Face 1
- Supplique pour être enterré à la plage de Sète
- Le Fantôme
- La Fessée
- Le Pluriel
- Les Quatre bacheliers
- Le Bulletin de santé
- La Non-demande en mariage
- Le Grand Chêne
- Concurrence déloyale
- L'Épave
- Le Moyenâgeux
Cette rose tombée, échappé de la gerbe de fleurs
Qu’un général (héros brave à trois poils) portait au monument aux morts,
Je te l’avais offerte en te parlant d’amour,
Et les morts ont crié: "Au voleur ! Au voleur !"
Ces vers, ébauchés dans le journal de Georges Brassens – et plus particulièrement dans le Cahier 1963-1981, aux pages datées de janvier 1969 [Brassens G. - Journal et autres carnets inédits - p. 141], allaient par la suite donner naissance à une très belle fable amenant une réflexion sur l’impossibilité d’établir des rapports gratuits avec des inconnus dans une société essentiellement régie par les rapports marchands. Le partage déçu, l'amitié offerte et refusée, tout comme l’idée qu'il y a autant de générosité à recevoir qu'à donner, imprègnent cette œuvre, considérée par nombre de spécialistes et d’admirateurs comme une des plus accomplies du répertoire du sétois moustachu.
Et pourquoi nous haïr, et mettre entre les races
Ces bornes ou ces eaux qu’abhorre l’œil de Dieu ?
De frontières au ciel voyons-nous quelques traces ?
Sa voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ?
Nations, mot pompeux pour dire barbarie,
L’amour s’arrête-t-il où s’arrêtent vos pas ?
Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie :
L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La fraternité n’en a pas !
Ces vers d’Alphonse de Lamartine ne laissèrent sans doute pas Georges Brassens indifférent, lui qui mit en musique le très beau poème Pensée des morts, paru dans le recueil Harmonies poétiques et religieuses (1830). Ici, il s’agit d’un extrait de La Marseillaise de la Paix, publiée par Lamartine dans la Revue des Deux Mondes, période initiale, tome 26, 1841, en réponse au Chant du Rhin (Rheinlied) que le poète allemand Nikolaus Becker inséra dans le recueil Das Nationallied „Sie sollen ihn nicht haben, den freien deutschen Rhein“. Mit 8 Melodien nach den beliebtesten Volksweisen bearbeitet (1840). Si Jean-Paul Sermonte cite les premiers alexandrins de Lamartine dans son éditorial du N°100 de la revue Les Amis de Georges (novembre-décembre 2007), c’est pour les mettre judicieusement en lien avec une chanson peu mise en avant, bien que figurant parmi les plus notables de l’œuvre de Brassens: La visite.
© E. Mandelmann - CC BY-SA 3.0 |
Dans le cadre de La Compagnie des œuvres, émission quotidienne de France Culture dédiée au patrimoine culturel mondial, Matthieu Garrigou-Lagrange propose une semaine sur la vie et l'œuvre de Georges Brassens, du 1er au 04/02/2021. Sont donc prévus quatre épisodes consécutifs, diffusés de 15H à 16H, du lundi au jeudi. Voici la présentation de la série Georges Brassens nous rend heureux:
Troubadour égaré dans le siècle des machines, Brassens nous a légué une œuvre à l’écart du consensus et de la place publique, synthèse de l’argot de rue, du Moyen-Âge et du classicisme français. Préférant suggérer que dire, l’homme cultiva un esprit libre et anarchiste, non comme un dogme, mais comme une manière d’être au monde, grattant sa guitare comme des cordes de prison, croquant avec appétit les notes et les derrières.
Clémentine Deroudille, qui fut la co-commissaire - avec Joann Sfar - de la grande exposition Brassens ou la liberté en 2011, est l'invitée de l'émission d'aujourd'hui qui a pour titre La bohème de Georges Brassens. La jeunesse de l'artiste et la genèse de l’œuvre sont les thèmes abordés.
La pipe au papa du Pape Pie pue
Cette célèbre locution que l’on trouve dans le poème de Jacques Prévert La crosse en l’air, écrit en 1936 et publié dans le recueil Paroles (1946), a sans doute beaucoup plus à Boby Lapointe, lui-même grand adepte de figures de style et de jeux de mots en tous genres. Et Georges Brassens n’était pas en reste, lui qui riait beaucoup en lisant l’auteur des Feuilles mortes et dont l’un des grands amis n’était autre que Raymond Devos. Effectuons un bond jusque dans les années 1950 afin de nous intéresser aux connivences et liens étroits entre ces deux artistes incontournables… et moustachus de surcroît !
"Te souviens-tu de notre première rencontre, en 1952 (…) ? C’est un journaliste québécois, Jacques Languirand, qui avait provoqué ce face-à-face. Racontant l’évènement lors d’une interview, à quelque temps de là, il précisait: "Le premier à grommelé quelques syllabes inaudibles, le second a grogné quelques sons incompréhensibles. Ce fut la rencontre de deux ours !" [Le Gresley R. - Pour vous Monsieur Brassens, d'affectueuses irrévérences - p. 154]
Les coulisses des Trois Baudets sont le cadre de cette histoire évoquée par Robert Le Gresley se mettant dans la peau de Félix Leclerc le temps d’un hommage intitulé Moi mes sabots. Des recherches seraient intéressantes à mener afin d’en savoir plus et de retracer précisément la première rencontre entre Georges Brassens et son aîné venu de la Belle Province. Le jeune journaliste québécois Jacques Languirand, qui en est à l’origine, pilotait Félix Leclerc dans Paris dès l’époque de sa consécration à l’ABC dont il a partagé la scène avec les Compagnons de la Chanson durant quatre semaines à partir du 22/12/1950.