"On m’a dit : qu’est-ce qu’il fait Brassens pour le Larzac ? Mais je me suis déjà engagé pour le Larzac, j’ai pris position contre les chars d’assaut et pour les moutons le jour où j’ai écrit Pauvre Martin, nom de Dieu !"
Ces propos, tenus par le sétois moustachu à Philippe Némo lors de la première partie du célèbre entretien intitulé Georges Brassens ou l'amour de la musique et de la langue française, enregistré rue Santos-Dumont le 09/01/1979 et diffusé le 17/01/1979 dans la cadre de l’émission Les samedis de France Culture, font référence à la Lutte du Larzac (Luta del Larzac en occitan), mouvement de désobéissance civile non violente contre l'extension du camp militaire sur le causse du Larzac. L’opposition a débuté le 06/11/1971, pour se terminer le 10/05/1981, se soldant par l'abandon du projet sur décision de François Mitterrand, lors de son élection à la présidence de la République française.
C’est en 1943 à Basdorf, que débuta l’histoire de la création de Martin s’en va trimer aux champs, titre premier de cette balade sobre, au rythme saccadée sur paysage d’automne, dans un premier temps sans doute inspirée à Brassens par le STO. René Iskin, qui fut le premier à la découvrir, témoigne dans son ouvrage Dans un Camp : Basdorf 1943 - Georges Brassens et moi avions 22 ans... (2005).
René Iskin: "Il a fait Pauvre Martin un dimanche de l’été 43. Moi, le dimanche, je n’étais jamais là, j’allais jouer au football. Et il m’a dit: "Reste là, je finis une chanson." Et il m’a empêché d’aller jouer au football ! Et il me l’a chantée, la mélodie, la bouche fermée (…)"
Brassens continua cependant à travailler sa chanson jusqu’ à la Noël, la dévoilant également à André Larue en la chantant dans les toilettes de la Bramo où les travailleurs réquisitionnés se réunissaient afin de se soustraire le plus possible du quotidien à l’usine. Martin s’en va trimer aux champs est composée de onze sizains – en comptant le premier réitéré à la fin – en octosyllabes avec des rimes mêlées. En effet, les rimes féminines alternent avec les rimes masculines. Une particularité toutefois: chaque sizain comporte un vers qui ne rime pas avec les autres. Cela donne un schéma en ABCBAB, que l’on peut découvrir grâce à André Larue qui a publié un fac-similé du texte intégral dans Brassens, une vie (1982). Voici les deux premières strophes, illustrant la structure de l’œuvre:
Avec une pioche à l’épaule,
Avec à la lèvre un doux chant,
Martin s’en va plein de courage,
Martin s’en va trimer aux champs.
Avec une pioche à l’épaule,
Avec à la lèvre un doux chant,
Martin s’en va plein de courage,
Martin s’en va trimer aux champs.
Pour gagner la vie de sa belle,
De l’aurore jusqu’au couchant,
Martin s’en va plein de courage,
Martin s’en va trimer aux champs.
On remarque également qu’il n’y a pas de refrain, mais des répétitions croisées d’une strophe à l’autre (les vers 1 et 2 sont repris intégralement en 5 et 6, tandis que les vers 3 et 4 deviennent systématiquement les vers 1 et 2 de la strophe suivante), donnant un ton grave et une certaine charge émotionnelle à l’ensemble. Il s’agit là de l’une des premières chansons qui marquent un changement de style chez Brassens, dont les écrits de jeunesse étaient jusqu’alors empreints de ceux de Charles Trenet. Cette évolution se poursuivit après que Georges eut quitté l’Allemagne et jusqu’à ses débuts sur scène. En ce qui concerne plus particulièrement Martin s’en va trimer aux champs, le texte connut des modifications progressives. Les nombreuses lectures du sétois moustachu y contribuèrent, mais aussi une remarque d’André Larue qui fit une objection au premier vers. La discussion qui s’en suivit est retranscrite dans Brassens ou la mauvaise herbe (1970):
André Larue: "Ton Martin, c’est un paysan. Ce n’est pas avec une pioche qu’on travaille aux champs. Mais avec une bêche."
Georges Brassens: "Tu n’y connais rien. Une bêche est un outil qui sert à remuer la terre, une pioche est un instrument destiné au même usage. Et puis c’est normal que Martin parte avec une pioche puisqu’il creusera lui-même sa tombe à la fin de sa vie. Donc il s’entraine…"
André Larue: "Peut-être, mais essaie de déterrer des pommes de terre ou de retourner un champ avec une pioche…"
Georges Brassens: "Je m’en fous. Il y a entre le o de pioche et le au d’épaule une contre-harmonie imitative que je te plains de ne pas remarquer…"
Cette réflexion resta à n’en pas douter dans la mémoire de Brassens qui reprit finalement l’idée de son ami. Remaniant son texte, toujours octosyllabes, il le réduisit à cinq quatrains toujours avec une alternance entre rimes féminines et masculines, le second vers étant bissé:
Avec une bêche à l’épaule,
Avec à la lèvre un doux chant,
Avec à l’âme un grand courage,
Il s’en allait trimer aux champs !
L’octosyllabe, très prisé par Georges dans les chansons de ses premiers disques, est le vers de prédilection de François Villon dans son Lais (1457) et son Testament (1461). Un rapprochement peut également se faire sur le fond: marquant son intérêt certain pour la culture médiévale, Brassens aime à traiter les thèmes poétiques qui en sont hérités, tout comme le "poète maudit" qui les connaissait parfaitement et les animait de sa propre personnalité. On retrouve cela en partie dans Martin s’en va trimer aux champs, devenue simplement Pauvre Martin. Le sujet de la mort y est exceptionnellement traité sérieusement et non avec humour. Le choix de célébrer un personnage pauvre et anonyme (aspect mis en avant par l’utilisation du prénom Martin, très répandu en France mais aussi dans d’autres pays) dans sa dimension archétypale est également un point commun entre les deux auteurs.
On peut noter que la concision qui caractérise la mouture définitive de Pauvre Martin renforce l’impact de cette ballade triste et mélancolique et révèle un art de la coupe dont Brassens fera montre dans l’élaboration de bien d’autres chansons. Parmi les vers qui ont été supprimés, citons Pour gagner la vie de sa belle (devenu Pour gagner le pain de sa vie), Sous le lourd soleil desséchant ou Son destin sans honneur ni gloire. Le texte devient alors à la fois plus pudique, plus suggestif et plus poignant. Ce que nous fait également ressentir le remplacement du vers Il vivra sous le joug d’un maître par Il retournait le champ des autres, permettant de passer – concept très apprécié par Brassens – de la brutale dénonciation individuelle à une généralité plus éloquente encore. [Sallée A., 1991. Brassens - p. 46] L’idée qui se dégage ici, à savoir celle de l’exploitation de l’homme par l’homme, inspira René Fallet dans ses notes de pochette: "Ce n’est pas une pitié de bonne compagnie, celle qu’inspire le malheureux "Pauvre Martin". Cette commisération grince fortement les dents. Dans cette chanson essentielle, l’art de Brassens est tout en demi-teintes. En discrétion. Mais d’une efficacité, d’une percussion inégalées. Un seul vers souligne le propos: "Il retournait le champ des autres". Sans épiloguer, sans citer de personnes ou de pays, nous tenons "Pauvre Martin" pour la seule chanson révolutionnaire de l’après-guerre. C’est assez dire son importance." Dans Brassens, homme libre (2011), Jacques Vassal note toutefois un manque de nuance du propos, ce que tendra à montrer la suite de cet article.
Autre changement notoire, les répétitions croisées d’un couplet à l’autre ne sont plus utilisées et sont remplacées par un refrain qui donne toute sa force et son rythme à la chanson.
Pauvre Martin, pauvre misère,
Creuse la terr’, creuse le temps !
On rencontrera de nouveau le premier vers dans Bicentenaire, chanson de Jean Ferrat parue en 1991 et incluse à l'album Dans la jungle ou dans le zoo. L’un des personnages de l’univers créé ici par l’auteur-compositeur de La montagne est un miséreux appelé "Pauvre Martin", en référence à celui de Georges.
Quant au second vers, il pourrait renvoyer à locution La musique creuse le ciel, employée par Charles Baudelaire dans Fusées (1851), que Brassens avait plus que probablement lu. De plus, il constitue la marque explicite autant que métaphorique d’un travail sur le temps au fil de l’écriture de la chanson par le sétois moustachu. En effet, dans la première version, la narration début au présent et se termine au futur. Dans la seconde et définitive, elle commence à l’imparfait, se poursuit au passé composé, puis se conclut au passé simple. Apparaît alors la notion de chronique, qui caractérise l’histoire de Martin.
La structure des deux dernières strophes rappelle l’exercice de style auquel Georges s’était adonné au départ, puisque celles-ci sont liées par la répétition des deux vers suivants:
Il creusa lui-même sa tombe
En faisant vite, en se cachant
La discrétion, trait de caractère majeur du protagoniste, est ici portée à son paroxysme, au même titre que l’intensité dramatique de l’histoire qui, selon Salvador Juan, qui tient surtout à la scène de genre sur la pauvreté de la condition paysanne, plus généralement celle des classes populaires tellement misérables qu’elles doivent creuser leur propre tombe, ce qu’elles font par leur travail même. [Juan S., 2017. Sociologie d'un génie de la poésie chantée: Brassens - p. 40]
Martin est résigné, il accepte la rudesse de son destin, sans implorer la pitié ou l’assistance, ni proférer menace. Ainsi en est-il d’autres personnages de l’univers brassénien comme la vieille de Bonhomme, qui va ramasser Le bois mort de ses doigts gourds pour réchauffer son infidèle de mari. En outre, il est intéressant d’établir un lien avec Le petit cheval de Paul Fort:
Mais toujours il était content
Menant les gars du village
À travers la pluie noire des champs
De son côté, Martin – qui, à l’instar de Brassens lui-même, ne se montre pas révolté ni vindicatif – s’en va s’acquitter de sa tâche Avec à la lèvre un doux chant et En tous les lieux, par tous les temps. Surtout, il le fait…
Sans laisser voir sur son visage
Ni l’air jaloux ni l’air méchant,
Des vers qui font ressortir toute la densité émotionnelle de la chanson. Dans son éditorial de la revue Les Amis de Georges, Jean-Paul Sermonte fait un parallèle intéressant avec les quatre derniers vers de La mort du loup, poème en alexandrins publié en 1843 dans la Revue des Deux Mondes par Alfred de Vigny, dans un contexte de souffrance et de solitude après avoir perdu sa mère. L’œuvre décrit une chasse nocturne qui s'achève par la mort héroïque et empreinte de sens du mâle d'une famille de loups. L'objectif de Vigny étant de se servir de l'image du loup comme exemple pour l'humanité.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
Dans la chanson de Brassens, Martin sait qu’il n’échappera pas à la mort, il est impuissant contre elle et c’est pourquoi il l’accepte (les huitième et neuvième strophes de la version première [Larue A., 1982. Brassens, une vie - p. 30], par la suite supprimées, traduisent de manière très explicite). Elle représente la libération qui le soulagera de la vie. À l’inverse du fossoyeur de la chanson éponyme qui, lui, la considère comme une injustice. Il doit gagner sa vie grâce à la mort des autres, situation absurde pour lui puisqu’il aime la vie:
Je ne souhait’ jamais la mort des gens ;
Cette réflexion est menée par Hana Veselá dans sa thèse intitulée Le thème de la mort dans l’œuvre de Georges Brassens, soutenue en 2008. De même, elle souligne l’effacement de Martin dans ses derniers instants, traduit par les deux derniers vers du cinquième quatrain:
Et s’y étendit sans rien dire
Pour ne pas déranger les gens…
Ici transparaît un des soucis majeurs de Georges, à savoir vivre dans la tranquillité tout en respectant celle de son prochain. Sur le site Analyse Brassens, Daniel Bacconnet fait un rapprochement avec la dernière strophe de Don Juan qui débute par ces vers bien connus:
Gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint,
Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins !
Enfin, le dernier refrain de Pauvre Martin constitue un très beau retournement: le temps de la "lutte" avec la terre laisse la place à celui du repos sous la terre.
Pauvre Martin, pauvre misère,
Dors sous la terr’, dors sous le temps !
La terre que "creuse" Martin devient celle où il "dort". Agnès Tytgat met en exergue et commente cette symbolique de repos: (...) retour dans la tiédeur d’un ventre maternel qui sait apaiser et donner l’oubli. Lieu féminin de germination et de promesse de vie, la terre où jaillit la végétation et où sommeillent les chrysalides recueille le mort comme en un ultime berceau où, dans la quiétude des profondeurs invisibles, peut s’élaborer une survie, une re-naissance. [Tytgat A., 2004. L’univers symbolique de Georges Brassens - p. 82] À cela, on peut ajouter que l'idée d'être enterré dans le temps sera de nouveau exprimé par Brassens dans le sixième et dernier huitain du Testament, que cite Francois Arleo le site Analyse Brassens.
J'ai quitté la vi’ sans rancune,
J'aurai plus jamais mal aux dents :
Me v'là dans la fosse commune,
La fosse commune du temps.
Déposée en 1953, Pauvre Martin connut son premier enregistrement le 01/10/1953, au studio Apollo, de 18H à 20H15. Georges Brassens est accompagné du fidèle Pierre Nicolas à la contrebasse. La séance, durant laquelle Pierre Fatosme et Jean Bonzon assurent la prise de son, est supervisée par Jacques Canetti et André Tavernier. Sur les deux prises réalisées, la seconde fut sélectionnée pour être incluse sur le 78T Polydor 560.478 avec Brave Margot et Comme hier. La parution intervint en octobre 1953. On retrouve ce même enregistrement sur le super 45T Polydor 576.012 ainsi que son successeur Philips 432.066 NE/BE.
À l’écoute, on se rend compte que la mélodie possède deux particularités. Tout d’abord, comme l’indiquent Rémi Jacobs et Jacques Lanfranchi dans Brassens, les trompettes de la renommée (2011), elle débute par une anacrouse, c’est-à-dire une série de notes qui précédent le premier temps (temps fort) de la première mesure. Également, un silence d’approximativement deux secondes s’inscrit juste avant le dernier refrain. De très nombreux interprètes le marquent respectueusement. Pourtant, comme Joel Favreau nous le révèle dans Quelques notes avec Brassens (2017), il n’était pas voulu à l’origine !
Joel Favreau: "En fait il s’agissait (c’est Pierre Nicolas lui-même qui me l’a raconté) d’une erreur de manipulation d’un technicien, qui a effacé ses trois notes de contrebasse dans cette partie de la chanson. Ce n’était, lui a-t-on dit, pas rattrapable avec les techniques de l’époque, et l’enregistrement a été publié tel quel."
Une seconde session d’enregistrement fut programmée pour Pauvre Martin ainsi que P… de toi le 15/01/1954 au studio Apollo, de 19H à 20H15, sous la houlette de Pierre Fatosme. Elle remplace celle qui eut lieu à l’origine le 28/09/1953 et durant laquelle une prise de chacun des deux mêmes tires avaient été mises en boîte, mais finalement refusées. Cette fois fut la bonne. Sur les deux nouvelles prises de Pauvre Martin, on choisit la première, sur laquelle on effectua un montage du dernier refrain de la seconde. Cette manipulation fut prévue par l’inscription de la mention 'Dernier refrain à monter sur la 1' sur la feuille d’enregistrement correspondante. [Sermonte J.-P. - L'œuvre discographique de Georges Brassens - p. 28] Cela peut-il expliquer que l’on retrouve le fameux silence juste avant le dernier refrain ? D’autre part, cette version alternative, destinée au 33T 25 cm Georges Brassens interprète ses dernières compositions - 2e Série (Polydor 530.024) ainsi que sa réédition Philips N 76.062 R, se distingue également par une introduction guitaristique ainsi qu’un tempo légèrement plus rapide.
À ce sujet, Bertrand Dicale remarque que le chant de Brassens est plus rapide que celui de la plupart des autres artistes reprenant Pauvre Martin. Il explique dans Brassens ? (2011) que, moins disert et expansif dans l’expression des émotions en tant qu’interprète qu’en tant qu’auteur-compositeur, le sétois moustachu estima probablement que ne pas chanter trop lentement de telles paroles évite de surcharger émotionnellement l’ensemble, le texte se suffisant à lui-même. Par ailleurs, Pierre Nicolas nous apporte des précisions techniques au cours de l’émission Georges Brassens "Inédits", réalisée par André Flédérick et diffusée sur Antenne 2 en octobre 1982. Accompagnant Jean Bertola qui interprète neuf chansons inédites, il se lance, à la demande de Jacques Chancel, dans un intermède technique qui nous permet d’en apprendre plus sur l’interprétation de Brassens. Pour illustrer son discours, il exécute de courtes démonstrations avec Joel Favreau. Ainsi, en prenant l’exemple de Pauvre Martin:
Pierre Nicolas: "Il y a un trois pour deux. Techniquement, c’est un trois pour deux. C’est-à-dire qu’il chante à deux temps, il s’accompagne à trois temps… (…) On le retrouve d’ailleurs dans la musique sud-américaine. (…) Personne ne s’est jamais aperçu qu’il chantait deux notes pour trois ! Et c’est cela qui fait, en fin de compte, la spécialité de Brassens. Entre autre."
Dans la presse écrite, Pauvre Martin fut bien entendu évoquée, en particulier dans deux articles parus dans les mois qui suivirent la sortie du second 33T 25 cm de Georges Brassens: Robert Beauvais vous propose des chansons de genre, dans Arts et Spectacle en date du 04/08/1954 et Georges Brassens sans voix et sans guitare, signé Le Breton Grandmaison pour Combat du 06/08/1954. On notera que Robert Beauvais reprend la première strophe ainsi que le refrain avec quelques erreurs:
Avec une bêche à l’épaule
Avec aux lèvres un doux chant,
Avec à l’âme un grand courage
Il s’en allait trimer au champ
Pauvre Martin, Pauvre misère,
Herse la terre, creuse le temps. (sic)
Pauvre Martin fut la première chanson qui interpela Paco Ibáñez lorsqu’il découvrit l’œuvre de Brassens aux alentours de cette même époque et en approfondit sa connaissance grâce à Pierre Pascal. Il l’enregistra pour son 33T Paco Ibáñez – Canta A Brassens (Ariola 200.708-1).
Paco Ibáñez: "(…) C’est en espagnol que j’ai senti la profondeur de cette chanson et, plus tard, plus je comprenais le français, plus je me rendais compte qu’elle avait de l’envergure, un poids…" [Vassal J. et Robine M. - Paco Ibáñez: "Il swinguait bien !" - Paroles et Musique N°41, juin-juillet-août 1984]
Avec le recul, Brassens rediscuta sa chanson et la portée qu’elle eut au fil du temps. À Éric Battista, il fit ce commentaire, avec un brin de malice :
Georges Brassens: "Aujourd’hui, Martin serait au syndicat des travailleurs agricoles, protégé par les lois sociales. Les travaux des champs se font avec des engins mécaniques : on laisse la bêche au jardinier. J’ai noirci le sujet. J’ai souhaité rendre hommage, ériger une modeste stèle à ce travail sans attrait, fastidieux, recommencé sans fin et qui te met au rang de la machine. C’est tout l’opposé de celui de l’artiste, du créateur, de l’inventeur ; même celui de l’artisan qu’on complimente pour une belle ouvrage. À mon sens, la culture de la terre ne le cède pointe en vertu ni en mérite à celle des Beaux-Arts et des Belles-Lettres.
J’ai voulu convaincre de cette vérité un jeune réfractaire qui tendait la main plutôt que de s’avilir à un quelconque boulot: "Tu dis te satisfaire pour vivre d’une salade et d’un bout de pain ? Louable sobriété d’anachorète. Il a bien fallu que deux cons se lèvent au petit jour pour arroser cette laitue et cuire ce quignon de pain, et te faire vivre une journée de plus !" [Battista É. - Georges Brassens – Souvenirs, entretiens, ressouvenirs intimes - pp. 329-330]
Extrait de Georges Brassens dit les textes de ses chansons
Comme il vous plaira - Monsieur Jean Vilar: Rencontre avec Georges Brassens (France Culture, 02/05/1965) - Production: Pierre Cazanne
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