les archives de Philips France, devenue Phonogram, puis Polygram France et enfin Universal: La mala reputación (La mauvaise réputation), La pata de Juana (La cane de Jeanne) et El testamento (Le testament). Le mystère demeure en ce qui concerne les deux autres qui n’ont, à ce jour, jamais refait surface. Peut-être sont-ce des ébauches ou des prises imparfaites vouées à l’oubli ?
Une seule prise fut réalisée pour chaque chanson. Chacune d’elles étant restée brute de décoffrage, cela nous permet d’entendre quelques imperfections, gages d’authenticité et immortalisation de Brassens en plein travail. Sur La mala reputación, Pierre Pascal – probablement – interrompt Georges Brassens sur la fin de la troisième strophe afin de corriger la prononciation de deux vers:
Tras de mí todos a correr
Salvo los cojos es de creer
La même strophe est ensuite reprise, puis la chanson est terminée. On remarque ensuite un faux départ sur La pata de Juana. Un Brassens bourru lance "Si tu me fais chier, je te la laisse pas faire et je le fais !" en parlant d'un pont guitaristique. Et il reprend: "Attends, on recommence." S’adresse-t-il à un de ses musiciens (Pierre Nicolas ou Victor Apicella ?), à Pierre Pascal ou à un technicien de studio ? Enfin, après avoir terminé El testamento, Georges demande: "C’est pas bon ?"
La télévision ne fut pas en reste non plus. Dans l’émission Brassens au coin du feu (ORTF, 12/06/1957) diffusée en direct, Henri Spade accueillit, dans un décor de salle de ferme reconstituée, Georges Brassens, René Fallet, Jacques Grello, René-Louis Lafforgue, Victor Laville, Paul Misraki, Pierre Pascal, Jacques Pills, Roger Riffard, Pierre-Jean-Vaillard et André Vers. Pierre Pascal y chanta le premier couplet de La mala reputación accompagné par le sétois moustachu à la guitare. Pour la revue Les Amis de Georges, il raconte une anecdote sur l’émission:
Pierre Pascal: "(…) À l’époque, le stationnement était unilatéral pendant quinze jours, c’est-à-dire que le quatorze du mois à minuit, il fallait changer sa voiture de trottoir sous peine d’amende. [Sur le plateau] il ajoute brusquement: "Et maintenant excusez-moi mais il faut que j’aille déplacer ma jeep." Spade était affolé, tout ça se passait à l’antenne: "Restez, monsieur Brassens, on va arranger ça avec le service d’ordre." Rien à faire, Georges l’a quand même planté là: "Plutôt que de devoir quelque chose à un flic, je préfère perdre ma chemise." Et Henri Spade a enchaîné avec l’orchestre en attendant son retour." [Pascal P. - Brassens en espagnol - Les Amis de Georges N°49, mai-juin 1999]
Les autres chansons chantées furent Brave Margot, La marche nuptiale, Le bateau de pêche (Paul Misraki), Une charade (Paul Misraki), Le vin, La cane de Jeanne et Le testament.
Les traductions de Pierre Pascal, qui parviennent à restituer la complexité du vocabulaire de Brassens, sont aujourd'hui encore des références dans le monde hispanophone en ce qu’elles respectent la métrique des vers, les rimes, la sémantique et l’interprétation de chaque chanson. Ces quatre axes essentiels furent développés tout récemment par Dimitris Bogdis au cours de son intervention dans le cadre du colloque international Brassens traduit. Dialogues en chansons, organisé par Mirella Conenna (Université Aldo Moro de Bari), Stella Manet (ENS-PSL) et Anne-Marie Paillet (ENS-PSL) le 06/11/2021 à l'École normale supérieure (Paris 5e). Dans un article de la revue Les Amis de Georges N°70 et dont le titre est Ma traduction de Brassens en Espagnol, Pierre Pascal aborde différents points de réflexion intéressants liés à son travail sur La mala reputación et El testamento.
Outre les trois chansons qui constituent le principal sujet abordé ici, d’autres furent adaptées par Pascal. Et c’est Paco Ibáñez qui les créa le premier. Il faut remonter à 1954 pour connaître le début de l’histoire, qu’il raconte à Fred Hidalgo pour Chorus – Les cahiers de la chanson.
Paco Ibáñez: "(…) je travaillais au quartier latin, j’accompagnais des chanteurs à la guitare et je faisais parfois une seconde voix, et quelqu’un – qui pensait que cela pouvait m’intéresser – est venu me montrer les traductions en espagnol qu’il avait faites d’une dizaine de chansons de Brassens: c’était Pierre Pascal. Je les ai chantées et, alors que je n’avais pas encore découvert la profondeur de Brassens en français, je l’ai captée en espagnol…" [Hidalgo F. - Paco Ibañez: "Tiens, voilà les espagnols" - Chorus – Les cahiers de la chanson N°17, automne 1996]
L’idée de la création d’un disque alla mûrir progressivement chez le chanteur et guitariste. Auparavant, Georges Brassens et lui firent connaissance par l’entremise de Pierre Pascal à l’Olympia en octobre-novembre 1958, période durant laquelle l’auteur-compositeur du Gorille y fut programmé. Lors de cette rencontre majeure, dans la loge de ce dernier, Paco se mit à lui chanter quelques-unes de ses chansons traduites en espagnol. Georges se montra enthousiaste: "Tiens, ça chante !" [Vassal J. et Robine M. - Paco Ibáñez: "Il swinguait bien !" - Paroles et Musique N°41, juin-juillet-août 1984] Depuis, chaque fois qu’il passa dans une grande salle parisienne, Paco et son frère Rogelio vinrent le voir et le saluer. "Tiens, voilà les espagnols !", dit-il alors amicalement. Cela leur donna l’occasion d’apprécier aussi le talent de compositeur mais aussi d’interprète d’un Brassens tout particulièrement imprégné de jazz.
La mala reputación eut une importance particulière dans la carrière artistique et la discographie de Paco Ibáñez. Notamment lors du concert historique du 04/12/1968 au Teatro de la Comedia, organisé par le producteur Moshe Naïm (qui découvrit Paco en 1958 à Paris au bar latino L’Escale, où celui-ci se produisait) et Manuel Sancho, directeur général du label Sonoplay pour la promotion de l’album Poesia Española De Ahora Y De Siempre (Moshé-Naïm – M - 26.011). Le choix de l’ordre des chansons fut volontairement modéré en première partie, à l’exception de la fameuse chanson de Georges Brassens (à noter que Pobre Martín fut également interprétée), que le public, admiratif, applaudit vivement tout en l’écoutant, jusqu’à l’interrompre à trois reprises.
Durant l’entracte, Moshe Naïm dut faire face aux vives protestations du directeur du théâtre. La Guardia civil arriva dans la salle. Parmi les spectateurs, les poètes Blas de Otero et Gabriel Celaya échangèrent discrètement sur l’extraordinaire de ce concert et ses répercussions à venir. Qui plus est du fait de sa diffusion en direct et en intégralité par Radio Madrid. Suite à l’évènement, cette dernière fut fermée durant deux semaines, tandis que Paco Ibáñez se vit interdire de remonter sur scène en Espagne durant des années et dut même s’exiler à partir de 1971. Une édition en CD, Le concert historique de Paco Ibañez au Teatro de la Comedia (Madrid 1968), fit son apparition dans les bacs français en 2002 sous la référence Emen MN 43021, dans la série Les uns par les autres (cette dernière fut créée par Moshe Naïm, par ailleurs rédacteur du livret accompagnant le disque). Un autre concert mémorable de Paco fut celui sis dans la cour de la Sorbonne le 12/05/1969, commémorant l’anniversaire des évènements de mai 1968 et faisant du chanteur et guitariste un symbole de la lutte des étudiants. La mala reputación fut à l’honneur en France le 02/12/1969 à l’Olympia de Paris. Le double 33T Paco Ibáñez à L'Olympia (Moshé-Naïm MN 10 007/08), arrivé dans les bacs en 1970, en est le témoignage.
Dans les mêmes temps, Paco se produisit sous le chapiteau des Tréteaux de France de Jean Danet, aux anciennes Halles de Paris, dans le cadre du Festival de la Chanson ibérique. Les représentations eurent lieu 16 et 21/06/1970, avec également Luís Cília (traducteur de chansons de Brassens en portugais), Jose Menese et Xavier Ribalta. Pour l’anecdote, Paco Ibáñez fit monter sur scène Georges Brassens, venu en spectateur à l’une des représentations. Le quotidien Le Monde relaya cet évènement culturel à plusieurs reprises, à commencer par une annonce dans le numéro du 13/06/1970.
Parmi les autres récitals importants de Paco, citons ceux du Palais des Sports les 01, 02 et 03/06/1971, ainsi que celui du Teatro Ópera de Buenos Aires le 09/08/1971, faisant partie du programme d’une première tournée en Amérique Latine. Pour l’anecdote, on peut également évoquer le récital du 26/01/1973 au Théâtre d'Agen (47), organisé à l’initiative de Pierre Schuller, à l’époque conseiller municipal délégué à la culture. Un succès record marqua cette soirée, la salle étant pleine au point que des spectateurs prirent place dans la fosse d'orchestre et même sur la scène, assis en demi-cercle autour de l’artiste. Le quotidien Le Petit Bleu de Lot-et-Garonne du 27/01/1973 s’en fit l’écho dans un article signé N. L. et intitulé Salle comble hier soir au Théâtre pour le récital de Paco Ibáñez.
Et c’est six ans plus tard que le 33T Paco Ibáñez – Canta A Brassens (Ariola 200.708-1) vit le jour, tout d’abord en Espagne en 1979, puis en France l’année suivante: Paco Ibáñez – Chante Brassens En Castillan (Polydor 2393 261). Les chansons figurant sur l’album enregistré sous la houlette de Philippe et Madeleine Beaucamp sont: Saturno (Saturne), Canción para un Maño (Chanson Pour L'Auvergnat), La mala reputación (La mauvaise réputation), Juan "Lanas" (Bonhomme), Tengo cita con usted (J'ai rendez-vous avec vous), Por una muñeca me hice chiquitín (Je me suis fait tout petit), Pobre Martín (Pauvre Martin), La bella y el manantial (Dans l'eau de la claire fontaine), La pata de Juana (La cane de Jeanne) et El testamento (Le testament).
À l’écoute, notre oreille capte de suite le jeu de guitare de Paco ainsi que les arrangements de Jean-Luc Maréchal et Maximiliano Ibáñez, prolongeant la pompe de Brassens qui prend une très belle couleur hispanique. Sans oublier le travail de François Rabbath sur les lignes de contrebasse. En ce qui concerne les paroles, une attention particulière nous permet de discerner parfois quelques variations, par rapport aux adaptations de Pierre Pascal. Ceci grâce à deux poètes et écrivains qui ont apporté leur savoir et leur talent d’écriture : José Manuel Caballero Bonald (1926-2021) et José Agustín Goytisolo (1928-1999), également traducteur. Après avoir longuement travaillé les dix chansons dans leur version castillane, Paco les chanta tout d’abord à Georges Brassens chez lui, rue Santos-Dumont. Il se souvient.
Paco Ibáñez: "Il y a une photo, que mon frère Rogelio a pris ce jour-là, lorsque je chante Le testament, où tu vois dans le regard de Brassens comme un étonnement. J’ai eu l’impression qu’il découvrait la profondeur de sa propre chanson: le fait de l’entendre en espagnol, de lui avoir donné une couleur un peu plus dramatique…" [Hidalgo F. - Paco Ibáñez: "Tiens, voilà les espagnols !" - Chorus – Les cahiers de la chanson N°17, automne 1996]
Si aucun des clichés de cette série datée de 1978 ne fut choisi pour illustrer la pochette du 33T original (dont le recto et le verso de la mouture espagnole arborent deux dessins de Toni Gayán, réalisés à partir des photos qui les remplacent sur l’édition française), il est possible de les voir sur le livret de l’édition CD (A flor de tiempo 018 976-2) du 21/10/2002 ainsi que dans l’article dont le titre est Paco Ibáñez, station Châtelet - Le héraut du cercle des poètes disparus, publié par Fred Hidalgo sur son blog Si ça vous chante.
Il n’est pas incongru de penser que les deux adaptations enregistrées par Brassens en janvier 1956 mais restées dans les archives de Philips (si toutefois elles furent achevées) puissent figurer parmi celles choisies par Paco Ibáñez. Sans compter d’autres chansons que celui-ci eut suggéré à Pierre Pascal de traduire – comme La marche nuptiale (La marcha nupcial) – mais n’eut finalement pas mises en boîte. Jacques Muñoz, en revanche, l’enregistra, ainsi que Le parapluie (El paraguas) pour son album Les bacchantes produit par l’association Auprès de son Arbre. Quoi qu’il en soit, lors de ses récitals, Paco chanta toujours Brassens en plus des grands poètes espagnols ou latino-américains du XXe siècle auxquels son œuvre est étroitement liée. Suite à la parution du disque Paco Ibáñez – Chante Brassens En Castillan, il chanta La mala reputación dans l’émission radiophonique de Jacques Martin ShowTime (Europe 1, 31/10/1979).
Paco Ibáñez: "Des années plus tard, un ami madrilène, de retour d’un voyage à Paris, m’a appelé pour me dire: "Tu sais, j’ai entendu une de tes chansons traduites en français…" C’était Pauvre Martin chantée par Brassens ! C’était le meilleur compliment, évidemment involontaire, qu’on pouvait faire à Pascal comme traducteur: il avait réussi à faire en sorte que l’on pense que son adaptation était la version originale ! "Pobre Martin pobre miseria ! Cava la tierra sin descansar…" [Hidalgo F. - Paco Ibáñez: "Tiens, voilà les espagnols !" - Chorus – Les cahiers de la chanson N°17, automne 1996]
Pierre Pascal qui, dès les années 1970, écrivit des chansons en provençal, qu'il chanta, s'accompagnant à la guitare, essentiellement en Occitanie lors de nombreux concerts. Pour son album Lei cansoun de Pascau (1982), il s'entoura de Juan Cedrón et Paco Ibáñez (guitares et voix), Pierre Nicolas (contrebasse) et César Stroscio (bandonéon). On trouve, parmi les quatorze chansons de ce disque, la très belle L'Arlatano ainsi qu’un superbe hommage à Brassens: L'ami.
Après avoir fait ses adieux à la scène en 1998, lors d'une série de concerts en Provence avec son fils, Louis Lucien Pascal, à la guitare, Pierre poursuivit ses travaux de traducteur durant la première moitié des années 1990 en collaborant avec Charles Aznavour dans le cadre de l’élaboration de l’album Cuando estás junto a mí (EMI Music – 7243 8 53646 2 4) à destination du marché sud-américain. En 1996, année de publication du disque précédemment cité, Paco Ibáñez monta sur la scène du Palau de la Música Catalana de Barcelone. Ayant accordé en amont du concert un entretien pour Chorus – Les cahiers de la chanson, il annonça au public: "Parmi vous, ce soir, il y a des amis français de la revue Chorus qui sont venus me demander de leur parler de Brassens. Nous allons faire mieux: nous allons leur montrer combien on aime Brassens en Catalogne…" Puis il chanta La mala reputación et Pobre Martin, reprises spontanément en chœur par le public.
Paco, qui retrouva son pays en 1990, vit à Barcelone depuis 1994. Les passionnés de l’œuvre de Georges Brassens purent le revoir en vedette lors du 10e Festival Brassens à Chirens de Charavines en 2005, où il retrouva Pierre Pascal, lui aussi présent. Tous deux se remémorèrent leurs souvenirs du sétois moustachu que Paco compare à Jean-Sébastien Bach. Il est à jamais celui qui, avec Atahualpa Yupanqui et Violeta Parra, lui enseigna que la chanson, à l’image de la poésie, pouvait être "une arme chargée de futur", clin d’œil à Gabriel Celaya et son célèbre poème issu du recueil Cantos iberos (1955). Grâce à Paco Ibáñez – parrain des récentes 34es Journées Georges Brassens de Paris – et à Pierre Pascal, les chansons de Georges sont connues dans tout le monde hispanophone, de l'Espagne au Chili, en passant par l'Argentine et le Mexique. Joaquín Carbonell, Catalina Claro, Eva Dénia, Marc García, Sole Giménez, Ángel Parra, Eduardo Peralta, Miquel Pujadó et bien d’autres en sont les passeurs.
Escuchar sin moderación. Espléndido !
Très bel article, très complet, Bravo ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas écouté Paco reprenant Brassens, je crois que la journée va prendre une tournure Castillane... Merci
RépondreSupprimerBonsoir, merci beaucoup !
SupprimerMeilleurs vœux à vous.
Formidable Brassens !!! Je connaissais mais avec l'Accent je ne m' en lasse pas! BRAVO
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