Nous sommes au tout début des années 1960, à Vaudreuil-Dorion, ville québécoise située dans la MRC (Municipalité régionale de comté) de Vaudreuil-Soulanges dans la région de la Montérégie. À l’étage de sa fermette du 186, chemin de l’Anse, dans une pièce qu’il nomme son "grenier", Félix Leclerc est à sa table de travail et se concentre sur l'écriture, comme il le fait tous les matins. Quelques nouvelles chansons naissent, notamment Je cherche un abri, Chanson en russe et La vie, l'amour, la mort. La première figurera sur l'album Le roi heureux (Philips B 77.389 L) à venir dans les bacs en 1962, tandis que les deux autres paraîtront deux ans plus tard sur Félix Leclerc (Philips B.77.801 L). En parallèle, l’auteur de la pièce Le P’tit Bonheur, présentée par la compagnie de théâtre VLM au centre des loisirs de Vaudreuil et à l’auditorium du collège Bourget à Rigaud en 1948, peaufine Le Calepin d’un flâneur, un recueil dans lequel il compile des réflexions sur divers sujets, notamment la nature, la pauvreté ou encore son rapport au Québec. L’année 1960 est aussi, pour Félix Leclerc, celle d’un passage au célèbre cabaret-restaurant Chez Gérard qui va être le point de départ d’une histoire suscitant un grand intérêt auprès des passionnés de chanson francophone. L’agent artistique et restaurateur Gérard Thibault, propriétaire de l’établissement situé à Québec, rue Saint-Paul, face à la gare, en évoque ses souvenirs dans son ouvrage Chez Gérard (1988), coécrit avec Chantal Hébert.
Outre Jacques Canetti, Jacques Brel et Raymond Devos n’ont aucun mal à encourager leur ami à entreprendre ce périple, eux qui sont revenus enchantés d’une tournée les ayant amenés à se produire à la Comédie canadienne à Montréal du 13 au 19/03/1961. Le sétois moustachu, poussé par la curiosité malgré ses réticences lorsqu’il s’agit de voyager, accepte donc de s’engager dans cette aventure de plus de trois semaines, sous l’égide de Jacques-Gérard Productions Inc., société que Gérard Thibault a fondée en 1960 avec l’acteur et imprésario Jacques Lorain, lui permettant de maintenir la qualité et d’assurer la rentabilité des spectacles présentés dans son cabaret (ainsi que d’autres établissements qu’il possède) malgré l’augmentation des coûts. Il loue ainsi des salles à Montréal et en province pour pouvoir signer des contrats à long terme avec les vedettes. Au fil de vingt dates, Brassens se produira au Théâtre de la Comédie canadienne, à l’Université de Montréal pour un récital organisé par Stéphane Venne, Chez Gérard, sans oublier quelques jours en province ainsi que des passages radiophoniques et télévisés. Pour ces derniers, une rémunération de 3500 $ CA est budgétée.
Gérard Thibault: "En mai, un contrat fut signé pour un bon cachet (11500 $ CA, soit environ 8300 € actuels). Je devais, en plus, assumer le coût des billets d’avion de Brassens, Mme Heiman, sa secrétaire (sic) et Pierre Nicolas son contrebassiste, son accompagnateur (…) La venue de Brassens suscitait bien des controverses dans le public. J’étais préoccupé par l’incertitude de l’accueil que lui réserveraient les critiques et le public, quoi que l’ayant vu deux fois à Bobino et aux Trois Baudets, j’avais bien analysé la réaction possible de certains québécois. Puis finalement je fis confiance à la majorité de notre public qui était, me semblait-il, apte à accepter une certaine gauloiserie non coutumière sur nos scènes. Par ailleurs, de nombreux journalistes à qui j’avais annoncé la visite de Brassens au Canada m’avaient manifesté leur enthousiasme. Enfin, le contrat était signé: "l’ours" s’en venait et le public l’attendait."
Il est également important de souligner le contexte politico-économico-culturel de l’époque, chez nos cousins que l’on appelle encore "les Canadiens français". La Révolution tranquille, qui en est à ses prémices, va peu à peu imprimer des transformations à la société. L’idée de "nation québécoise" est appelée à s’imposer devant l’opinion mondiale. L'affirmation collective des francophones est le vecteur principal de ce tournant majeur. Aussi, la venue prochaine de Georges Brassens suscite un engouement non négligeable, comme le montre un article intitulé Georges Brassens à Montréal et paru dans La Presse le 16/09/1961 (soit six jours après la diffusion sur Radio-Canada de l’émission Terre Nouvelle animée par l'abbé Marcel Brisebois et qui propose des extraits de chansons de Jacques Brel et Georges Brassens). De ce sentiment découlera plus que probablement l’accueil chaleureux et enthousiaste qu’il recevra durant toute sa tournée dans la Belle Province la même année où Félix Leclerc est invité à signer le livre d'or de sa ville natale, La Tuque, par le maire Lucien Filion, un ancien camarade de classe.
Le 21/09/1961, l’émission radiophonique de Janine Paquet Métro Magazine, diffusée sur Radio-Canada Montréal, se fait le relais de l’arrivée de l’auteur-compositeur de La mauvaise réputation le lendemain. Pierre Onténiente ne fait pas partie du voyage mais, n’aimant pas prendre l’avion, il n’insiste pas auprès de Jacques Canetti. Dans Brassens, le regard de "Gibraltar" (2006), il expliquera à Jacques Vassal que Socrate n’avait pas voulu lui payer ses billets. Georges, qui regrettera par la suite l’absence de l’ami Gibraltar, voyage donc seul avec Püpchen – qu’il a fait passer pour sa secrétaire – et Pierre Nicolas. Lorsque, après une heure et demie de retard, il atterrit à l’aéroport de Dorval, aujourd’hui devenu aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal, quelques artistes sont présents pour l’accueillir et lui souhaiter la bienvenue: le comédien, humoriste et chanteur Jacques Desrosiers, Jacques Lorain et la comédienne, metteuse en scène, directrice de théâtre, scénariste et réalisatrice Denyse Filiatrault (qui sont en ce temps-là mari et femme) et, bien sûr, Félix Leclerc, venu à sa rencontre.
Arrivée de Georges Brassens à l’Aéroport de Dorval (21/09/1961) © Robert Millet. P179-Y-01-02-D006-P125 – Archives de la Ville de Montréal |
Entrevue de Georges Brassens et Félix Leclerc à l’aéroport de Dorval (21/09/1961) © Robert Millet. P179-Y-01-01-07-D016-P017 – Archives de la Ville de Montréal |
Les deux compères engagent une conversation
autour de la guitare, de leurs chansons et de François Villon. De
nombreux journalistes et photographes sont massés dans une des salles
d’attente de l’aérogare où quelques curieux sont de passage. Georges
apparaît fatigué – il est 3H du matin (donc le 22/09/1961), heure française – mais répond
volontiers aux questions qui lui sont posées. Dans son édition du
22/09/1961, le quotidien La Presse titre Brassens est arrivé. Jacques
Keable présente l’auteur-compositeur de Marinette, avant de retracer son
atterrissage sur le sol montréalais puis de donner quelques
informations sur la tournée qui se profile. Un entretien est diffusé
dans le cadre du numéro de Métro Magazine daté du même jour. À ce sujet,
il est intéressant d’écouter un extrait de celui accordé à Andréanne
Lafond pour la mouture télévisée de l'émission Carrefour et rediffusé
dans la capsule Félix Leclerc, à l’origine de la chanson d’auteur – "Brassens et la leçon de simplicité de Félix Leclerc" sur
ici.radio-canada.ca le 23/09/2014:
Ces
mots pourraient être complétés par la fameuse allocution de Félix
Leclerc "Pas de grimaces, voici mes chansons de vous à moi, en copains…" que Brassens aime citer. [Lamy J.-C., 2004. Brassens, le mécréant de
Dieu - p. 226] Il se souvient de Leclerc se présentant au public
accompagné uniquement de sa guitare, sans orchestre, une première en
France au tout début des années 1950. Ainsi, l’auteur-compositeur de
Moi, mes souliers est-il devenu une source d'influence pour lui comme
pour ses confrères Jacques Brel et Guy Béart, entre autres. À la Une de Radiomonde en date du 30/09/1961 figure une photo de Georges Brassens et
de Félix Leclerc en pleine conversation. Dessous, le court texte
suivant vient en commentaire: "Quand Georges Brassens est arrivé à
Montréal, le premier ami qu’il a embrassé fut Félix Leclerc, qui s’était
porté à sa rencontre. À qui voulait l’entendre, à l’aérogare, Brassens a
fait le commentaire suivant, en montrant Félix: "Voici l’homme qui,
en 1950, m’a ouvert le chemin. Il fut le premier, en Europe, à déchirer
la robe fleur-bleue de la chanson. À chanter vrai. Après qu’il fut
parti, j’ai pu démarrer…" Le compliment n’était pas mince."
Du
23/09 au 01/10/1961, le sétois moustachu est à Montréal et se produit au
Théâtre de la Comédie canadienne. Chaque spectacle est présenté par
Jacques Lorain. En première partie se succèdent Margot Lefebvre, Joël
Denis, les acrobates Willy et Jo puis les danseurs-mimes Benny et Judy. À
son entrée en scène, Brassens est longuement et chaleureusement
applaudi. La presse écrite se fait bien évidemment le relais de
l’évènement, avec deux articles élogieux sur la soirée du 24/09/1961 et
parus le lendemain: À la Comédie-Canadienne – Au music-hall: Georges Brassens, par Jean Béraud dans La Presse et À la Comédie-Canadienne, Georges Brassens, par Jean Basile dans Le Devoir. À noter que tous les
deux ne sont pas tendres avec les artistes de la première partie. Tandis
que, dans Le Nouveau Journal du 25/09/1961, Jean Paré met en avant la
connaissance que le public québécois a des chansons de Georges et que
Jean-Paul Filion lui dresse un portrait tout en images dans un article
de l’édition du 30/09/1961 et intitulé La tendresse du chêne, deux annonces paraissent dans La Presse du 30/09/1961 pour les derniers
spectacles montréalais ainsi que le récital à l’auditorium de
l’Université de Montréal, devant un public constitué uniquement
d’étudiants. Il est précisé que Brassens sera seul – avec, bien sûr,
Pïerre Nicolas – au programme. L’évènement, organisé sous le patronage
de l’Association générale des étudiants de l'Université de Montréal
(AGEUM), se tiendra le 04/10/1961.
Le jour de la dernière à la
Comédie canadienne, un autre portait signé Jean Laurac paraît dans Le Petit Journal: Propos de vedettes – "J’adore Félix… et vos sandwiches"
(Georges Brassens). On y découvre que le sétois moustachu, très heureux
de son séjour, a émis le souhait de revenir au Québec. Malheureusement,
cela ne se produira pas. Il nous restera toutefois de précieux enregistrements effectués à la Comédie canadienne et conservés durant cinquante ans, avant d’être redécouverts et publiés en 2011 grâce à
Martin Duchesne, directeur artistique de XXI-21 Productions, et aux
Archives Nationales du Québec (Fonds Gérard-Thibault), sans oublier la collaboration de Patrice Lozano. À l’écoute du
document en question, on prend un immense plaisir, en écoutant le
récital de Brassens, mais aussi ses apartés comme ce "Tu dérailles ce
soir [...]" adressé à Pierre Nicolas à la fin d’Hécatombe et que Pierre
Schuller (Auprès de son Arbre) évoque dans une interview pour le quotidien Le Devoir. Par ailleurs, lorsque Jacques Lorain clôture ce qui
pourrait être la dernière soirée (il n’a pas été possible de dater
précisément les enregistrements), il annonce que Les Compagnons de la
Chanson succèderont à Georges Brassens. Dans les notes qu’il a rédigées
pour le livret de l’album, Martin Duchesne nous fait part d’une anecdote
intéressante: "À Montréal, malgré un agenda accaparé par les
interviews radio, télé et journaux, on a voulu lui faire goûter
l'exotisme local et une expédition fut organisée à la réserve
amérindienne voisine de Caughnawaga [dont le nom actuel est Kahnawake
14] où un "pow-wow" était organisé au profit des touristes. Cette
soirée nous a laissé quelques photos inattendues." L’une d’elles est
incluse dans le livret qui accompagne le disque.
Le
02/10/1961, un entretien de Brassens avec Lizette Gervais est diffusé
sur Radio-Canada dans le cadre de l’émission des 25 ans de la station,
réalisée par Marcel Henri et Marc Perron. Le sétois y évoque entre autre
la réputation d’ours et d’enfant terrible qui lui a été faite dès le
début de sa carrière. S’en suivent trente minutes de tour de chant, avec
huit chansons: L'orage, Si le bon Dieu l'avait voulu, Les sabots
d'Hélène, Le bricoleur (avec Eddie Barclay et son orchestre), La chasse
aux papillons, Chanson pour l'Auvergnat, La cane de Jeanne et La
mauvaise réputation. Et c’est le même jour que Georges fait une
incursion hors du Québec pour aller chanter côté anglophone, à Ottawa,
où une réception "intime" est donnée en son honneur à l’Ambassade de
France. Le concert se tient, lui, au Glebe Collegiate Institute (GCI).
Dans le livret de l’album Georges Brassens - La Comédie-Canadienne -
Montréal 1961, Martin Duchesne y va de son commentaire.
Martin
Duchesne: "Il trouvait que la salle était bien grande, mais a vite
compris lorsque quelque temps après son arrivée, il vit entrer un
bataillon de diplomates, ministres, militaires, chargés d’affaires et
industriels de tous crins. Sa seule consolation fut de constater que ces
gens-là étaient heureux de faire la queue pour lui serrer la main et
d’annoncer d’un air complice: "J’aime beaucoup ce que vous faites" !"
On
notera par ailleurs que si Brassens se voit proposer de faire une
incursion à New York où avaient émigré plusieurs de ses ancêtres
italiens, il décline poliment l’invitation. Bien que Püpchen ait
volontiers visité The Big Apple, elle perçoit que les habitudes
casanières de son Georges sont bien ancrées en lui. De retour au Québec
le 03/10 pour chanter à Trois-Rivières, il donne son récital pour les
étudiants montréalais le lendemain. C’est peut-être à cette occasion
qu’il accorde une entrevue (publiée dans le N°105 de la revue Les Amis
de Georges (septembre-octobre 2008), il ne m’a pas été possible, à ce
jour, d’en retrouver la source initiale) à quelques étudiants admiratifs
et… bruyants, qui lui posent des questions parfois inattendues. Parmi
les sujets abordés: Félix Leclerc et les autres artistes québécois,
Jacques Brel et son œuvre, les rapports du sétois moustachu avec le
public des deux côtés de l’Atlantique, le thème de la femme dans ses
chansons, ses impressions sur le Québec et son envie d’y retourner un
jour. À noter que Pierre Nicolas est interrogé sur sa rencontre avec
celui qu’il surnommera le "Vieux". Une courte relâche s’en suit les
deux jours suivants. Félix Leclerc qui veille au bon déroulement de la
tournée, reçoit Georges chez lui, très amicalement, tandis que son
Calepin d’un flâneur, qui vient de paraître, fait l’objet d’un article
de Jacques Keable dans La Presse du 05/10/1961. Peut-être en parlent-ils
tous les deux au fil d’une conversation.
Du 07 au 14/10,
Brassens se produit Chez Gérard, équivalent des Trois Baudets à la Ville
de Québec, et que Gérard Thibault a ouvert le 06/11/1948. Le
restaurant, à l’époque nommé Chez Gérard – Soda Fountain, a connu une
rapide évolution grâce à des musiciens engagés pour créer une atmosphère
qui est devenue celle du café-concert parisien, du cabaret, dès lors
que l'accordéoniste Frédo Gardoni, la chanteuse Michèle Sandry et
l'animateur de radio Saint-Georges Côté ont rejoint l’équipe. Le lieu
s’est alors mué en une boîte à chansons très prisée dès janvier 1949
sous l'impulsion de Charles Trenet qui a offert de s'y produire pour un
cachet dérisoire après une visite inattendue. Il y a créé des chansons
telles que Dans les rues de Québec, Voyage au Canada, Le Coupeur de bois, Dans les pharmacies et plusieurs autres dont Mon cinéma muet,
qu’il a fait découvrir pour la première fois au public du célèbre
établissement de la rue Saint-Paul. Un peu plus de dix ans après le Fou
chantant, c’est Brassens qui y est chaleureusement applaudi.
L’animatrice de radio et écrivaine Georgette Lacroix, qui anime une
chronique à la station CHRC et reçoit à son micro les grandes vedettes
de l'heure de passage à Québec, revient sur l’évènement. Elle est citée
dans l’ouvrage Chez Gérard (1988).
Georgette Lacroix: "Le défi
de Gérard Thibault était de permettre au public d’associer un visage à
une voix. Mais les artistes qui ont fait les cabarets à l’époque, je
pense à Brel ou Brassens, étaient avant tout des poètes qui chantaient
et n’étaient pas toujours à l’aise devant un public. Cependant l’accueil
des québécois les mettait à l’aise. L’époque des cabarets, ça a été une
époque de poésie ; ça nous a révélé Vigneault, Brassens, Brel et les
autres."
La première soirée, celle du samedi 07/10/1061, est
commentée dans un article de La Presse du 10/10, signé R. D'A. Le titre
en est Celui qu’on attendait depuis 10 ans – Les Québécois conquis par Georges Brassens. De plus, Gérard Thibault nous fait partager ses
souvenirs du passage du troubadour sétois sur la scène dont il a forgé
la célébrité.
Gérard Thibault: "Lorsqu’André de Chavigny le
présenta, la foule qui remplissait la salle lui réserva une ovation
debout. Aussi, dès ce moment, toutes mes craintes se dissipèrent. Le
public voulait le voir et, même si on avait eu vent de ragots de temps à
autre avant son arrivée, on s’aperçut dès son entrée en scène quel
charisme il pouvait avoir sur l’auditoire (…) c’était un homme charmant
qui, guitare à la main, glissant un mot à son contrebassiste, Pierre
Nicolas, tournait un peu en rond pendant que les gens applaudissaient.
Puis il posa le pied droit sur la chaise et gratta sa boîte. Dans la
salle, personne ne respirait. Brassens, lui, regardait la salle, anxieux
et grattant toujours le même accord. Il se décida, et voilà La chasse
aux papillons, puis Le fossoyeur, Pénélope, Auprès de mon arbre, La
marche nuptiale, Le cocu et Brave Margot."
Fait intéressant, les
Compagnons de la chanson sont dans les mêmes temps à l’affiche d’un
autre établissement: le restaurant À la Porte Saint-Jean, à l’étage
duquel a été installée une salle de spectacle. Gérard Thibault en est
également le propriétaire et dirigeant, comme c’est le cas pour La Boîte
aux chansons, située juste à côté, sans oublier Chez Émile et À la Page
blanche. Ainsi va avoir lieu la première véritable rencontre entre Fred
Mella et l’auteur-compositeur du Gorille (bien que leurs tournées se
soient croisées au moins une fois à l’époque des débuts de Brassens,
nous indique Philippe Borie sur le blog de l’association L’Amandier),
les amenant à tisser de forts liens d’amitié par la suite. Le fondateur
et soliste du groupe révélé par la chanson Les Trois Cloches,
enregistrée avec Édith Piaf en 1946, nous fera partager ses souvenirs,
cités par Christian Deville-Cavelin dans le N°169 de la revue Les Amis
de Georges (mai-juin 2019): "C’était à Québec, dans un cabaret où tous
les grands artistes avaient chanté et dont Charles Trenet m’avait donné
l’adresse." À Gérard Thibault, il déclare sur le moment: "C’est la
première fois que je rencontre Georges Brassens ! C’est incroyable, il
fallait que je vienne au Québec pour faire sa connaissance !"
Autre
artiste qui va vivre une expérience toute particulière aux côtés du
sétois moustachu: Gilles Vigneault, qui s’est fait connaître durant
l’été 1960 à La Boîte aux chansons. C’est là qu’il donne des tours de
chant en octobre 1961. Il témoigne dans l’ouvrage de François-Régis
Barby, Passe l’hiver (1978).
Gilles Vigneault: "(…) Donc, je
chantais à "La Boîte-à-Chansons" où l’on était "fou". Un
propriétaire nous avait loué le local et tout cela marchait gentiment.
On avait fait venir du monde: Pauline Julien, Catherine Sauvage, des
artistes qui, eux, ne passaient pas dans les cabarets chics au milieu
des danses et du strip-tease."
Brassens, lui, fait le bonheur
des spectateurs de Chez Gérard. L’auteur-compositeur de Jos Montferrand
(chanson qui n’échappe pas à la censure parce qu'elle contient le mot "cul" en ouverture du premier vers) en éprouvera plus tard des regrets.
Gilles
Vigneault: "Il serait venu chez nous, il aurait fait un triomphe. Il
était attendu par un public qui, sans bien connaître, aurait fait fête à
ses chansons. Georges en garde un souvenir… "périssable". Quand on
lui parle, il n’écoute pas, et il a raison. Il se souvient peut-être
qu’après mon tour de chant, j’allais l’attendre chez Gérard et je
l’accompagnais à l’hôtel, considérant comme un honneur de porter sa
guitare. J’admirais beaucoup ce qu’il faisait. J’admire toujours,
d’ailleurs."
Dans le livret de l’album Georges Brassens - La
Comédie-Canadienne - Montréal 1961, Martin Duchesne aborde cette
anecdote, précisant que le public de La Boîte aux chansons est
majoritairement étudiant, donc sans doute plus familier avec le
répertoire de Brassens. Des informations supplémentaires demandent
toutefois à être obtenues afin d’en savoir plus sur le déroulement de
chacun des tours de chants de notre troubadour héraultais dans le
célèbre établissement de Gérard Thibault où l’attend chaque fois un
public acquis et fidèle, mais restreint. Pour en revenir à Gilles
Vigneault, il se trouve très souvent présent dans les coulisses en fin
de soirée, au point que Brassens le croit d’abord être un régisseur de
la maison. On le lui présente comme un enseignant (métier qu’il a exercé
à la Garnison Valcartier de 1954 à 1956, puis à l'Institut de
technologie de Québec (de 1957 à 1961), où il dispense des cours
d'algèbre et de français, et enfin à l'Université Laval durant l'été en
1960 et en 1961) mais il découvrira vite, derrière cette façade, un tout
jeune confrère débutant dans le métier et pour qui l’année 1961 est
celle d’un premier grand récital au Chat Noir puis au Gesù (dont le
soubassement a été aménagé en auditorium devenu par la suite l’un des
plus anciens lieux culturels de Montréal). Dans un entretien avec
Laurent Bourguignon pour un numéro de l’émission radiophonique D'un jour
à l'autre le 20/08/1970, Gilles Vigneault parle de sa rencontre avec
Brassens. En plus de nous apprendre qu’à cette époque, ce dernier est
logé à l’Hôtel Clarendon, il révèle une pensée que le sétois lui a fait
partager et qui exprime son sentiment sur le métier qu’ils exercent tous
les deux:
Georges Brassens: "Tu sais, tout ce qu’on peut
faire, nous autres, c’est montrer de temps en temps une petite lumière
au bout du chemin."
Et Vigneault de rajouter poétiquement: "Même quand on ne la voit pas." On peut l’écouter dans La tournée de Georges Brassens au Québec racontée par Steve Normandin (Radio-Canada,
15/12/2017). Du côté de la presse écrite, on trouve une
curiosité, dans Le Devoir du 11/10/1961: sous le titre Et l’on avait annoncé une soirée-musique-et-chant !, une lettre rédigée six jours
auparavant, dans laquelle s’exprime une dame d’un certain âge,
particulièrement offusquée par les "gros mots" contenus dans les
paroles de certaines des chansons qu’elle a entendues lors du récital de
Brassens à l’Université de Montréal. Signée "Tante Ida et ses trois
compagnes", la missive rend toutefois compte du succès de la soirée: "Amphithéâtre archicomble, chaises dans les allées, gens debout, etc.,
malgré les lois qui régissent les lieux d’amusements publics."
Par
ailleurs, dans Le Soleil du 14/10/1061, on trouve une interview de
Georges par Paule France Dufaux. Republiée dans N°3 de la revue Les Amis
de Georges (juillet-août 1991), elle nous permet de redécouvrir que,
suite à une petite incompréhension des propos qu’il a tenus au sujet de
son admiration pour Félix Leclerc et de ce qu’il lui doit, le sétois
moustachu fait une mise au point: "Il y a eu un malentendu lorsqu’à
Montréal, j’ai parlé de Félix Leclerc. Ce que j’ai dit de la guitare qui
est notre seul point commun a engendré une suite d’histoires
invraisemblables. Que je m’inspire de Leclerc, que je marche sur ses
brisées etc… etc… J’aime ce que fait Leclerc en tant que Leclerc, mais
s’il y a deux hommes au tempérament opposé, je crois que c’est bien lui
et moi. Nous n’avons pas du tout la même conception de la vie, de
l’amour, de l’homme… Ce que ce gars-là a fait et qui m’a aidé, c’est
qu’il se soit présenté le premier sur une grande scène avec ses
chansons, sa guitare et une chaise pour poser le pied. Voila…" Il tient
de nouveau ce discours devant un groupe de jeunes qui l’interrogent
également sur son style de chansons, sa façon d'interpréter celles-ci,
ses débuts sur scène. Cette séquence, diffusée dans l’émission télévisée
L'Écran des jeunes (Radio-Canada, 01/12/1961) animée par le jeune
comédien Claude Laroche, voit Brassens se prêter avec simplicité et
générosité aux questions des reporters en herbe puis conclure
l’entretien en chantant, à leur demande, Le petit cheval.
Des recherches supplémentaires
seraient intéressantes à effectuer afin de déterminer la source
d’origine de ce document. L’ultime émission à laquelle Georges participe
est Music-Hall, réalisée par Pierre Morin et dans laquelle Jacques
Normand l’accueille pour un récital de neuf chansons: L’orage, La
Prière, Hécatombe, Brave Margot, Le Père Noël et la petite fille, Le
vieux Léon, Les funérailles d’Antan, La balade des dames du temps jadis
et La chasse aux papillons. C’est dernier grand rendez-vous québécois de
Brassens, à Montréal, le dimanche 15/10/1961 à 20H30. Les autres
artistes au programme de la soirée sont les danseurs Benny et Judy, la
fantaisiste Clémence Desrochers, les danseurs de Michel Conte et le
danseur fantaisiste Pierre Le Bon, comme indiqué dans l’article de la revue La semaine à Radio-Canada du 14 au 20/10/1061 qui nous apprend
également qu’Estelle Caron fait sa rentrée le même jour. Dans Le Devoir
du 17/10/1961, Monique Roy rend compte, au fil d’un article intitulé
Télévision – Music-Hall, de ce qui aura été une sorte de final en
apothéose pour Georges Brassens qui est retourné en France très content,
puisqu’il a triomphé partout, en plus d’avoir rencontré des gens forts
sympathiques. On remarquera que la journaliste pointe et déplore la
vision étroite qu’ont eue certaines personnes des chansons du sétois
moustachu, du fait des expressions et des termes familiers qu’elles
recèlent.
Le bilan de cette tournée québécoise est donc très positif, puisque, malgré des appréhensions de départ, aussi bien du côté de Georges que de celui des producteurs et tourneurs d’outre-Atlantique, chaque spectacle aura été présenté à guichet fermé et marqué par un enthousiasme certain du public. Dans Pour vous Monsieur Brassens, d'affectueuses irrévérences (2011), Robert Le Gresley retrace l’épopée entière en se mettant dans la peau d’un admirateur québécois qui confie son ressenti. Du pays voisin, c’est le titre donné à ce témoignage virtuel qui montre bien les différentes réactions du public. Touché par la chaleur et la simplicité de l’accueil qu’il a reçu, le "pornographe du phonographe" garde de très agréables souvenirs de ce séjour, qu’il a immortalisé par une série de prises de vues… mais pas par des chansons, contrairement à Charles Trenet. Dans un entretien avec Jacques Vassal à Paris le 17/09/1990, le fidèle Gibraltar reviendra sur le fait que, comme dit plus haut, l’aventure de son ami dans la Belle Province est néanmoins demeurée unique.
Pierre Onténiente: "(…) il n’a
jamais réussi à y retourner. Tous les ans, l’agent québécois, Guy
Latraverse, quand il passait à Paris, me demandait de faire revenir
Georges au Québec. À chaque fois, je devais lui répondre: "Pas cette
année, Georges fait ci ou ça…" Il s’est accroché pendant je ne sais
combien d’années." [Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 390]
Toutefois,
il va retrouver Félix Leclerc lorsque celui-ci s’installe en France à
La Celle-Saint-Cloud en 1964 (selon un courriel de Jean Dufour daté du
04/07/2014 et cité dans l’ouvrage Félix Leclerc – Héritages et
perspectives paru en 2019). Cette année est celle d’un évènement
important pour l’auteur-compositeur de La complainte du pêcheur: son
entrée au N°123 de la prestigieuse collection Poètes d’aujourd’hui des
Éditions Pierre Seghers. Ce qui fait de lui le premier auteur québécois à
être ainsi honoré. Le livre en question bénéficie d’une élaboration
sous la direction de Luc Bérimont. Il contient une riche étude
d’introduction à l’homme et son œuvre, à laquelle s’ajoute un choix de
textes en prose ainsi que de paroles de chansons. Georges Brassens, lui, a vu le N°99 lui être consacré peu de temps avant, au cours du quatrième trimestre 1963.
Ses visites chez le créateur du P’tit
bonheur, ainsi que les moments passés à flâner sur les terrains de sa
ferme ou sur les berges du Saint-Laurent, Brassens ne les a pas oubliés.
Il va pareillement le recevoir à son domicile, à Crespières, puis à
paris, rue Santos-Dumont. Quant à Félix Leclerc, qui séjournera de temps
en temps à Poigny-la-Forêt (78) dans une maison où s’installera, plus
tard, Luc Bérimont, il aura la partie d’autant plus facile pour
rejoindre le "Moulin de la Bonde". Tous deux s’estiment beaucoup, comme
hommes et comme artistes. Ils aiment converser ensemble. La Camarde est
l’un de leurs sujets de prédilection. Brassens ne se lasse pas
d’entendre les anecdotes macabres de son confrère qui a exercé le métier
d’aide-embaumeur durant quelques semaines en 1939. Tout cela nous est
confirmé par Pierre Onténiente mais aussi par Jean Dufour, qui allait
bientôt devenir agent, secrétaire, chauffeur et technicien de Félix
Leclerc (via la signature d’un accord de collaboration en avril 1967,
quelques mois après leur première rencontre à la fin de l’année
précédente, sous l’impulsion de Jean-Pierre Ferland).
Jean Dufour: "Félix allait de temps à autre passer une journée chez Georges à
Crespières. Je n’ai été présent qu’une seule fois à l’une de leurs
rencontres, mais il existe une photo sur une pochette d’un disque de
Félix où on les voit ensemble et qui, à mon sens, résume parfaitement la
nature de leur relation. Vous savez que Félix, parmi ses métiers de
jeunesse, avait été embaumeur. Il a raconté des tas d’anecdotes à
Brassens sur la façon dont on embaumait les morts et Brassens était
complètement fasciné en l’écoutant. Et le regard qu’il porte à Félix,
sur cette photo, est très révélateur de ce qu’il voyait à travers lui."
[Vassal J. - Brassens, homme libre - p. 371]
La photo en
question*, pour laquelle une part d’inconnu subsiste quant au lieu où elle a été prise ainsi qu'à l’identité
de l’auteur (le crédit ‘J.-L. FRUND et X…’ est mentionné pour l’ensemble
des clichés utilisés), illustre le verso – en bas à gauche – de la pochette du 33T français Mes
Longs Voyages (Philips 844.716), paru en 1968.
Au cours de leurs
longues conversations, Georges et Félix parlent également de leurs
croyances, du poids de l’Église dans la société. Comme Jean-Claude Lamy
nous révèle dans son ouvrage Brassens - le mécréant de Dieu (2004),
Leclerc fait part à son compère sétois de sa tristesse et de sa colère
après son entretien à Paris avec Mgr Léger, l’évêque de Montréal. En
plein désarroi conjugal (son couple avec Andrée Vien bat de l’aile), il
cherchait à être réconforté mais, au contraire, l’évêque lui a fait une
leçon de morale. Imprégné, comme Brassens par sa mère, d’une éducation
catholique, il est sorti très frustré ‒ voire avec un sentiment de
colère ‒ de cette rencontre.
Félix Leclerc: "Ils n’ont pas
évolué depuis le Moyen Âge. La femme est toujours l’incarnation du
pêché. Il faut se soumettre… avancer dans les ténèbres." [Lamy J.-C.,
2004. Brassens - le mécréant de Dieu - p. 258]
L’auteur-compositeur
de Mes longs voyages se lie aussi avec Jean-Pierre Chabrol, surtout à
la fin des années 1960, comme le confirme Jean Dufour dans un courriel
adressé aux auteurs de Félix Leclerc – Héritages et perspectives (2019)
en date du 06/07/2014. Le chamborigaudois s’exprime au sujet de ses deux
amis, dans un témoignage que l’on trouve au sommaire du N°73 de la
revue Les Amis de Georges (mai-juin 2003).
Jean-Pierre Chabrol: "Il a été le premier de "l’Opération Guitare." Georges et Félix
avaient les mêmes gestes câlins pour prendre au creux de leurs bras
l’instrument femelle aux doubles rotondités. Dans la solitude voulue de
leur loge, avant de monter sur scène, Georges et Félix tendaient
l’oreille au cœur ouvert qui devait gémir juste: mi, la, ré, sol, si,
mi, ils transpiraient, c’était fort, c’était capital, ces notes de la
guitare maternelle derrière laquelle s’abritaient, quatre-vingt-dix
minutes, ces deux timides."
À noter que, dans Félix Leclerc,
d’une étoile à l’autre (1998), Jean Dufour n’a pas manqué de relater les
liens entre Félix et Jean-Pierre… qui n’est autre que le préfacier du
livre ! Un extrait a été inclus dans le N°2 de Passage de l'outarde – Le
petit journal sympathique de l’Espace Félix-Leclerc (Printemps 2005).
Mais
revenons-en à Brassens. Leclerc et lui se retrouvent également dans le
milieu de la chanson, comme le montre par exemple une photo de Fred
Mella datée de décembre 1964 et publiée dans Brassens au bois de son
cœur (2001). On peut les y voir en compagnie de l’animateur de radio,
humoriste et acteur Maurice Biraud, Charles Aznavour et le compositeur
Georges Garvarentz. Il est possible que ledit cliché ait été pris au
foyer du balcon de l’Alhambra. En effet, Brassens s’est produit dans la
célèbre salle de music-hall du 50, rue de Malte (Paris 11e) le
03/12/1964. Également, une autre photo est connue, montrant nos deux troubadours en compagnie de Jean Ferrat dans les coulisses de Bobino, à l'occasion du Gala de La fine fleur de la chanson française 1967, retransmis sur la deuxième chaîne de l'ORTF et présenté par Luc Bérimont.
Si Félix Leclerc savoure ces moments partagés entre
confrères, il n’en est pas franchement de même lors de réunions à
caractère officiel comme par exemple, les réceptions organisées par
Jacques Canetti. Gérard Davoust, président des Éditions Raoul Breton,
qui a contribué au développement de sa carrière en Europe, nous le
raconte.
Gérard Davoust: "Autour d’une table qui réunissait
Fred Mella et Suzanne Avon, Georges Brassens, Jacques Brel, Raymond
Devos, Félix et quelques autres, c’était tout un spectacle ! Entre Félix
et Brel, le courant ne passait pas trop, mais Raymond et Félix étaient
deux "magiciens", chacun à sa manière, qui s’appréciaient beaucoup.
Quand
les rencontres étaient sans prétention, tout allait bien pour Félix.
Mais dès que c’était plus officiel – les réceptions chez Jacques
Canetti, par exemple, – il était moins à l’aise. Il en était venu à
connaître les codes et à s’adapter, mais je crois qu’il préférait
nettement les fêtes au Québec !" [Giroux M., Gince P., 2022. Félix
Leclerc et nous - p. 125]
Autre anecdote intéressante, narrée
dans un article ayant pour titre Georges Brassens, Félix Leclerc et les
imprésarios genevois recourent au Tribunal fédéral et publié dans
l’hebdomadaire L’Express le 07/03/1967 : au début du printemps de cette
année, les imprésarios genevois s’unissent pour protester contre une
décision des pouvoirs publics de taxer à la source, à hauteur d’un tiers
des gains bruts, les artistes étrangers qui se produisent dans les
salles de spectacle de la ville. Ils déposent un recours au Tribunal
fédéral, paraphé par des signatures prestigieuses, dont celles de
Georges Brassens et de Félix Leclerc.
En 1970, de retour au
Québec, le futur auteur-compositeur du Tour de l’île s’installe dans sa
nouvelle maison de l’île d’Orléans avec Gaétane Morin, épousée l’année
précédente en secondes noces et dont il aura deux enfants: Francis, qui
deviendra réalisateur, et Nathalie, future directrice générale et
artistique de l’Espace Félix-Leclerc et vice-présidente de la Fondation
Félix-Leclerc. De nouvelles publications vont voir le jour. Musicales,
mais aussi littéraires. Parmi ces dernières, on notera Le Petit Livre
bleu de Félix ou Le Nouveau Calepin du même flâneur et Rêves à vendre,
tous deux parus en 1978. Dans le second recueil, Georges Brassens est
cité à deux reprises, comme l’indique le mémoire de Maîtrise en études littéraires élaboré par David Prince en 2010 et intitulé Les calepins de Félix Leclerc.
Lorsqu’il est de passage à Paris,
l’auteur-compositeur de L’Ancêtre (Brassens a lui aussi enrichi son
répertoire d’une chanson ainsi intitulée) profite de l’occasion pour
rendre visite amicalement au sétois moustachu. Leur dernière rencontre
remonterait à 1976, avant l’ultime rentrée de Georges à Bobino. En
apprenant la nouvelle de la disparition de celui-ci, Leclerc est
atterré. Dans le quotidien québécois Le Soleil du 31/10/1981, Louis-Guy
Lemieux retranscrit l’expression de ses sentiments, de ses souvenirs.
L’article, qui a pour titre Une grande blessure pour Félix, est élaboré à
partir d’entretien téléphonique qui s’est tenu la veille, en début de
soirée. Du dernier jour d’octobre 1981, citons également Le Devoir avec,
en Une, un encadré titré Brassens meurt à 60 ans et dont le texte se
poursuit page 20, puis La Presse, dont l’article Georges Brassens, le
sauvage du music-hall français, "quitte la vie" après 30 ans de
chanson est illustré d’une photo prise en 1961, montrant Félix et
Georges lors de l’arrivée du second sur le sol québécois.
C’est à
Félix Leclerc que revient donc le mot de la fin, celui qu’il écrira à
Jean-Paul Sermonte le 19/09/1984 et qui prendra place dans Brassens au
bois de son cœur (2001). Un hommage chaleureux à l’homme, mais aussi à
son œuvre intemporelle:
"Brassens était un oublieux. Il lui
arrivait d’oublier son cachet dans des maisons de jeunes qui avaient
besoin d’argent (à la condition que personne ne le sache). Sur le coin
de la table, il a aussi oublié quelques chansons éternelles. Mais ça,
c’était difficile de le cacher."
*Il s'agit d'un cliché qui accompagnera également un court reportage destiné à la série en dix épisodes Heureux qui comme Félix, animée par Monique Giroux, produite par la Société Radio-Canada (Réal. Jacques Bouchard) et diffusée à l'été 1998.
Quel travail de recherche ! Absolument impressionnant... Un grand BRAVO, Sébastien ! (Michel A.)
RépondreSupprimerMerci beaucoup Michel, à bientôt !
SupprimerAvez vous le dernier enregistrement du concert donné par GB à la Comédie Canadienne ? J'en ai l'exclusivité en France, et peux vous offrir le CD. Patrice Lozano ( patrice-lozano@orange.fr)
RépondreSupprimerBonsoir Patrice,
SupprimerJe possède un exemplaire de ce superbe CD, merci beaucoup !